Le Quotidien du 24 juin 2024 : Droit rural

[Brèves] Bail rural : régime dérogatoire des baux de petites parcelles

Réf. : Cass. civ. 3, 13 juin 2024, n° 22-18.861, FS-B N° Lexbase : A78905HP

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR à l’Université de Franche-Comté

le 21 Juin 2024

► Le régime dérogatoire des baux de petites parcelles ne s'applique pas au bail renouvelé si la division des parcelles, qui a eu pour effet de faire naître une pluralité de bailleurs, a eu lieu moins de neuf ans avant ce renouvellement, en application de l'article L. 411-3 du Code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-874, du 27 juillet 2010.

Un couple a consenti un bail rural à long terme pour une durée de dix-huit ans à compter du 1er avril 1989, portant sur diverses parcelles, dont l’une a été divisée en six, suivant un document d’arpentage établi par un géomètre-expert le 30 novembre 2009. Un partage est intervenu entre les héritiers des bailleurs, par acte du 26 mai 2010. L’un des héritiers s’est vu attribuer une parcelle issue de la division de l’une des parcelles données à bail, suivant le document d’arpentage précité. Il a également reçu une donation de son frère portant sur deux autres parcelles, incluses dans ce même document. L’héritier, nouveau propriétaire, a délivré congé pour les trois parcelles précitées au preneur, par acte du 28 mars 201,9 à effet au 30 septembre de la même année, se prévalant du régime des petites parcelles. Le preneur a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé.

Le premier juge ayant annulé le congé, le preneur a interjeté appel. Par un arrêt confirmatif du 28 avril 2004, la cour d’appel (CA Douai, 28 avril 2022, n° 21/02602 N° Lexbase : A72147UQ), considérant qu’il fallait prendre en compte le morcellement d’une parcelle dans le cadre d’une division parcellaire et non un simple allotissement dans le cadre d’une procédure de partage, a jugé que le délai de neuf ans était effectivement écoulé à la date d’effet du congé, soit le 30 septembre 2019.

Le propriétaire des petites parcelles a formé un pourvoi.

Question. Il s’agissait de savoir à quelle date la division était intervenue afin de déterminer si un délai de neuf ans s’était ou non écoulé depuis le renouvellement du bail au cours duquel la division avait eu lieu.

Enjeu. En raison de l’indivisibilité du bail rural, une division réalisée au cours de la durée d’un bail statutaire de neuf ans ne produit ses effets qu’à l’expiration de ce bail à l’égard du preneur. Ainsi, constitue le point de départ de délai de neuf ans, le premier jour du bail renouvelé.

Réponse de la Cour de cassation. Par un arrêt du 13 juin 2024, la Cour de cassation rappelle que la règle de l’indivisibilité du bail rural cesse à son expiration en application de sa jurisprudence (Cass. civ. 3, 1er octobre 2008, n° 07-17.959, FS-P+B N° Lexbase : A5939EA9). Il en résulte que le régime dérogatoire des baux de petites parcelles ne s'applique pas au bail renouvelé si la division des parcelles, qui a eu pour effet de faire naître une pluralité de bailleurs, a eu lieu moins de neuf ans avant ce renouvellement. Ainsi, le délai de neuf ne court qu’à compter du premier jour du bail renouvelé suivant celui au cours duquel la division a été réalisée.

La Cour de cassation critique la cour d’appel d’avoir retenu que la division s'entend, en l'espèce, du morcellement d'une parcelle par le biais d'une division parcellaire et non d'un simple allotissement dans le cadre d'une procédure de partage, et que l'ancienne parcelle litigieuse a été divisée en six nouvelles parcelles dont les trois parcelles objets du congé, suivant le document d'arpentage établi le 30 novembre 2009. Puis, la cour d’appel a considéré que, si la division parcellaire était intervenue durant la durée initiale d'exécution du bail, un congé ne pouvait être donné qu'à l'issue d'un délai de neuf ans à compter du renouvellement de celui-ci, mais que, si la division était intervenue, alors que le bail a déjà été renouvelé, alors le délai de neuf ans commence à courir à compter de la division parcellaire. Ainsi, elle en avait déduit qu'à la date de la délivrance du congé, le 28 mars 2019, la condition de neuf ans qui a commencé à courir avant la fin de l'année 2009 était remplie, dès lors que cette division était intervenue alors que le bail rural était déjà renouvelé, échappant ainsi au principe d'indivisibilité. La Cour de cassation censure la cour d’appel pour violation des articles L. 411-47 N° Lexbase : L4008AE8 et L. 411-3 N° Lexbase : L8699IM7 du Code rural et de la pêche maritime, car elle avait constaté que le bail en cours s'était renouvelé le 1er avril 2016, soit moins de neuf ans après la division intervenue par acte de partage du 26 mai 2010.

La règle de l’indivisibilité du bail a pour finalité d’étendre le champ d’application matérielle du statut du fermage afin de protéger plus efficacement le preneur en place. Lorsque le bailleur procède à une division de la propriété des biens loués en cours de bail, notamment en raison d’un partage successoral ou d’une donation-partage, celle-ci est inopposable au preneur qui ne connaît qu’un bailleur unique. Cette solution résulte de l’application du principe d’indivisibilité du bail rural statutaire (Cass. civ. 3, 5 avril 2006, n° 05-10.761, FS-P+B+I N° Lexbase : A9399DNG). Par la suite, l’indivisibilité du bail cesse au jour du renouvellement du bail : le régime dérogatoire des petites parcelles s’applique, en principe, à des baux renouvelés qui remplissent les conditions nécessaires à cette date (Cass. civ. 3, 25 septembre 2002, n° 01-10.230, FS-P+B N° Lexbase : A5177AZR ; Cass. civ. 3, 1er octobre 2008, n° 07-17.959, FS-P+B).

La rédaction actuelle de l’article L. 411-3 du Code rural et de la pêche maritime a été modifiée par le législateur en 2010 (loi n° 2010-874, du 27 juillet 2010 N° Lexbase : L8466IMI). En application de la règle précitée, les conséquences juridiques de la division sont reportées à l’expiration du bail renouvelé lorsque la division a lieu moins de neuf ans avant le terme, ce qui est nécessairement le cas pour un bail statutaire de neuf ans. Ainsi, l’arrêt du 13 juin 2024 est une illustration de cette règle modifiée, les précédentes décisions ayant été rendues sous l’empire de la rédaction antérieure à 2010 de ce texte.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Champ d'application du bail à ferme, Conditions relatives au bail de petites parcelles, in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E8909E9T.

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