Le Quotidien du 23 janvier 2024 : Droit rural

[Brèves] Arrachage de haies par le preneur : actions en remise en état, en indemnisation ou en résiliation judiciaire ?

Réf. : Cass. civ. 3, 14 décembre 2023, n° 22-20.257, FS-B N° Lexbase : A550118A

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N8072BZY

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 22 Janvier 2024

► Si des travaux ont été réalisés par le preneur en violation des dispositions de l'article L. 411-28 du Code rural et de la pêche maritime et ont entraîné une dégradation du fonds, le bailleur ne peut réclamer, en cours d'exécution du bail, la condamnation du preneur à remettre en état les lieux ; il peut cependant demander, à l'expiration du bail, l'allocation d'une indemnité dans les conditions de l'article L. 411-72 du même code ;
le renouvellement du bail ne prive pas le bailleur de la possibilité d'en demander la résiliation, sur le fondement de l'article L. 411-31, I, 2°, précité, lorsque les effets sur la bonne exploitation du fonds d'agissements du fermier, même antérieurs à ce renouvellement, se sont produits ou prolongés au cours du bail renouvelé.

Selon l'article L. 411-28 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L3987AEE, pendant la durée du bail et sous réserve de l'accord du bailleur, le preneur peut, pour réunir et grouper plusieurs parcelles attenantes, faire disparaître, dans les limites du fonds loué, les talus, haies, rigoles et arbres qui les séparent ou les morcellent, lorsque ces opérations ont pour conséquence d'améliorer les conditions de l'exploitation. Le bailleur dispose d'un délai de deux mois pour s'opposer à la réalisation des travaux, à compter de la date de l'avis de réception de la lettre recommandée envoyée par le preneur. Passé ce délai, l'absence de réponse écrite du bailleur vaut accord.

Quid lorsque le preneur a réalisé des travaux entraînant une modification de la physionomie de l'exploitation (suppression de haies en l’espèce), sans l’accord du bailleur conformément au texte précité ?

Dans la présente affaire, les bailleurs avaient alors saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail et en remise en état des lieux.

  • Pas de droit du bailleur à une remise en état des lieux en cours de bail, mais droit à indemnisation en fin de bail en cas de dégradation du fonds

Aux termes de l'article L. 411-72 du code précité N° Lexbase : L4041AEE, s'il apparaît une dégradation du bien loué, le bailleur a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité égale au montant du préjudice subi.

Selon la Cour de cassation, il en résulte que, si des travaux ont été réalisés par le preneur en violation des dispositions de l'article L. 411-28 susmentionné et ont entraîné une dégradation du fonds, le bailleur ne peut réclamer, en cours d'exécution du bail, la condamnation du preneur à remettre en état les lieux. Il peut cependant demander, à l'expiration du bail, l'allocation d'une indemnité dans les conditions de l'article L. 411-72 précité.

C’est ainsi qu’elle approuve en l’espèce la cour d’appel de Caen (CA Caen, 16 juin 2022, n° 21/02496 N° Lexbase : A0826784) qui, après avoir constaté que le bail était toujours en cours, avait, à bon droit, retenu qu'il ne pouvait y avoir de condamnation relative à des remises en état.

  • Droit à la résiliation judiciaire du bail

Pour rejeter la demande en résiliation du bail, la cour d’appel avait constaté, d'abord, que le bailleur reprochait dès 2010 au preneur l'arrachage des haies et retenu, ensuite, que le bailleur ne pouvait se prévaloir de ce motif, antérieur au renouvellement du 15 décembre 2014, pour demander la résiliation du bail renouvelé. Elle ajoutait, enfin, qu'il n’était aucunement soutenu, ni de surcroît justifié, que les faits reprochés, à savoir l'arrachage des haies, auraient eu des conséquences révélées au cours du nouveau bail.

La décision est censurée sur ce point par la Cour suprême qui rappelle que, selon l’article L. 411-31, I, 2° N° Lexbase : L8924IWG, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie d'agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. Et selon l’article L. 411-50 N° Lexbase : L4011AEB, à défaut de congé, le bail est renouvelé pour une durée de neuf ans et, sauf conventions contraires, aux clauses et conditions du bail précédent.

Selon la troisième chambre civile de la Cour de cassation, il s'en déduit que le renouvellement du bail ne prive pas le bailleur de la possibilité d'en demander la résiliation, sur le fondement de l'article L. 411-31, I, 2°, précité, lorsque les effets sur la bonne exploitation du fonds d'agissements du fermier, même antérieurs à ce renouvellement, se sont produits ou prolongés au cours du bail renouvelé (déjà en ce sens : Cass. civ. 3, 22 mai 1986, n° 84-16.793 N° Lexbase : A4811AAG ; Cass. civ. 3, 28 mars 1973, n° 72-10.768, publié au bulletin N° Lexbase : A2941CK7).

Pour aller plus loin :

  • v. ÉTUDE : Indemnisation du preneur sortant,  spéc. Travaux d'amélioration foncière in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E2290GA3 ;
  • v. ÉTUDE : Résiliation du bail rural, spéc. Résiliation judiciaire pour agissements du preneur compromettant la bonne exploitation in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E8998E97.

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