Réf. : Cass. crim., 5 mars 2024, n° 22-86.972, F-B N° Lexbase : A83412RD
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par Adélaïde Léon
le 26 Mars 2024
► L’ obligation particulière de prudence ou de sécurité, condition préalable de l’infraction de mise en danger de l’article 223-1 du Code pénal doit être « objective, immédiatement perceptible et clairement applicables sans faculté d'appréciation personnelle du sujet ». Tel n’est pas le cas s’agissant des dispositions du CESEDA relatives aux demandes de titre de séjour pour raison de santé puisqu’elles accordent au préfet une marge d’appréciation de la situation de la personne malade étrangère qui s'en prévaut pour décider si les conditions de leur application sont ou non réunies.
Rappel des faits et de la procédure. Un Iranien arrivé en France en 2013 avec un titre de séjour étudiant valable jusqu’en 2016 débute un suivi médical en France à compter de 2014 pour une sclérose en plaques.
En février 2016, le préfet compétent refuse le renouvellement de son titre et délivre une obligation de quitter le territoire français. L’intéressé sollicite alors un titre de séjour pour raison de santé pour lequel il a reçu un avis favorable du médecin de l’ARS.
Le 19 juillet 2016, il était interpellé à la sortie des locaux universitaires et placé en rétention administrative sur décision du préfet puis expulsé le 22 juillet sans pouvoir récupérer au préalable sa valise et son traitement médical.
Ses demandes et recours lors de son expulsion aboutissent, en référé puis au fond, à l’annulation des décisions administratives, à son retour sur le territoire national et à l’octroi d’un titre de séjour.
L’intéressé dépose une plainte avec constitution de partie civile des chefs de mise en danger de la vie d'autrui, dénonciation calomnieuse, arrestation et séquestration arbitraires.
Le magistrat instructeur refuse d’informer sur les faits de mise en danger et se déclare territorialement incompétent pour les faits survenus l’université.
En cause d’appel. La chambre de l’instruction confirme la décision du juge d’instruction, jugeant qu’elle est face à l’exercice normal du pouvoir administratif du préfet et du contrôle de ce pouvoir par la juridiction administrative.
Selon la juridiction d’appel, il était vain de rechercher une obligation particulière de prudence ou de sécurité à laquelle serait soumis le préfet dès lors que le comportement de ce dernier ne relève pas de la matière pénale.
L’intéressé forme un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.
Moyen du pourvoi. Il était notamment fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir refusé d’informer sur les faits tels que dénoncés par le plaignant et de s’être prononcée sur le fond même de l’affaire en s’appuyant sur des faits dont seule une information aurait pu établir l’exactitude.
Il lui était également reproché de ne pas s’être suffisamment expliqué sur l’absence d’obligation particulière de prudence ou de sécurité dans les textes présentés.
Décision. La Chambre criminelle rejette le pourvoi. Elle affirme que l’existence d'une loi ou d'un règlement prévoyant une obligation particulière de prudence ou de sécurité est une condition préalable de l'infraction de mise en danger prévue à l'article 223-1 du Code pénal N° Lexbase : L3399IQX. Reprenant sa propre définition (Cass. crim., 13 novembre 2019, n° 18-82.718, F-P+B+I N° Lexbase : A6182ZUI), laquelle avait par la suite été retenue par l’Assemblée plénière, la Chambre criminelle rappelle que cette obligation particulière doit être « objective, immédiatement perceptible et clairement applicables sans faculté d'appréciation personnelle du sujet ».
Or, en l’espèce, les dispositions du CESEDA invoquées à l’appui de la plainte accordent au préfet une marge d’appréciation sur la situation de l’intéressé. Ce texte ne pouvait pas constituer une obligation particulière de prudence ou de sécurité, laquelle exclut toute faculté d’appréciation personnelle du sujet.
Faute d’existence d’une telle obligation, les faits dénoncés sous la qualification de mise en danger de la vie d’autrui ne pouvaient légalement comporter une poursuite. Par ailleurs, la Cour précise que ces faits ne pouvaient admettre aucune autre qualification.
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