La lettre juridique n°969 du 11 janvier 2024 : Consommation

[Brèves] La performance, le rendement et la capacité de production d’une installation sont-ils des caractéristiques essentielles du contrat ?

Réf. : Cass. civ. 1, 20 décembre 2023, n° 22-14.020, FS-B N° Lexbase : A8457194

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N7937BZY

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par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Dauphine-PSL, CR2D

le 10 Janvier 2024

► Un contrat de vente ou de fourniture de services conclu hors établissement doit, à peine de nullité, indiquer, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles du bien ou du service ; dans le cadre d’un contrat de fourniture et de pose d'un kit photogénérateur, l’information portant sur le résultat attendu de l'utilisation de cet équipement (la production d’électricité de l’installation), constitue une caractéristique essentielle ;
les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service ne peuvent figurer sur des documents annexes qui ne sont pas signés de toutes les parties.

La Cour de cassation revient sur une question déjà développée dans la jurisprudence, celle de la détermination des « caractéristiques essentielles du bien ou du service » au sens de l’article L. 111-1 du Code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.

Faits et procédure. Un contrat de fourniture et pose d’un kit photogénérateur au prix de 18 600 euros a été conclu entre M. J et la société GEF Négoces avec un financement par crédit bancaire souscrit avec l’épouse de l’acquéreur. Invoquant des irrégularités du bon de commande, le couple a assigné le vendeur et la banque en nullités des contrats. La cour d’appel accueille la demande et prononcé l’annulation du bon de commande et du crédit (CA Aix-en-Provence, 6 janvier 2022, n° 19/07980 N° Lexbase : A62707HP).

La société forme un pourvoi en cassation dont seul le premier moyen, formé de quatre branches, est examiné. Un élément ne constituerait une caractéristique essentielle d'une installation photovoltaïque au sens de l'article L. 111-1 du Code de la consommation N° Lexbase : L2106L8I, qu'à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel. En se bornant à constater pour annuler un bon de commande que les caractéristiques du kit photovoltaïques étaient illisibles et que la puissance du micro-onduleur n’apparaissait pas sans rechercher si les parties avaient fait entrer ces éléments dans le champ contractuel et sans tenir compte de leur précision dans un document contractuel annexe, la cour d’appel aurait violé d’une part les dispositions des articles L. 121-17 N° Lexbase : L1691K7R, L. 121-18-1 alinéa 1 N° Lexbase : L0985I7M et L. 111-1 du Code de la consommation (1ère et 2ème branches). Il est également soutenu que la nullité du bon de commande serait contraire aux dispositions de l’article L. 121-21-1 N° Lexbase : L8720IZY du Code de la consommation, l’erreur sur le point de départ du délai de rétractation n’étant pas sanctionnée par la nullité mais permet la prolongation de douze mois du délai de rétractation (3ème branche). Enfin, la nullité serait couverte par les actes d’exécution volontaire du contrat poursuivie en toute connaissance de cause par les acheteurs (4ème branche).

Solution. La Cour de cassation rejette le pourvoi en tous points. Elle fait d’abord une application combinée des articles L. 111-1, L. 121-17 et L. 121-18-1 du Code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, pour rappeler qu'un contrat de vente ou de fourniture de services conclu hors établissement doit, à peine de nullité, indiquer, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles du bien ou du service. En l’espèce, en l'absence d’ information portant sur le résultat attendu de l'utilisation de cet équipement (la production d’électricité de l’installation), constituant une caractéristique essentielle, la vente devait être annulée pour manquement à l’exigence de compréhensibilité. Deux enseignements s’en dégagent. D’abord, la Cour opère une interprétation de la notion de « caractéristique essentielle », non définie par l’article L. 111-1, en se référant à l’article L. 121-2, 2° N° Lexbase : L1242MAA relatif aux pratiques commerciales trompeuses, qui mentionne les « résultats attendus de l’exploitation » au titre des caractéristiques essentielles. Ensuite, elle retient qu’est une caractéristique essentielle la performance ou le rendement et non la rentabilité (v. par ex. Cass. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 18-26.761 N° Lexbase : A85783YD). Par conséquent, et enfin, celle-ci étant par nature une caractéristique essentielle, il est inutile de rechercher si elle est entrée dans le champ contractuel.

Elle énonce ensuite qu’en application de l’article L. 121-18-1 du Code de la consommation, les informations relatives aux caractéristiques essentielles du bien ou du service, qui sont au nombre de celles que visent ces dispositions, ne peuvent figurer sur des documents annexes qui ne sont pas signés de toutes les parties. L’insuffisance des mentions du contrat ne pouvait donc être suppléée par des documents dont les acquéreurs avaient été destinataires.

Elle poursuit en confirmant qu’il résulte de la combinaison des articles L. 121-17, I, 2°, L. 121-18-1 et L. 121-21-1 du Code de la consommation, que, lorsque contrairement aux exigences du premier de ces textes, les informations relatives à l’exercice du droit de rétractation ne figurent pas dans un contrat conclu hors établissement ou sont erronées, la prolongation du délai de rétractation, prévue par le troisième, n’est pas exclusive du droit pour le consommateur de demander l’annulation du contrat en vertu du deuxième. La Cour de cassation s’était déjà prononcée en ce sens en laissant le choix de la sanction aux consommateurs (Cass. civ. 1, 31 août 2022, n° 21-10.075 N° Lexbase : A62038GT).

Enfin, lorsque le bon de commande ne mentionne pas l'article L. 121-18-1 alinéa 1er du Code de la consommation, qui prévoit la nullité du contrat en cas de manquement aux obligations d'information, les actes accomplis par les acquéreurs antérieurement aux lettres de mises en demeure, dans l'ignorance de la sanction attachée aux dispositions que citait le contrat, ne peuvent couvrir les vices qui l'affectent. Dès lors que l’acquéreur a été placé dans l’impossibilité de connaitre le vice, les actes d’exécution ne traduisent pas la confirmation tacite d’une nullité dont ils ignoraient pouvoir se prévaloir.

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