Le Quotidien du 1 février 2024 : Consommation

[Brèves] La confirmation tacite d’un contrat conclu hors établissement : un revirement favorable aux consommateurs

Réf. : Cass. civ. 1, 24 janvier 2024, n° 22-16.115, FS-B N° Lexbase : A71342GC

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par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Dauphine-PSL, CR2D

le 31 Janvier 2024

La reproduction même lisible des dispositions du Code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l’absence de circonstances, qu’il appartient au juge de relever, permettant de justifier d’une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l’envoi par le professionnel d’une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l’article 1183 du Code civil, dans sa rédaction issue l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l’article 9 de cette ordonnance, aux contrats conclus dès son entrée en vigueur.

Dans cet arrêt rendu le 24 janvier 2024, la première chambre civile de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence relatif à la reproduction lisible des dispositions du Code de la consommation concernant les contrats conclus hors établissement et à la confirmation tacite par le consommateur.

Faits et procédure. Par contrat conclu hors établissement le 7 avril 2016, l'acquéreur a commandé auprès d’un vendeur la fourniture et la pose de panneaux photovoltaïques, financés par un crédit souscrit le même jour auprès d’une banque. Invoquant des irrégularités du bon de commande, l'acquéreur a assigné le vendeur et la banque en annulation du contrat principal et du crédit affecté. Le vendeur soutient que l’acquéreur a confirmé le contrat en s’exécutant volontairement et en ayant connaissance du vice affectant le formalisme de la convention passée par la reproduction au verso de dispositions utiles du code de la consommation. Il n’en est rien selon la cour d’appel qui considère qu’il ne ressortait d’aucun élément aux débats que le consommateur avait eu conscience des vices affectant le bon de commande au moment de la souscription du contrat ou de son exécution. L’acte était entaché de nullité et aucune confirmation ne pouvait être caractérisée en l’espèce (CA Douai, 25 novembre 2021, n° 19/05437 N° Lexbase : A03667DW).

Le professionnel se pourvoit en cassation en reprochant à la cour d’appel, notamment, d’avoir refusé la confirmation du contrat alors que « l'exécution volontaire d'un contrat de vente conclu lors d'un démarchage, en connaissance des vices affectant le bon de commande, vaut confirmation du contrat et prive l'acquéreur de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles invoquées, et que la reproduction intégrale des articles du code de la consommation, dès lors qu'ils figurent en caractères parfaitement lisibles dans les conditions générales de vente, suffit à permettre à l'acquéreur d'avoir connaissance des irrégularités formelles affectant les mentions du bon de commande ».

Solution. Ainsi que le reformule la première chambre civile, le moyen pose la question des conditions de la confirmation tacite d'un contrat conclu hors établissement comportant un vice et plus précisément celle de savoir si la reproduction des articles du code de la consommation relatifs aux mentions obligatoires d'un tel contrat, dès lors que ces textes figurent en caractères lisibles dans les conditions générales de vente, suffit à permettre à l'acquéreur d'avoir connaissance des irrégularités formelles affectant ce contrat.

Conformément à l’article 1338 du Code civil, dans sa rédaction alors applicable N° Lexbase : L1448ABA, la confirmation d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité peut résulter de l'exécution volontaire de l'obligation après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée et cette exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

Pour les contrats conclus postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l'article 1182, alinéa 3, du Code civil N° Lexbase : L0896KZ9 dispose que l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation.

Encore faut-il caractériser la connaissance du vice qui affecte l’acte. Sur ce point, depuis 2020, comme le rappelle la Haute cour, la première chambre civile juge que « la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions. Une telle connaissance, jointe à l'exécution volontaire du contrat par l'intéressé, emporte la confirmation de l'acte nul (Cass. civ. 1, 9 décembre 2020, n° 18-25.686 N° Lexbase : A585839T ; Cass. civ. 1, 31 août 2022, n° 21-12.968 N° Lexbase : A62058GW). Cette jurisprudence avait d’ailleurs été confirmée avec force dans un arrêt du 1er mars 2023 (Cass. civ. 1, 1er mars 2023, n° 22-10.361 N° Lexbase : A17869GA).

Il est intéressant de noter que la décision présentée cite abondamment les décisions des juges du fond pour illustrer les divergences d’interprétation sur cette question. Pour certains juges, une approche in concreto permet de vérifier la connaissance par le consommateur du vice affectant le contrat (approche subjective) tandis que pour d’autres, la seule reproduction des textes du Code de la consommation n’est pas suffisante pour emporter une telle connaissance (approche objective).

La Cour relève que la solution antérieure « est de nature (…), ainsi qu'une partie de la doctrine a pu le relever, à se concilier imparfaitement avec l'objectif de protection du consommateur ».

Aussi, pour dissiper cette divergence et clarifier le contentieux, la première chambre civile opère un revirement de jurisprudence. Désormais, « la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l’absence de circonstances, qu’il appartient au juge de relever, permettant de justifier d’une telle connaissance et pouvant résulter, en particulier, de l’envoi par le professionnel d’une demande de confirmation, conformément aux dispositions de l’article 1183 du Code civil N° Lexbase : L2705K7C, dans sa rédaction issue l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable, en vertu de l’article 9 de cette ordonnance, aux contrats conclus dès son entrée en vigueur ».

Cette solution s’applique aux contrats souscrits antérieurement comme postérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Elle a également été mise en œuvre dans un autre arrêt du même jour (Cass. civ. 1, 24 janvier 2024, n° 21-20.691, FS-B N° Lexbase : A71292G7).

La confirmation tacite par le consommateur du contrat conclu hors établissement est donc en principe impossible, sauf, par exception, si le juge relève que certaines circonstances peuvent inviter à considérer une telle connaissance effective, tel « l’envoi par le professionnel d’une demande de confirmation ».

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