Le Quotidien du 12 février 2024 : Concurrence

[Brèves] Objet du recours en légalité contre une décision de l'Autorité de la concurrence refusant une proposition d'engagements

Réf. : Cass. com., 31 janvier 2024, n° 22-16.616, FS-B N° Lexbase : A79102HG

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N8340BZW

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[Brèves] Objet du recours en légalité contre une décision de l'Autorité de la concurrence refusant une proposition d'engagements. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/104682013-0
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par Vincent Téchené

le 06 Février 2024

► Une décision refusant une proposition d'engagements et mettant fin à toute discussion à ce titre avec une entreprise ou un organisme à qui avait été adressée une évaluation préliminaire peut faire l'objet d'un recours en légalité devant la cour d'appel de Paris. Ce recours a seulement pour objet de faire contrôler, dans les limites résultant de l'existence du pouvoir discrétionnaire de l'Autorité de la concurrence, que l'entreprise ou organisme concerné a bien été en mesure de présenter, dans les délais et conditions prévus par les dispositions légales et réglementaires applicables, une propositions d'engagements de nature à mettre un terme aux préoccupations de concurrence préalablement identifiées par l'Autorité et, à défaut, d'annuler la décision et de renvoyer l'examen de l'affaire devant les services de l'Autorité pour remédier au vice ainsi retenu. 

Faits et procédure.  La société Subsonic, qui produit et commercialise des manettes destinées aux consoles de jeux commercialisées depuis 2013 par le groupe Sony, a saisi l'Autorité de la concurrence (l'Autorité) de plusieurs pratiques anticoncurrentielles visant à entraver l'accès à ce marché, qui auraient été mises en œuvre par le groupe Sony.

Le rapporteur général de l'Autorité a adressé aux sociétés Sony une note d'évaluation préliminaire faisant état de préoccupations de concurrence, susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles, et leur accordant un délai d'un mois pour formaliser une proposition d'engagements de nature à y mettre un terme.

Les sociétés Sony ont alors formulé une première proposition d'engagements, laquelle a été communiquée à la société saisissante ainsi qu'au commissaire du Gouvernement, et a fait l'objet d'une publication sur le site internet de l'Autorité, pour permettre aux tiers intéressés de formuler leurs observations au titre de la phase dite de test de marché.

Par la suite, les sociétés Sony ont transmis à l'Autorité une deuxième proposition d'engagements, en réponse aux observations formulées à l'issue de cette phase. Cette deuxième proposition a fait l'objet d'un examen par le collège de l'Autorité. La séance a été suspendue à deux reprises pour permettre aux sociétés Sony de modifier leur proposition. Ces sociétés ont ensuite adressé à l'Autorité deux nouvelles propositions.

Estimant que la dernière proposition d'engagements ne répondait toujours pas aux préoccupations de concurrence identifiées, le collège de l'Autorité, par une décision n° 20-S-01 du 23 octobre 2020 a mis fin à la procédure d'engagements et renvoyé le dossier à l'instruction.

Après le rejet de leur recours pour excès de pouvoir par le Conseil d'État, lequel s'est déclaré incompétent pour connaître de la décision de l'Autorité (CE, 3° et 8° ch.-r., 1er juillet 2022, n° 448061 N° Lexbase : A256579U, V. Téchené, Lexbase Affaires, juillet 2022, n° 724 N° Lexbase : N2137BZ8), les sociétés Sony ont introduit devant la cour d'appel de Paris un recours aux fins d'annulation de cette décision. La cour d’appel de Paris ayant  déclaré ce recours irrecevable, les sociétés Sony ont formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 464-2, I N° Lexbase : L2313LDZ, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 N° Lexbase : L2117LDR, L. 464-8 N° Lexbase : L4973IUQ, dans sa version issue de la loi n° 2012-1270 du 20 novembre 2012 N° Lexbase : L4861IUL, et R. 464-8, I, 4° N° Lexbase : L9107LDN, dans sa version issue du décret n° 2017-483 du 6 avril 2017 N° Lexbase : L7288LDB, du Code de commerce, et l'article 6 § 1 de la CESDH N° Lexbase : L7558AIR.

Elle rappelle que , le droit d'accès à un tribunal, tel que protégé par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (la Convention), ne trouve à s'appliquer, sous son volet civil, que s'il existe une « contestation » sur un « droit » que l'on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnu en droit interne, que ce droit soit ou non protégé par la Convention. Ces dispositions n'assurent, en revanche, aux « droits et obligations de caractère civil », aucun contenu matériel déterminé dans l'ordre juridique des États contractants et ne sauraient justifier la création d'un droit matériel n'ayant aucune base légale dans l'État concerné. Dès lors, si le droit national, sans reconnaître un droit subjectif à un individu, lui confère seulement le droit à une procédure d'examen de sa demande, appelant le juge compétent à statuer sur des moyens tels que l'arbitraire, le détournement de pouvoir ou encore les vices de procédure, l'article 6 § 1 de la Convention trouve à s'appliquer dans la limite du droit ainsi consacré par la législation interne et à condition que l'avantage ou le privilège, une fois accordé, crée un droit civil (CEDH, 26 novembre 2015, Req. 35289/11 N° Lexbase : A9184NXG ; CEDH, 14 septembre 2017, Req. 56665/09 N° Lexbase : A5460WRN ; CEDH, 29 novembre 2016, Req. 76943/11 N° Lexbase : A4636SLB ; CEDH, 3 avril 2012, Req. 37575/04 N° Lexbase : A1309IHX).

Ainsi, selon la Haute juridiction, si elle juge que l'Autorité dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour accepter les propositions d'engagements, de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence et que le collège de l'Autorité n'a pas à formaliser ni à motiver la décision par laquelle elle refuse d'ouvrir une procédure d'engagements, les entreprises ou organismes concernés ne bénéficiant pas d'un droit aux engagements (Cass. com., 2 septembre 2020, n° 18-18.501, 18-19.933 et 18-18.582, FS-P+B N° Lexbase : A95353SX), les dispositions des articles susvisés n'excluent pas l'existence d'un recours immédiat en légalité à l'encontre d'une décision refusant une proposition d'engagements et mettant fin à toute discussion à ce titre avec une entreprise ou un organisme à qui avait été adressée une évaluation préliminaire. Ce recours, ajoute la Cour, a seulement pour objet de faire contrôler, par la cour d'appel de Paris, dans les limites résultant de l'existence du pouvoir discrétionnaire de l'Autorité, que l'entreprise ou organisme concerné a bien été en mesure de présenter, dans les délais et conditions prévus par les dispositions légales et réglementaires applicables, une proposition d'engagements de nature à mettre un terme aux préoccupations de concurrence préalablement identifiées par l'Autorité et, à défaut, d'annuler la décision et de renvoyer l'examen de l'affaire devant les services de l'Autorité pour remédier au vice ainsi retenu.

Or, la Haut magistrats constatent que pour déclarer irrecevable le recours introduit par les sociétés Sony contre la décision de l'Autorité refusant leur proposition d'engagements et mettant un terme à cette procédure, l'arrêt d’appel retient qu'il résulte du libellé des articles L. 464-8 et L. 464-2, I, du Code de commerce que le recours en annulation ou en réformation des décisions de l'Autorité n'est ouvert qu'à l'encontre des décisions qui y sont limitativement énumérées, de sorte que seules les décisions d'acceptation des engagements proposés par les entreprises sont susceptibles de faire l'objet d'un recours, à l'exclusion de celles portant refus de tels engagements, lesquelles sont prises au titre de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire de l'Autorité. L'arrêt en déduit l'absence de recours immédiat à l'encontre de ces décisions.

Par conséquent, la Cour en conclut qu’en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes visés.

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