Le Quotidien du 10 juin 2024 : Régimes matrimoniaux

[Brèves] Dépenses de conservation de l’article 815-13 du Code civil : guide de calcul du profit subsistant

Réf. : Cass. civ. 1, 23 mai 2024, n° 22-11.649, F-B N° Lexbase : A86195C9

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N9523BZQ

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par Jérôme Casey, Avocat au barreau de Paris, Maître de conférences à l’Université de Bordeaux

le 07 Juin 2024

► Il résulte des dispositions de l’article 815-13, al. 1er du Code civil, que, pour les dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis, dont fait partie le règlement des échéances de l'emprunt ayant permis son acquisition, il doit être tenu compte, selon l'équité, à l'indivisaire de la plus forte des deux sommes que représentent la dépense qu'il a faite et le profit subsistant. Le profit subsistant représente l'enrichissement procuré au patrimoine indivis ;

Pour limiter à une certaine somme le montant de la créance de M. [J] sur l'indivision au titre du financement du bien indivis, l'arrêt retient qu'ayant financé la part de Mme [O] dans une certaine proportion, il doit lui être tenu compte dans cette même proportion de la différence entre la valeur actuelle du bien indivis et le prix de son acquisition ;

En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait d'établir la proportion dans laquelle le règlement par M. [J] des échéances de l'emprunt, en capital et intérêts, avait contribué au financement global de l'acquisition, incluant les frais d'acquisition et le coût du crédit, puis d'appliquer cette proportion à la valeur actuelle du bien dans son état au jour de l'acquisition, enfin, de comparer le profit subsistant ainsi déterminé avec la dépense faite, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

La question ici tranchée touche au droit de l’indivision (C. civ., art. 815-13, al. 1er N° Lexbase : L1747IEG), en matière de concubinage, mais sa portée est générale, quels que soient les modes de conjugalité. La Cour de cassation précise ici le régime du remboursement via le mécanisme de la dette de valeur pour des dépenses de conservation d’un bien.

Une cour d’appel avait retenu le système suivant : Romeo a payé 100 % de la part de Juliette dans l’acquisition du bien, donc Romeo a droit à 100 % de la différence entre la valeur actuelle du bien et la prix d’acquisition de ce même bien.

La Cour de cassation rectifie avec raison, en disant qu’il convenait de déterminer dans quelle proportion la dépense faite par Romeo a contribué au coût global d’acquisition (ce qui inclut, outre le capital payé par Romeo, les frais d’acquisition et les intérêts qu’il a aussi réglés, précise la Cour, cette dernière précision constituant une réelle nouveauté). C’est donc une première division à faire. Puis, cette division faite, son résultat doit être appliqué à la valeur actuelle du bien conservé, mais selon son état d’origine au jour de l’acquisition, et, enfin, de comparer ce chiffre avec la dépense faite, afin de retenir la plus forte des deux sommes.

Ainsi, cela donnera ceci (chiffres purement fantaisistes) :

I. Données de fait :

Capital amorti par Romeo : 200

Coût d’acquisition payé par Romeo : 40

Intérêts payés par Romeo sur la période : 60

Valeur d’acquisition du bien : 600

Valeur actuelle du bien dans son état lors de l’acquisition : 900

II. Calcul

Montant payé par Romeo (dépense faite) : 300 (200 + 60 + 40)

Proportion de ce montant par rapport au prix d’acquisition : 300 / 600 = 0,5

Application de cette proportion à la valeur actuelle (selon état lors de l’acquisition) : 900 x 0,5 = 450, soit un calcul complet qui se présente ainsi : [(300/600) x 900]

Comparaison de la plus forte de valeur entre la dépense faite (300) et le profit subsistant (450).

Le remboursement de Romeo est donc de 450.

Si Romeo et Juliette sont à 50/50 dans l’indivision et que Juliette n’a rien payé de sa part, elle doit (450 x 0,5) = 225 à Romeo.

III. Raisonnement erroné de la cour d’appel

Le raisonnement de la cour d’appel conduisait à un résultat différent.

Romeo a financé 100 % de la part de Juliette, donc il a droit à 100 % de la différence entre la valeur actuelle du bien indivis et le prix de son acquisition, soit 100 % de (900 – 600 + 40), soit 340 x 0,5 = 170. Même en incluant les intérêts, ce n’est pas mieux (40 x 0,5 = 200).

On comprend donc pourquoi, en l’espèce, Romeo a formé un pourvoi…

Notons pour finir que les chiffres ici donnés conduisent à des évidences (300 est la moitié de 600 donc la proportion de 50 % est évidente même pour un non-matheux…). Mais avec des chiffres usuels dans des dossiers, on perd de vue cette évidence, et il faut toujours en passer par les calculs via des règles de trois. Il importe donc d’en passer par ces règles de trois, même avec des chiffres simples, afin que le réflexe liquidatif soit pris.

En matière de concubinage, le concubin solvens se réjouira de bénéficier ainsi de la dette de valeur, mais devra se méfier de la prescription quinquennale de son droit (Cass. civ. 1, 14 avril 2021, n° 19-21.313, FS-P N° Lexbase : A81214PH).

Les époux devront faire la différence entre l’apport en capital et le remboursement au jour le jour, et ceux en régime de communauté devront particulièrement se méfier de l’application de cette jurisprudence en matière d’indivision post-communautaire, compte tenu des points de référence en cause (valeur acquisition vs valeur partage, alors que le financement du solvens ne court pas depuis l’acquisition…).

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