Réf. : Trib. UE, 17 avril 2024, aff. T-255/23 N° Lexbase : A114127E
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par Vincent Téchené
le 24 Avril 2024
► Le nom Pablo Escobar ne peut être enregistré en tant que marque de l’Union européenne. En effet, même si ce dernier n’a jamais été condamné par un tribunal colombien, américain ou européen, mais avait accepté d’être volontairement reclus, dans le cadre d’un accord passé avec le gouvernement colombien de l’époque, il n’était pas moins perçu comme un symbole offensant d’une criminalité organisée à l’origine de nombreuses souffrances.
Faits et procédure. Le 30 septembre 2021, la société Escobar Inc., établie au Puerto Rico (États-Unis), a demandé à l’EUIPO l’enregistrement du signe verbal « Pablo Escobar » en tant que marque de l’Union européenne pour un vaste éventail de produits et services.
Le ressortissant colombien dénommé Pablo Escobar, né le 1er décembre 1949 et décédé le 2 décembre 1993, est présumé être un baron de la drogue et un narcoterroriste ayant fondé le cartel de Medellín (Colombie), dont il était l’unique chef.
L’EUIPO a refusé l’enregistrement, au motif que la marque était contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Il s’est basé sur la perception du public espagnol, car celui-ci connaît le mieux Pablo Escobar en raison des liens entre l’Espagne et la Colombie. La société Escobar attaque ce refus devant le Tribunal de l’Union européenne.
Décision. Le Tribunal confirme le refus d’enregistrement de la marque « Pablo Escobar ». Selon le Tribunal, l’EUIPO pouvait se fonder, dans son appréciation, sur la perception des Espagnols raisonnables, ayant des seuils moyens de sensibilité et de tolérance et partageant les valeurs indivisibles et universelles sur lesquelles est fondée l’Union (la dignité humaine, la liberté, l’égalité et la solidarité, ainsi que les principes de démocratie et d’État de droit et le droit à la vie et à l’intégrité physique). L’EUIPO a estimé correctement que ces personnes associeraient le nom de Pablo Escobar au trafic de drogue et au narcoterrorisme ainsi qu’aux crimes et aux souffrances qui en découlaient, plutôt qu’à ses bonnes actions éventuelles en faveur des pauvres en Colombie.
La marque serait donc perçue comme contraire aux valeurs et aux normes morales fondamentales prévalant au sein de la société espagnole. Le Tribunal ajoute que le droit fondamental de Pablo Escobar à la présomption d’innocence n’a pas été violé, car même s’il n’a jamais été pénalement condamné, il est publiquement perçu, en Espagne, comme un symbole d’une criminalité organisée, responsable de nombreux crimes.
C’est donc sans remettre en cause le droit fondamental de Pablo Escobar à la présomption d’innocence que la Chambre de recours a pu constater, dans la décision attaquée, que les conditions d’application de l’article 7 § 1, sous f), du Règlement sur la marque de l’UE (Règlement (UE) n° 2017/1001, du 14 juin 2017, N° Lexbase : L0640LGS) étaient, en l’espèce, réunies.
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