Le Quotidien du 23 janvier 2024 : Responsabilité

[Brèves] Accident d’un piéton dans un parc de stationnement : responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ?

Réf. : Cass. civ. 2, 21 décembre 2023, n° 21-22.239, FS-B N° Lexbase : A844919S

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[Brèves] Accident d’un piéton dans un parc de stationnement : responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/104190454-0
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par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Dauphine-PSL, CR2D

le 22 Janvier 2024

Il résulte des articles 1231-1 et 1240, 1241 et 1242 du Code civil que la responsabilité de l'exploitant d'un parking peut être engagée, à l'égard de la victime d'une chute survenue dans ce parking, sur le fondement de la responsabilité contractuelle si la victime a contracté avec cet exploitant et sur celui de la responsabilité extracontractuelle si la victime est tiers au contrat de stationnement ; encourt, dès lors, la cassation l'arrêt qui retient que la société, qui met à disposition un espace de stationnement, conclut avec les piétons, qu'ils soient conducteurs ou non, un contrat qui la rend débitrice d'une obligation de sécurité excluant l'application du régime de responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle.

Faits et procédure. La victime a fait une chute alors qu'elle marchait dans un parc de stationnement souterrain exploité par la société Q'Park France (la société). Elle a assigné en responsabilité délictuelle et indemnisation de son préjudice la société et son assureur. Pour la débouter de sa demande, l'arrêt retient que la société qui met à disposition un espace de stationnement, et par conséquent organise et réserve des voies de circulation pour les piétons qui sortent des véhicules ou qui viennent les reprendre, qu'ils soient conducteurs ou non, conclut avec eux un contrat qui la rend débitrice d'une obligation de sécurité excluant l'application du régime de responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle (CA Bastia, 7 juillet 2021, n° 19/01065). La victime se pourvoit en cassation en invoquant l’absence de contrat entre elle, piétonne utilisatrice du parc de stationnement, et la société : « il n'y a de contrat qu'entre le conducteur du véhicule qui le gare dans un parc de stationnement, pour autant qu'il prenne un ticket ou extériorise son consentement par tout autre procédé, et l'exploitant de ce parc de stationnement, non entre ce dernier et le passager du véhicule ».

Solution. Il résulte du principe de non-cumul de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité délictuelle que, si les conditions de la responsabilité contractuelle sont réunies, seule celle-ci peut être engagée. L’enjeu est alors la preuve de la faute, et en particulier le manquement à l’obligation (contractuelle) de sécurité qui pèse sur une société gérant un parc de stationnement.

Aussi fallait-il, dans le cas d’espèce, apprécier l’existence d’un contrat entre un piéton, distinct du conducteur du véhicule, et le la société gérant le parc de stationnement. La Cour de cassation n’avait encore jamais eu à traiter de cette question.

On peut relever des décisions, certes proches, mais dans lesquelles la qualité de conducteur de la victime était évidente. On peut citer, par exemple, un arrêt rendu le 5 février 2020 selon lequel : « Ayant relevé que la victime marchait dans le parc de stationnement pour y reprendre son véhicule, lorsqu'elle a chuté sur une flaque d'huile, la cour d'appel a justement énoncé que la société, exploitante de ce parc, était tenue d'une obligation de sécurité de moyens, de sorte qu'elle a appliqué, à bon droit, les règles de la responsabilité contractuelle, sans avoir à procéder à une recherche inopérante » (Cass. civ. 1, 5 février 2020, n° 18-25.625 N° Lexbase : A93843DW).

Il résulte donc de la jurisprudence que le conducteur qui parque son véhicule dans un parking souterrain est cocontractant de la société exploitant le parking, ce qui entraîne l’application des règles de la responsabilité contractuelle (Cass. civ. 1, 25 novembre 2015, n° 14-21.434 N° Lexbase : A0807NYK).

Si le piéton-conducteur peut se prévaloir de la responsabilité contractuelle, en est-il de même tous les occupants du véhicule stationné dans le parking ? Un parallèle pouvait être fait avec le chaland qui circule dans un supermarché, lequel n'est pas de ce seul fait, lié par un contrat à l'exploitant du supermarché (Cass. civ. 1, 9 septembre 2020, n° 19-11.882 N° Lexbase : A53733T8). Un auteur avait proposé un autre fondement. Selon Cyril Bloch, « la Cour de cassation fait dépendre la nature de la responsabilité de l'exploitant du point de savoir si l'accès à son établissement est réservé à sa clientèle (restaurants, discothèques, salons de coiffure, parkings payants), ou ouvert à tous (gares, supermarchés, magasins). La responsabilité de l'exploitant est contractuelle dans le premier cas (…), extracontractuelle dans le second (…). Rapportée aux deux cas d'espèces (cliente d'un parking souterrain ayant chuté sur une flaque d'huile et cliente d'une supermarché qui y faisait ses courses et qui avait chuté en trébuchant sur un panneau publicitaire, rajouté par nous), cette distinction postulait donc d'apprécier la responsabilité de l'exploitant du parking (réservé à la clientèle) sous l'angle contractuel de l'obligation de sécurité et celle de l'exploitant du supermarché (libre d'accès) sous l'angle de la responsabilité extracontractuelle du fait des choses. » (C. Bloch, JCP G, n° 6 du 9 novembre 2020).

En l’espèce, la Cour de cassation énonce sobrement, au visa des articles 1147, devenu 1231-1 N° Lexbase : L0613KZQ, et ses articles 1382, 1383 et 1384, devenus 1240 N° Lexbase : L0950KZ9, 1241 N° Lexbase : L0949KZ8 et 1242 N° Lexbase : L0948KZ7 du Code civil, qu’ « il résulte de ces textes que la responsabilité de l'exploitant d'un parking peut être engagée, à l'égard de la victime d'une chute survenue dans ce parking, sur le fondement de la responsabilité contractuelle si la victime a contracté avec cet exploitant et sur celui de la responsabilité extracontractuelle si la victime est tiers au contrat de stationnement ». Elle conclut que « la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'un contrat liant Mme [F] à la société exploitant le parc de stationnement, a violé les textes susvisés ».

Peu importe alors que le parc de stationnement soit un lieu libre d’accès et soit réservé ou non à la clientèle. La Cour de cassation s’en tient à une analyse strictement contractuelle.

On peine en effet à voir quel serait l’objet du contrat du passager d’un véhicule avec l’exploitant du parc – il ne gare aucun véhicule- ni quel consentement il aurait manifesté puisqu’il ne prend pas de ticket. L’absence de contrat implique alors nécessairement l’engagement de la responsabilité extracontractuelle. La seule critique à cette solution, certes indiscutable, est qu’elle entraîne une différence de régime selon la qualité de la victime – conducteur ou passager.

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