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par Maxime Loriot, Notaire Stagiaire - Doctorant en droit international privé à l’Université Panthéon-Sorbonne et Dorian Guillou, Diplôme supérieur de notariat - Université Paris - Panthéon Assas
le 20 Novembre 2024
Mots-clés : notaires • revenus immobiliers • droits de mutation • conventions fiscales
Il faut croire que le cœur de l’été est propice, pour l’administration fiscale, à la mise à jour de ses commentaires administratifs concernant la pratique notariale. Le notaire, officier public ministériel, est ainsi amené à consulter les évolutions de la doctrine administrative afin d’adapter sa pratique.
Ainsi, en ce troisième trimestre de l’année 2024, de nombreuses mises à jour du BOFiP ont retenu notre attention, intéressant tant la fiscalité des revenus immobiliers, que la question des droits de mutation ou encore la fiscalité internationale. Comme à l’accoutumée, nous traiterons successivement les actualités sélectionnées pour ce nouveau trimestre.
Sommaire :
I. Fiscalité des revenus immobiliers
II. Les droits de mutation
III. Fiscalité internationale
I. Fiscalité des revenus immobiliers
L’administration procède à la mise à jour de ses commentaires relatifs au dispositif dit « Censi-Bouvard » ou « LMNP » régi par le V de l'article 199 sexvicies du CGI N° Lexbase : L5206MMR.
Ce régime offre une réduction d’impôt pour les contribuables domiciliés en France qui, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2022 et pour la réalisation d’une activité de location meublée à titre non professionnel, ont acquis notamment :
Compte tenu de la modification législative issue de l’article 110 de la loi n° 2023-1322, du 29 décembre 2023, de finances pour 2024, l’administration précise (BOI-IR-RICI-220 et suivants) que la réduction d'impôt s'applique sous réserve :
La loi de finances pour 2024 a procédé à une mise en conformité de notre droit aux exigences européennes en matière de TVA en modifiant l’article 261 D du CGI traitant des exonérations de TVA dans le cadre de locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à usage d’habitation, et plus particulièrement s’agissant des exceptions à ce principe d’exonération.
L’objectif était d’opérer une nette distinction entre la taxation de l'hébergement fourni dans le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire au secteur hôtelier (parahôtelier) de celle des locations dans le secteur du logement meublé accompagnées de la fourniture de certains services.
En cohérence avec à cette modification législative, l’administration opère donc :
L’administration précise plusieurs éléments concernant le dispositif de réduction d’impôts dit « Pinel » / « Pinel + ».
Des précisions sont ainsi apportées concernant l'éligibilité de l’investissement à la réduction s’agissant de la condition tenant au respect par l’immeuble d'un niveau de performance énergétique globale ainsi que sur la définition des différentes zones d’éligibilité, en métropole et dans les départements ou collectivités d’outre-mer (BOI-IR-RICI-360-10-30 N° Lexbase : X3447AMM).
Ensuite, un nouveau feuillet du BOFIP est publié sous les références BOI-RES-IR-000159, lequel traite des conséquences des modifications apportées par les arrêtés du 16 février 2022 et du 2 octobre 2023 sur le classement des communes par zones géographiques pour l'application du dispositif « Pinel » (en métropole et hors région Bretagne).
Enfin, et surtout, l’administration procède à une mise à jour plus importante consécutive à la loi de finances pour 2021 qui avait prorogé, une nouvelle fois, le dispositif de réduction d’impôts « Pinel » régi par l’article 199 novovicies du CGI N° Lexbase : X3447AMM. Cette prolongation du dispositif de faveur a été faite au prix d’une diminution progressive des taux de cette réduction d’impôt pour les investissements réalisés en 2023 et 2024.
Les taux ont ainsi évolué :
La loi a toutefois prévu deux exceptions (englobées sous l’acception régime « Pinel + ») pour les logements acquis jusqu’au 31 décembre 2024 et :
L’administration a donc mis à jour ses commentaires tant en ce qui concerne la diminution progressive des taux de réduction d’impôts que des exceptions à cette diminution.
On trouvera ainsi aux BOI-IR-RICI-360-30-10 § 205 et suivants les développements principaux sur les éléments permettant de caractériser les logements dont l’acquisition est concernée par l’exception, c’est-à-dire au maintien des taux de réduction.
En particulier, on y trouvera, pour la métropole et les départements et régions d'outre-mer et collectivités d’outre-mer :
Pour rappel, les taux de réduction pour les logements respectant ces conditions sont :
Rappelons tout d’abord qu’avant l'entrée en vigueur de l'article 45 de la loi n° 2023-1322, du 29 décembre 2023, de finances pour 2024 N° Lexbase : L9444MKY, les propriétaires de meublés de tourisme pouvaient bénéficier d'un abattement de 50 % sur leurs revenus locatifs dans la limite de 77 700 euros de recettes ou de 71 % dans la limite de 188 700 euros de recettes pour les meublés de tourisme classés et les chambres d'hôtes. Concernant les meublés de tourisme classés, le texte adopté a réduit la déduction forfaitaire à 30 % et plafonné le seuil applicable pour le régime micro-BIC à 15 000 euros.
Toutefois, depuis les commentaires du BOFiP publiés le 14 février 2024, l’administration fiscale a choisi de laisser la possibilité pour le contribuable entre :
Par cette décision du 8 juillet 2024, le Conseil d’État annule les dispositions tirées de l’actualité BOFIP-Impôts du 14 février 2024. Cette disposition concernait la tolérance administrative appliquée au régime des micro-Bénéfices industriels et commerciaux (micro-BIC) pour les revenus issus de la location meublée touristique. Le Conseil d’État rappelle à cet effet que l’administration fiscale ne peut introduire, par voie de commentaires administratifs, des dérogations aux règles établies par la loi, même si ces dérogations sont destinées à simplifier les démarches fiscales des contribuables.
Lire en ce sens sur cette affaire :
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II. Les droits de mutation
Le 25 septembre, la Cour des comptes a rendu public son rapport sur les droits de succession en France daté de juin.
Les magistrats financiers y préconisent une réforme des droits de succession « à rendement constant fondée sur un resserrement des dispositifs dérogatoires et une baisse ciblée des taux, permettant d’améliorer l’équité de cet impôt dont l’avantage procuré par l’application des dispositifs dérogatoires croît avec le montant de la succession ».
Ce rapport recommande, si cette réforme de la fiscalité successorale devait être conduite, « une réduction des avantages fiscaux dérogatoires [il vise expressément les régimes Dutreil, assurance-vie et démembrement] au profit d’une baisse ciblée des taux d’imposition en veillant à maintenir le produit global de l’impôt ».
Sans attendre cette réforme, il préconise différentes mesures à même de mieux identifier les coûts que représentent ces exonérations dans le budget de l’État en les rendant plus visibles dans les comptes publics, d’améliorer les dispositifs de télédéclaration des successions et des bénéfices des contrats d’assurance-vie et de procéder à des études statistiques actualisées de ces impositions.
Aux termes de la loi n° 2023-1322, du 29 décembre 2023, de finances pour 2024, l’article 774 bis du CGI N° Lexbase : L0726MLH a été instauré, rendant, sauf exception, non déductibles de l'actif successoral les dettes de restitution exigibles et portant sur une somme d'argent dont le défunt s'était réservé l’usufruit (dette de restitution de quasi-usufruit) et faisant dérogation aux dispositions de l’article 1133 du CGI N° Lexbase : L9702HLW aux termes desquelles la réunion de l'usufruit à la nue-propriété ne donne, par principe, ouverture à aucun impôt ou taxe lorsque cette réunion a lieu par l'expiration du temps fixé pour l'usufruit ou par le décès de l’usufruitier.
Pour tenir compte de cette évolution législative, l’administration a mis à jour ses commentaires figurant au BOI-ENR-DMTG-10-40-20-20 traitant des dettes non déductibles de l’actif successoral au rang desquelles figure désormais la dette de restitution d’un usufruit portant sur sommes d’argent.
Par ailleurs, l’administration ajoute deux nouveaux paragraphes (numéros 103 et 107) rappelant l’exception à la règle de non-déductibilité des dettes du défunt envers ses descendants prévue par l’article 774 du CGI N° Lexbase : L5152IMR lorsqu’il est question de la créance de salaire différé due aux descendants dans le cadre d’exploitation agricole.
Enfin, au-delà de ces modifications, l’administration procède à quelques corrections quant aux formules sémantiques et stylistiques utilisées.
Compte tenu de l’importance des commentaires traitant du quasi-usufruit pour la pratique notariale, une analyse plus approfondie sera bientôt proposée dans ces colonnes.
III. Fiscalité internationale
Le 11 mai 2022, la France et la Grèce ont signé une convention pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscale, entrée en vigueur le 30 décembre 2023. Elle vient à cet effet remplacer la précédente convention du 21 août 1963.
Dans ses commentaires doctrinaux, l’administration rappelle en substance qu’il est nécessaire de se référer à ses commentaires au BOFIP relatifs à la nouvelle convention fiscale franco-luxembourgeoise (BOI-INT-CVB-LUX-20, 23 février 2021).
D’une part, elle apporte des précisions relatives à la notion d’établissement stable. L’administration rappelle que peut notamment constituer un établissement stable tout lieu d’extraction, d’exploration ou d’exploitation de ressources naturelles (cf. art. 5, 2, f de la convention).
D’autre part, concernant les bénéfices des entreprises, l’administration considère que conformément au 4. de l’article 7 de la convention, un État peut continuer à employer la méthode de répartition des bénéfices totaux si elle est couramment adoptée dans ce pays (ce qui n’est pas le cas de la France), même si le montant qui en résulte peut parfois différer, dans une certaine mesure, de celui que donnerait une comptabilité séparée, à condition que l’on puisse équitablement considérer que le résultat obtenu est conforme au principe de pleine concurrence.
Par ailleurs, concernant la notion de pension de retraite, elle précise que les pensions et autres rémunérations similaires, payées à un résident d’un État contractant au titre d’un emploi antérieur, sont imposables exclusivement dans l’État de résidence (art. 17).
Enfin, concernant la rétroactivité des principes d’imposition des revenus de source publique, elle ajoute que cette rétroactivité rendue possible est ouverte, sur demande, pour les périodes d’imposition commençant à compter du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2023. En cohérence, elle indique que la méthode d’élimination de la double imposition est également applicable pour ces périodes.
La France a, au fur et à mesure des années, fait le choix de développer une politique fiscale ouverte sur le monde en concluant de nombreuses conventions bilatérales avec d’autres États en vue de lutter contre les effets pénalisants liés au phénomène des doubles impositions en matière successorale. Ces conventions répartissent les droits d'imposer en fonction de l’État de la résidence fiscale du défunt et du lieu de situation des biens faisant partie de la succession.
Si le législateur européen a harmonisé l’aspect civil des transmissions patrimoniales par le Règlement du 4 juillet 2012, dit « Règlement Successions », il n’existe à l’heure actuelle pas de règlement à vocation universelle relatif à la fiscalité des successions présentant un élément d’extranéité.
En matière de donations, fiscalement, seules 8 conventions bilatérales ont été conclues par la France (Allemagne, Autriche, États-Unis, Guinée, Italie, Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon, Suède). À défaut de convention, le notaire fait application des règles de territorialité de droit interne français posées par l’article 750 ter du CGI N° Lexbase : L9528IQX.
Ces conventions conclues par la France ont pour objet :
Ainsi, dans un souci de renforcement des compétences des notaires en droit international privé et de compréhension des outils fiscaux bilatéraux existant actuellement, le Conseil supérieur du Notariat français a publié, le 24 septembre dernier, un nouveau Guide en matière de fiscalité internationale des successions et des donations.
Selon l’instance, la section de droit international et européen a réalisé une série de fiches techniques relatives à la fiscalité applicable dans le domaine des successions et des donations dans les relations avec les pays ayant le plus de liens avec la France (Algérie, Allemagne, Belgique, Canada, Émirats arabes unis, Espagne, États-Unis, Italie, Monaco, Royaume-Uni, Tunisie notamment).
Ce guide pratique met en lumière l’articulation entre les règles applicables en droit interne et celles des conventions fiscales existantes avec ces pays, ainsi que le raisonnement à suivre pour vérifier l’applicabilité d’une convention, déterminer la matière imposable et éliminer la double imposition.
Par un communiqué de presse commun en date du 5 décembre 2023, les gouvernements de transition du Mali et du Niger ont dénoncé les conventions fiscales qui les liaient à la France, conclues le 22 septembre 1972 et le 1er juin 1965, sur le fondement de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969.
Les commentaires précisent toutefois que la suspension de la convention fiscale n'affecte pas l'imposition en France des revenus pour lesquels la convention attribuait déjà à la France un droit illimité d'imposition. En revanche, l'imposition de tous les revenus au titre desquels la convention prévoyait une exonération en France ou un partage de l'imposition est affectée par la suspension de la convention.
Concernant la convention fiscale conclue entre la France et le Mali, la convention a été suspendue par la France à compter du 5 mars 2024 et a cessé de produire ses effets à compter de cette date, alors même qu’en application de l’article 44 de ladite convention, les effets n’auraient dû prendre effet qu’à compter du 1er janvier 2025. Plus particulièrement, l’administration précise :
Par une requête en date du le 30 avril 2024 dernier, le tribunal judiciaire de Paris a soumis une demande de décision préjudicielle auprès de la Cour de justice de l'Union européenne dans un contentieux successoral relatif à la double rémunération des notaires belges et français.
Une défunte était propriétaire de biens mobiliers et immobiliers situés à la fois en France et en Belgique. Si au jour de son décès elle résidait en Belgique,son unique héritière résidait quant à elle en France. Un acte d’hérédité belge a été dressé dans le cadre du règlement de la succession en Belgique.
En application de la convention fiscale franco-belge du 20 janvier 1959, l'héritière a réglé les impôts relatifs à la succession en France puis a demandé que le montant réglé soit diminué des impôts à payer au titre de la succession en Belgique.
Dans le cadre du règlement successoral français, le notaire a procédé à la liquidation de son émolument, laquelle liquidation a été contestée par l’héritière, considérant que « la rémunération du notaire français, calculée sur l'intégralité de l'actif brut de la succession, sans prise en compte de la rémunération du notaire belge qui est le notaire territorialement compétent pour connaître de la succession au vu de la résidence habituelle de la défunte en Belgique, également calculée sur l'intégralité de l'actif brut de la succession, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux sur le fondement de l’article 63 du TFUE ».
Face à cette question éminemment technique et à la dimension européenne dans un conflit franco-belge, le Tribunal a sursis à statuer pour formuler, à la Cour de Justice de l’Union européenne, quatre questions préjudicielles formulées comme suit :
1) L'article 63 § 1 TFUE doit-il s'interpréter en ce sens qu'il s'oppose à une double rémunération des notaires de deux États membres de l'Union européenne saisis d'une même succession comprenant des biens dans les deux États membres, dont le calcul est également assis sur l'intégralité des actifs bruts de la succession, sans prise en compte de la rémunération versée à l'autre notaire, alors que l'intervention du notaire est légalement imposée ?
2) L'article 63 § 1 TFUE doit-il s'interpréter en ce sens qu'il s'oppose à ce que la rémunération du notaire, dont l'intervention dans une succession comprenant des biens dans deux États membres de l'Union européenne est légalement imposée, soit calculée sur l'intégralité de l'actif brut de la succession et non seulement sur les actifs bruts situés dans son État membre ?
3) Les articles 63 § 1 et 65 § 1 sous a) TFUE doivent-il s'interpréter en ce sens que la double rémunération de deux notaires , saisis d'une même succession, également calculée sur l'intégralité des actifs bruts de la succession situés dans les deux États membres, peut constituer une « disposition pertinente de leur législation fiscale » faisant exception à l'interdiction de restreindre les mouvements des capitaux prévue au premier de ces textes, alors que l'intervention du notaire est légalement imposée ?
4) Les articles 3 § 1 et 65 § 1 sous b) TFUE doivent-il s'interpréter en ce sens que la double rémunération de deux notaires , saisis d'une même succession, également calculée sur l'intégralité des actifs bruts de la succession situés dans les deux États membres, peut constituer une mesure indispensable pour faire échec aux infractions fiscales ou une procédure de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique faisant exception à l'interdiction de restreindre les mouvements des capitaux prévue au premier de ces textes, alors que l'intervention du notaire est légalement imposée ?
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