Réf. : Cass. civ. 1, 24 octobre 2024, n° 22-20.879, F-D N° Lexbase : A28976CB
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N1182B38
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par Jérôme Casey, Avocat au Barreau de Paris
le 10 Décembre 2024
► La réalisation par l’usufruitier de travaux d’amélioration valorisant le bien n’est pas exclusif d’un dépouillement dans une intention libérale, constitutifs d’une libéralité, peu important que ceux-ci soient légalement à sa charge.
« Après avoir relevé que [J] [F] [Z] avait entrepris des travaux de rénovation sur la propriété du [Localité 4] afin de rendre habitable cet ancien logement de garde, resté longtemps désaffecté, la cour d’appel a constaté que celle-ci avait non seulement pris en charge des gros travaux incombant au nu-propriétaire, mais également des travaux d’aménagements (électricien, plombier, interphone, restauration de façade, éclairage, ravalement, rénovation d’appartements) relevant de la charge de l’usufruitier, dont elle a estimé qu’ils n’étaient pas rendus nécessaires par une contrainte de bail et que l’intéressée n’en avait tiré aucune contrepartie à son bénéfice.
Elle en a souverainement déduit qu’en finançant l’ensemble de ces travaux, [J] [F] [Z] s’était appauvrie, dans une intention libérale, au profit de la nue-propriétaire, de sorte que la somme correspondante devait être rapportée à la succession.
Le moyen, qui ne tend qu’à remettre en cause cette appréciation souveraine, n’est donc pas fondé. »
On retrouve la jurisprudence sur la notion « d’avantage indirect », dont on sait qu’elle est fluctuante quant à la place qu’elle laisse à l’intention libérale. Dans le dernier état, un « avantage indirect » ne peut être traité comme une donation que si, à la fois l’appauvrissement et l’intention libérale de celui qui fut généreux est démontrée par celui qui demande à ce que cet « avantage indirect » soit rapporté à la succession (v., Cass. civ. 1, 2 mars 2022, n° 20-21.641, FS-P+B+I N° Lexbase : A10617PY : AJ fam. 2022. 296, obs. J. Casey ; RTD civ. 2023. 423, obs. M. Grimaldi ; Defrénois 2023, DEF212c3, obs. B. Vareille et A. Chamoulaud-Trapiers). Les arrêts de revirement de 2012 sont donc désormais largement confirmés (v., not. Cass. civ. 1, 18 janvier 2012, quatre arrêts, n° 11-12.863 N° Lexbase : A8698IAE, n° 09-72.542 N° Lexbase : A8693IA9, n° 10-27.325 N° Lexbase : A8696IAC, n° 10-25.685 N° Lexbase : A8695IAB, FS-P+B+I). La vertu de cette jurisprudence est de durcir les conditions du rapport, et donc d’exclure un certain nombre de situations de toute restitution à la masse à partager. L’idée est de ne pas tomber dans un contentieux anti-familial, où la moindre gentillesse, la moindre solidarité familiale (j’ai hébergé mon fils pendant son chômage, par exemple) se transforme en donation rapportable. Notons cependant qu’il n’en a pas toujours été ainsi (notamment avant 2012), et que pendant longtemps, il fut jugé que ces « avantages indirects » étaient presque toujours rapportables. Tant mieux pour le dernier état du droit, donc, du moins pour ceux qui pensent que l’on peut s’aider en famille sans faire systématiquement de donation, ou encore, que l’on peut recevoir un enfant à déjeuner, sans que le poulet ne devienne l’objet d’un rapport à succession…
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