Réf. : CJUE, 27 mars 2024, aff. C‑639/23 P(R) N° Lexbase : A24402ZE
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par Vincent Téchené
le 05 Avril 2024
►Par une décision du 23 avril 2023, adoptée en vertu du Règlement sur un marché unique des services numériques (Règlement (UE) n° 2022/2065, du 19 octobre 2022 N° Lexbase : L7614MEQ), la Commission a désigné Amazon Store comme étant une très grande plate-forme en ligne.
Cela implique, notamment, qu’Amazon Store est obligée de mettre à la disposition du public un registre contenant des informations détaillées sur sa publicité en ligne. Amazon a demandé l’annulation de cette décision. Par ordonnance du 27 septembre 2023, le président du Tribunal a ordonné la suspension de la décision dans la mesure où Amazon Store sera obligée de mettre à la disposition du public le registre de publicité (Trib. UE, 27 mars 2023, aff. T-367/23 R N° Lexbase : A24412ZG). La Commission a saisi la Cour de justice d’un pourvoi contre cette ordonnance.
Décision. Dans son ordonnance du 27 mars 2024, la Cour de justice de l'Union européenne annule la partie de l’ordonnance du président du Tribunal qui suspend la décision de la Commission en ce qui concerne le registre de publicité.
Il constate que la Commission a été privée, en violation du principe du contradictoire, de la possibilité de prendre position sur les arguments présentés par Amazon pendant la procédure devant le Tribunal.
Étant donné que la Commission a présenté devant la Cour les arguments qu’elle entendait opposer aux éléments avancés par Amazon devant le Tribunal, le vice-président de la Cour statue définitivement sur le litige et rejette la demande en référé. Le vice-président de la Cour estime que l’argument soulevé par Amazon, selon lequel l’obligation instaurée par le législateur de l’Union de mettre à la disposition du public un registre de publicité limite de manière illégale ses droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la liberté d’entreprise, ne peut être regardé, à première vue, comme étant dépourvu de pertinence et, par ailleurs, de tout caractère sérieux. De plus, en l’absence de suspension, il est probable qu’Amazon subirait un préjudice grave et irréparable avant l’intervention d’un éventuel arrêt annulant la décision de la Commission. Ces constatations ne sont cependant pas à elles seules décisives. En effet, il faut apprécier si la mise en balance de l’ensemble des intérêts en présence peut justifier le refus de la suspension.
À cet égard, le vice-président de la Cour constate que, dans l’hypothèse où la suspension ne serait pas accordée, l’annulation de la décision de la Commission conserverait un intérêt pour Amazon. En outre, il n’est pas démontré que, dans une telle hypothèse, l’existence ou le développement à long terme d’Amazon serait compromis. Par ailleurs, la suspension impliquerait de différer, potentiellement pour une période de plusieurs années, la réalisation complète des objectifs du Règlement sur un marché unique des services numériques et donc de laisser potentiellement persister ou se développer un environnement en ligne menaçant les droits fondamentaux, alors que le législateur de l’Union a considéré que les très grandes plates-formes jouent un rôle important dans cet environnement. Les intérêts défendus par le législateur de l’Union prévalent, en l’espèce, sur les intérêts matériels d’Amazon, de sorte que la mise en balance des intérêts penche en faveur du rejet de la demande de suspension.
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