Le Quotidien du 19 juin 2024 : Droit rural

[Brèves] Demande de résiliation du bail pour cause de décès du preneur

Réf. : Cass. civ 3, 30 mai 2024, n° 22-22.158, FS-B N° Lexbase : A97665D3

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N9588BZ7

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR, Université de Franche-Comté

le 18 Juin 2024

► À défaut de transmission du bail pour cause de décès du preneur à un conjoint ou à un ayant-droit, le bailleur peut demander la résiliation du bail par tout moyen, en application l'article L. 411-34, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime.

En l’espèce, un bailleur a donné à bail à ferme à un preneur diverses parcelles, qu'il a mises, à compter de 2004, à la disposition de l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL), dont il était l'unique associé. Le preneur est décédé le 14 septembre 2017, laissant pour recueillir sa succession sa conjointe survivante qui a cantonné ses droits à la résidence principale, et ses quatre enfants. Par lettre simple, datée du 1er mars 2018 et adressée à l'EARL, le bailleur a notifié sa décision de résilier le bail. Le 19 décembre 2019, l’un des enfants du preneur a saisi un tribunal paritaire des baux ruraux en constat de la continuation du bail à son profit, en rétablissement de l'accès aux parcelles et en indemnisation. Le tribunal paritaire des baux ruraux a constaté la résiliation du bail, solution qui est confirmée par un arrêt de la cour d’appel de Rennes du 2 juin 2022 (CA Rennes, 2 juin 2022, n° 20/05633 N° Lexbase : A8567743).

Le descendant du preneur forme un pourvoi au motif que la notification de la résiliation du bail par lettre simple équivaut à une absence de demande de résiliation. Pour cette raison, la cour d’appel ne pouvait pas retenir que le bail avait été résilié, que le courrier simple adressé le 1er mars 2018 à l'EARL ne constituait pas une notification régulière de la résiliation du bail. Ainsi, la cour d'appel aurait violé l'article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4467I49.

En vain, car la Cour de cassation, dans un arrêt du 30 mai 2024, rappelle que, selon l'article L. 411-34, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'ayant droit participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès. Elle ajoute qu’il résulte de ce texte, qui ne pose aucune condition de forme, que la demande en résiliation peut être faite par tout moyen. Par conséquent, la « demande en résiliation du bailleur, prévue à l'article L. 411-34, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime, lorsque le preneur décède sans laisser de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'ayant droit participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès, peut être faite par tout moyen ».

Ainsi, à défaut de formalisme obligatoire imposé par le législateur dans l’hypothèse particulière du décès du preneur en cours de bail, qui ne laisse ni conjoint, ni descendant en mesure de poursuivre l’exploitation agricole réalisée jusqu’alors, le bailleur peut adresser la résiliation du bail rural à la succession du preneur sans avoir à respecter une forme et des délais particuliers.

En effet, par application des articles 1742 du Code civil N° Lexbase : L1864ABN et L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime, lorsque le preneur vient à décéder sans laisser de conjoint, d'ascendants ou de descendants qui participent à l'exploitation ou qui y ont participé effectivement au cours des cinq années qui ont précédé le décès, le droit au bail passe néanmoins à ses héritiers ou à ses légataires universels, et le bailleur a seulement la faculté de demander, à peine de forclusion, dans le délai de six mois à compter de ce décès, la résiliation du bail à ferme (Cass. civ. 3, 24 février 1988, n° 86-15.863, publié au bulletin N° Lexbase : A0012AAP ; Cass. civ. 3, 27 juin 1979, n° 78-12.090, publié au bulletin N° Lexbase : A2207CKX). Pour cette raison, à défaut d’effectuer une demande de résiliation dans le délai imparti, les héritiers demeurent titulaires du bail sans condition de participation à l’exploitation préalablement au décès (Cass. civ. 3, 7 septembre 2022, n° 21-19.188, F-D N° Lexbase : A68198HZ, L. Florent, Transmission de plein droit du bail rural aux héritiers du preneur décédé, Lexbase Droit privé, septembre 2022, n° 917 N° Lexbase : N2640BZS).

La demande du bailleur doit être adressée à tous les héritiers du preneur décédé (CA Grenoble, 19 septembre 2017, n° 16/05499 N° Lexbase : A2110WSX).

Ainsi, le principe est la transmission du bail rural aux héritiers du preneur décédé. Toutefois, si ces derniers ne répondent pas aux conditions requises pour cette transmission, le bailleur peut, dans un délai de six mois et à condition de rapporter la preuve, demander la résiliation du bail par tout moyen. Passé ce délai, le bailleur peut encore résilier le bail en présence d'héritiers du défunt locataire n'ayant pas participé à l'exploitation du bien loué, en invoquant la réglementation des structures pour faire obstacle à la dévolution du bail (Cass. civ. 3, 24 avril 2013, n° 12-14.579, FS-P+B N° Lexbase : A6963KCU, nos obs, Conditions de la poursuite du bail par le descendant du preneur décédé, Lexbase Droit privé, mai 2013, n° 529 N° Lexbase : N7222BTN) car le candidat à la continuation du bail doit avoir l'autorisation d'exploiter. Cette exigence légale ne figure pas dans le régime juridique du fermage, mais elle est énoncée aux articles L. 331-1 N° Lexbase : L6543HHS et suivants du Code rural et de la pêche maritime et plus spécialement du « volumineux » article L. 331-2 N° Lexbase : L3130IT4.

Depuis la loi n° 2014-1170, du 13 octobre 2014, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt N° Lexbase : L4151I4I, l'article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime, prévoit que le délai de six mois, dont dispose le bailleur pour demander la résiliation du bail, court à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance, mettant ainsi un terme à la jurisprudence qui considérait qu’en l'absence de toute demande présentée par le bailleur, conformément aux dispositions de l'article L. 411-34 du Code rural et de la pêche maritime, dans le délai de forclusion de six mois à compter du décès du preneur à ferme, le droit au bail de ce dernier passait à ses héritiers, peu important que le bailleur n'ait pas été averti du décès (Cass. civ. 3, 21 janvier 2009, n° 07-21.272, FS-P+B N° Lexbase : A6420ECR).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Résiliation du bail rural, Demande de résiliation du bail par le bailleur, in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9031E9D.

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