La lettre juridique n°969 du 11 janvier 2024 : Procédure civile

[Le point sur...] Réforme de la procédure d’appel : vous vouliez de la simplification ? vous aurez de la lisibilité

Réf. : Décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d'appel en matière civile N° Lexbase : L9662MK3

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par Christophe Lhermitte, Avocat Associé, Barreau de Rennes, spécialiste en procédure d’appel

le 26 Avril 2024

Mots-clés : avocats • réforme • appel • procédure d’appel • procédure civile • conseiller de la mise en état • procédure avec mise en état • bref délai

La dernière réforme de la procédure d’appel remontait à 2017, pour achever celle engagée en 2009, avec le décret du 9 décembre 2009. La réforme de décembre 2023 ne s’inscrit dans la lignée de ces deux décrets, et ne mériterait pas pour ce motif d’être appelée " Magendie 3 ".
Pour autant, si elle ne révolutionne pas la procédure en appel, elle restera comme une réforme qui compte, notamment parce qu’elle réorganise les textes d’une manière efficace et opportune.

Néanmoins, il ne faut pas s’attendre à une simplification, au contraire.


 

Le 31 décembre 2023, est paru au journal officiel le décret n° 2023-1391 du 29 décembre 2023 portant simplification de la procédure d'appel en matière civile.

Entre le projet qui a circulé en juin 2023, et le texte qui finalement deviendra le décret du 29 décembre 2023, des améliorations ont été apportées.

Mais bien entendu, et c’était tout de même couru d’avance, et fort logique, les contestations du Conseil national des barreaux (CNB) n’ont pas été entendues. Et c’est heureux !

Si le décret est présenté comme une « simplification de la procédure d’appel en matière civile », force est de constater que le titre est trompeur. Mais c’est dans l’air du temps de présenter les réformes comme des simplifications, peut-être pour mieux les faire accepter par une profession hostile à la réforme et incapable d’être une véritable force de proposition constructive en la matière.

Assurément, la procédure d’appel ne deviendra pas plus simple le 1er septembre 2024, date à laquelle entrera en vigueur cette « nouvelle » procédure d’appel.

Mais si le décret ne se distingue pas par sa simplification – mais « La procédure d’appel peut-elle être simple ?  Vous avez trois heures… » – il parvient à rendre la procédure d’appel plus lisible. Et sur ce point, c’est indéniablement une avancée majeure, qu’il faut saluer.

C’est donc une réforme majeure… mais qui n’aura pas pour conséquence une diminution des déclarations de sinistre.

Le temps est venu de passer à la phase dissection des nouveaux textes, pour voir ce qui nous attend à partir du 1er septembre 2024.

I. La déclaration d’appel

A. L’objet de l’appel

L’article 901 du Code de procédure civile N° Lexbase : L5914MBN se suffit à lui seul.

Exit les renvois à des articles bien souvent inadaptés, comme le curieux « objet de la demande » de l’article 54 du code précité N° Lexbase : L8645LYT.

Si cet « objet » ne disparaît pas, il est opportunément remplacé par un « objet de l’appel en ce qu’il tend à l’infirmation ou à l’annulation du jugement » du 6° de l’article 901 du Code de procédure civile. On ne pouvait être plus clair.

Mais prudence ! Jusqu’alors, l’objet de la demande de l’article 54 2° semblait se confondre avec les chefs critiqués de l’article 901 4° du code précité. Et la Cour de cassation, dans une souplesse discutable, ne paraissait pas dire autre chose (Cass. civ. 2, 14 septembre 2023, n° 20-18.169, F-B N° Lexbase : A57261G8).

Avec ce nouveau texte, la déclaration d’appel devra préciser quel est l’objet de l’appel, à savoir si c’est un appel qui tend à l’infirmation ou à l’annulation. Cette disposition est à peine de nullité.

Bien entendu, s’agissant d’une nullité, elle sera de forme, ce qui suppose de justifier d’un grief. Et ce grief sera bien souvent impossible à démontrer.

Rappelons par ailleurs qu’un appel pourra aussi avoir pour objet la nullité du jugement (nullité qui n’est pas l’annulation), ce qui sera le cas lorsque l’appel est envisagé comme recours nullité, parce que la voie de l’appel est fermée et qu’il est reproché au premier juge un excès de pouvoir. Dans ce cas, l’appelant devra-t-il le préciser ? Nous le pensons, ne serait-ce que pour justifier cet appel pourtant fermé et donc a priori irrecevable.

L’objet de l’appel devra aussi être distingué de « l’objet de la déclaration d’appel ». Si l’acte d’appel a pour objet, non d’introduire une instance d’appel, mais de corriger un précédent acte, cela devra être précisé, faute de quoi l’acte pourrait être regardé comme un acte introductif d’instance, ce qui peut alors poser difficulté en termes de recevabilité au motif que « appel sur appel ne vaut » (Cass. civ. 2, 30 septembre 2021, n° 19-24.580, F-B N° Lexbase : A0504488).

La question qui peut se poser, avec cette nouvelle rédaction, serait de savoir si l’absence d’objet dans la déclaration d’appel, ou un objet erroné, peut avoir d’autres conséquences qu’une éventuelle et improbable nullité ?

A priori, au regard de la jurisprudence récente de la Cour de cassation, qui s’illustre par la souplesse voire l’indulgence, nous ne le pensons pas.

La réforme ne semble pas être motivée, sur ce point, par une volonté de battre en brèche cette souplesse, et de rendre plus exigeante la saisine effective de la cour d’appel.

Mais nonobstant l’arrêt du 14 septembre 2023 précité, certaines questions méritent d’être posées : la déclaration d’appel qui omet de préciser l’objet de l’appel opère-t-elle dévolution ? l’appelant peut-il former une demande d’infirmation ou d’annulation dans ses conclusions alors que cet objet n’est pas précisé dans l’acte d’appel ? l’appelant peut-il conclure à l’annulation s’il a seulement indiqué la réformation comme objet de l’appel, et réciproquement ?

En définitive, la question est celle de savoir si cette mention exigée, et qu’il est aisée d’indiquer dans l’acte d’appel, est purement indicative, voire décorative, ou si elle sert à quelque chose.

Au stade jurisprudentiel actuel, force est de constater que cet objet, introduit en 2005 (Décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005 relatif à la procédure civile, à certaines procédures d'exécution et à la procédure de changement de nom N° Lexbase : L3298HEU), ne sert strictement à rien, de sorte qu’il eut été opportun d’en supprimer l’exigence.

B. La notification de la déclaration d’appel

1) Le 902 : un couac ?

Le problème avec l’article 902 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7237LER est qu’il est mal placé dans le code.

L’article 902 aurait dû conserver son seul alinéa 1er concernant l’envoi de la déclaration d’appel par le greffe, mais sans renvoi à l’article 906 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7238LES.

Les autres alinéas, du deuxième aux cinquième, auraient dû faire l’objet d’un article qui aurait pu trouver une meilleure place après l’article 907 du Code de procédure civile N° Lexbase : L3973LUP.

En effet, ces dispositions concernent exclusivement la procédure avec mise en état, et devaient donc apparaître sous le paragraphe 4 relatif à « la procédure avec mise en état ».

D’autre part, le renvoi à l’article 906 du même code laisse entendre que le greffier adresse la déclaration d’appel à chacun des intimés, par lettre simple, avec indication de l’obligation de constituer avocat, uniquement en procédure avec mise en état.

En bref délai, le greffe n’adresse donc pas la déclaration d’appel.

Bien sûr, l’intimé recevra nécessairement la déclaration d’appel, puisque l’appelant devra la lui signifier s’il est défaillant.

Mais il est tout de même préférable que l’intimé soit informé de cette procédure d’appel dès sa formation, ce qui laisse le temps de constituer avocat immédiatement.

C’est un loupé !

Cependant, en pratique, nous ne pensons pas que ce qui peut être vu comme une erreur de rédaction sera préjudiciable puisque, vraisemblablement, les greffes maintiendront l’habitude qui est la leur d’adresser de manière systématique la déclaration d’appel aux intimés, quand bien même la procédure est à bref délai.

Mais une rectification sera la bienvenue.

2) La citation en appel

Dans sa substance, l’article 902 du Code de procédure civile est inchangé, si ce n’est désormais le renvoi au nouvel article 906, a priori anodin mais qui ne l’est pas tant que cela.

Nous pouvons éventuellement regretter que n’est toujours pas prévue une obligation de signification de la déclaration d’appel à l’intimé défaillant.

L’article 14 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1131H4N prévoit que « Nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ». Et en appel, depuis que l’assignation a disparu, avec la réforme du 9 décembre 2009 (décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile N° Lexbase : L0292IGW), c’est la signification de la déclaration d’appel qui vaut citation (Cass. civ. 2, 24 mars 2022, n° 19-25.033, F-B N° Lexbase : A30697R4), non la signification des conclusions.

En l’absence d’un avis relatif à l’article 902 du Code de procédure civile, la partie appelante peut omettre de faire signifier la déclaration d’appel à l’intimé défaillant, alors même que les conclusions auraient été signifiées.

Pour cette raison, même si cette précision peut être regardée comme redondante avec l’article 14, l’article 902 du Code de procédure civile aurait pu obliger à faire signifier la déclaration d’appel au plus tard avec la signification des conclusions. Ce n’est pas prévu.

Cependant, les droits de l’intimé sont sauvegardés, puisque l’article 14 du Code de procédure civile édicte une règle d’ordre public devant être relevée d’office (Cass. civ. 2, 10 mai 1989, no 88-11.941 N° Lexbase : A3520AHT). La cour d’appel devra donc s’assurer que l’intimé a bien reçu signification de la déclaration d’appel.

3) La notification à l’avocat constitué entre-temps

L’article 902 du Code de procédure civile maintient par ailleurs l’obligation de notifier la déclaration d’appel à l’avocat constitué entre-temps.

La Cour de cassation a considéré que cette obligation de notification était sans objet dès lors qu’un avocat avait été constitué par la partie intimée (Cass. civ. 2, avis n° 15010, 12 juillet 2018, no 18-70.008 N° Lexbase : A9885XXE – Cass. civ. 2, 14 novembre 2019, no 18-22.167, F-P+B+I N° Lexbase : A6554ZYE – Cass. civ. 2, 14 novembre 2019, no 18-21.104, F-D N° Lexbase : A6578ZYB – Cass. civ. 2, 14 novembre 2019, no 18-22.811, F-D N° Lexbase : A6555ZYG).

Cette disposition est toutefois maintenue.

Nous ne pensons pas que le législateur ait entendu assortir cette obligation d’une sanction, ce qui au demeurant ne se justifierait pas véritablement.

Par conséquent, cette obligation relève de la clause de style, voire du bon usage, dans l’hypothèse où l’avocat constitué par l’intimé ne serait effectivement pas en possession de l’acte d’appel, ce qui peut parfois, mais rarement, arriver.

4) La notification en bref délai

En bref délai, l’appelant doit toujours procéder à la signification de la déclaration d’appel, mais dans un délai qui n’est plus de dix jours, mais de vingt jours (CPC, art. 906-1 al. 1er ).

En outre, « dans tous les cas », est joint à cette signification l’avis de fixation (CPC, art. 906-1 al. 3).

En pratique, parce que les avis de fixation contiennent déjà cette exigence, et qu’il apparaît conforme au principe de respect des droits de la défense d’y procéder, l’avis de fixation est joint à l’acte de signification. Cependant, le « en tout état de cause » dérange.

En effet, rien n’empêche une partie appelante de conclure avant l’avis de fixation (Cass. civ. 2, 22 octobre 2020, n° 18-25.769, F-P+B+I N° Lexbase : A86273Y8 – Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-18.121, F-B N° Lexbase : A14937I7), et donc de signifier les conclusions et la déclaration d’appel sans pouvoir joindre un avis de fixation qui par définition n’existe pas.

Un « le cas échéant » aurait pu être préférable.

Un appelant, qui aura remis ses conclusions au greffe avant l’avis de fixation, devra-t-il attendre cet avis de fixation pour signifier la déclaration d’appel afin d’y joindre l’avis de fixation ? Mais alors, quelle mention porter dans l’acte de signification ? Quel délai court à l’égard de l’intimé ? Cela oblige-t-il l’appelant à signifier une seconde fois la déclaration d’appel, une fois en possession de l’avis de fixation ?

Notons cependant que cette disposition prévoyant de joindre l’avis de fixation n’est assortie d’aucune sanction, et que l’avis de fixation ne fait pas corps avec la déclaration d’appel.

Nous pourrions donc considérer que l’appelant qui ne joint pas l’avis de fixation, notamment parce que cet avis de fixation n’est pas intervenu, ne sera pas sanctionné.

Le texte édicterait une bonne pratique, non une obligation procédurale sanctionnée.

II. Les conclusions

A. La demande d’infirmation ou d’annulation

Si certains nourrissaient encore l’espoir d’un abandon de la jurisprudence issue de l’arrêt du 17 septembre 2020 (Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626, FS-P+B+I N° Lexbase : A88313TA – Cass. civ. 2, 1er juillet 2021, n° 20-10.694, F-B N° Lexbase : A20054YW – Cass. civ. 2, 4 novembre 2021, n° 20-15.757, F-B N° Lexbase : A07267BI), ils seront déçus.

Le législateur inscrit dans le marbre cette obligation procédurale en ajoutant à l’article 954 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7253LED que « les conclusions comprennent (…) un dispositif dans lequel l’appelant indique s’il demande l’annulation ou l’infirmation du jugement ».

L’avocat rédacteur des conclusions devra donc être vigilant. Et l’avocat postulant, qui reste le signataire des conclusions qu’il n’a pas rédigées, devra faire preuve de la même vigilance, sauf à voir sa responsabilité engagée.

La sanction n’est pas reprise dans le texte, mais elle est connue : c’est l’option entre la confirmation du jugement et la caducité de la déclaration d’appel.

Et bien entendu, un appelant incident étant un appelant, il est concerné de la même manière par la mesure.

B. Les chefs du dispositif du jugement critiqués

L’article 954 du Code de procédure civile prévoit désormais que « les conclusions comprennent (…) un dispositif dans lequel l’appelant (…) énonce, s’il conclut à l’infirmation, les chefs du dispositif du jugement critiqués ».

Cette réforme est pour le moins inattendue car non seulement elle n’était ni prévue dans le projet de juin 2023, ni dans le projet de décret de fin 2023, mais en outre, elle revient sur la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 3 mars 2022, n° 20-20.017, F-B N° Lexbase : A24677P3).

Alors que l’appelant pouvait se contenter de demander à la cour d’appel de « infirmer le jugement en toutes ses dispositions », il devra désormais lister les chefs du dispositif du jugement critiqués.

C’est une pratique plutôt généralisée, de sorte que cette réforme ne devrait pas avoir de conséquences trop désastreuses.

Mais le changement est néanmoins de taille. Et il y aura nécessairement des incidents dès lors que l’appelant, ou l’appelant incident, aura omis d’effectuer cette liste à la Prévert des chefs critiqués.

C’est un stress supplémentaire pour l’avocat qui ne devra oublier aucun chef. Car si la sanction n’est pas expressément prévue, il est aisé d’imaginer que le chef non énoncé dans le dispositif ne sera pas dévolu, de sorte que la cour d’appel n’aura pas à statuer sur la prétention résultant de ce chef. D’ailleurs, le chef non repris dans le dispositif en suite de la demande d’infirmation peut être vu comme un chef retranché au sens de l’article 915-2 alinéa 1er.

Au regard de cette obligation, il est permis de s’interroger sur l’utilité d’obliger l’appelant à établir une déclaration d’appel visant les chefs critiqués, puisque ces chefs devront en tout état de cause être énoncés dans le dispositif des conclusions.

En tout état de cause, il devient plus que nécessaire de rédiger une déclaration d’appel de la manière la plus propre possible.

Ainsi, au moment de remettre les conclusions au greffe, et de les notifier, l’avocat, surtout l’avocat postulant, pourra s’assurer que les chefs énoncés dans le dispositif des conclusions correspondent aux chefs indiqués dans la déclaration d’appel.

On cherchera où se trouve la simplification, alors que c’est un écueil supplémentaire pour l’avocat.

III. La procédure avec mise en état

A. Une mise en état et un CME autonomes

Jusqu’alors, pour appréhender les conditions de mise en état en appel, et les pouvoirs juridictionnels du conseiller de la mise en état, il fallait systématiquement se référer aux règles s’appliquant à la procédure de première instance, auxquels renvoie l’article 907 du Code de procédure civile N° Lexbase : L3973LUP.

Le décret, et c’est une avancée majeure pour une meilleure lisibilité, met fin à ces renvois ; et c’est heureux.

Si la première mouture de juin 2023 présentait quelques oublis, comme la tenue de l’audience d’incident, le décret a tout remis dans le bon ordre, et rien ne semble avoir été oublié dans l’opération de rapatriement.

Et au passage, les textes ont été précisés, pour s’adapter très précisément à la seule procédure d’appel.

B. Les pouvoirs juridictionnels du conseiller de la mise en état

Aux termes des articles 913 N° Lexbase : L7246LE4 et suivants du Code de procédure civile, le conseiller de la mise en état bénéficie des mêmes pouvoirs que le juge de la mise en état en première instance, et qui sont classiques : jonction et disjonction, pouvoirs en matière de communication de pièces, homologation de transaction, etc.

Tout y est !

… et même plus, car l’article 789 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9322LTG devenu l’article 913-5 pour l’appel, a subi les transformations pour s’adapter aux spécificités de la procédure d’appel, l’article 913-5 ayant au passage absorbé l’article 914 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7247LE7.

Au-delà de son pouvoir classique en matière de caducité de la déclaration d’appel, d’irrecevabilité de l’appel, ou d’irrecevabilité des conclusions, il est expressément indiqué que :

  • les exceptions de procédure dont il a à connaître sont « les exceptions de procédure relatives à la procédure d’appel » ;
  • les incidents d’instance dont il a à connaître sont « les incidents mettant fin à l’instance d’appel ».

Quant aux fins de non-recevoir, la discussion qui pouvait encore avoir cours quant à la possibilité ou non de saisir le conseiller de la mise en état (CME) de certaines fins de non-recevoir qui touchaient au fond, elle n’a plus lieu d’être. Toutes les fins de fins de non-recevoir dont le conseiller de la mise en état a à connaître sont listées :

  • irrecevabilité de l’appel, avec principe de concentration des moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel ;
  • irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7240LEU N° Lexbase : L7241LEW ;
  • irrecevabilité des actes de procédure en application de l'article 930-1 du code précité N° Lexbase : L7249LE9 ;
  • irrecevabilité des interventions en appel.

En conséquence, le conseiller de la mise en état n’a à connaître que des seules irrecevabilités purement procédurales, et relatives à la seule procédure d’appel.

Une prescription qui n’aurait pas été soumise au premier juge, quelle qu’en soit la raison, ne pourra en aucun cas relever du pouvoir du conseiller de la mise en état.

Il est à noter que le projet de juin 2023 envisageait d’étendre les pouvoirs du conseiller de la mise en état aux demandes nouvelles et à l’irrecevabilité de l’article 910-4 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9354LTM devenu l’article 915-2 du Code de procédure civile. Il apparaît que cette extension était source de crispation, ce qui peut se comprendre aisément s’agissant des demandes nouvelles. D’une part, il était tout de même difficile, pour le conseiller de la mise en état, de relever d’office ces irrecevabilités ; d’autre part, il peut être contreproductif d’obliger le conseiller de la mise en état à se pencher sur le fond du dossier au stade de la mise en état, alors que la cour d’appel devra à nouveau apprécier le fond de l’affaire pour se prononcer au fond.

Le conseiller de la mise en état est toujours saisi par conclusions spécialement adressées, et il doit tenir une audience d’incident de manière à entendre les avocats, même lorsqu’il relève d’office dans le cadre de l’article 911 alinéa 3 du Code de procédure civile (anciennement 911-1 alinéa 2 N° Lexbase : L7243LEY) dès lors que l’avocat demande l’organisation d’une audience (Cass. civ. 2, 26 octobre 2023, n° 21-22315, FS-B N° Lexbase : A42911PM).

C. La mise en état

La procédure relève de la procédure ordinaire avec désignation d’un magistrat de la mise en état sauf si elle relève de droit de la procédure à bref délai, ou si le président ne décide de l’orienter en bref délai (CPC, art. 907 N° Lexbase : L3973LUP).

Hormis un rapatriement de tous les textes de première instance dans le chapitre propre à la procédure d’appel, la mise en état est inchangée.

S’il avait été question, dans le projet de juin 2023, d’allonger les délais pour la remise des conclusions au greffe, pour l’appelant et l’intimé, cette proposition n’a pas été reprise dans le décret. Et c’est tant mieux !

Sauf prorogation, le délai de remise des conclusions reste de trois mois (CPC, art. 908 N° Lexbase : L7239LET). Et la notification à l’avocat ou à la partie est enfermée dans le même délai qu’auparavant.

Une nouveauté cependant, prévue à l’alinéa 2 de l’article 911 du Code de procédure civile : les délais peuvent être réduits mais, surtout, ils peuvent aussi être allongés.

Cette possibilité est opportune. Par exemple, en matière de construction, certaines parties peuvent avoir intérêt à ce que certaines parties concluent au préalable, notamment lorsque celles-ci formeront un appel incident. À réception des conclusions de la partie appelante, l’intimé concerné pourra alors écrire au conseiller de la mise en état pour lui demander de proroger son délai pour conclure. Nous verrons si les avocats s’emparent de cette possibilité qui n’est pas anecdotique, mais au contraire de nature à coller à la vraie vie du dossier.

D. La force majeure

La force majeure n’est plus consacrée par un article distinct, l’actuel article 910-3, mais intégrée dans l’article concerné (l’article 906-2 pour le bref délai et l’article 911 pour la procédure avec mise en état), sans que son champ d’application ne soit élargi. Ainsi, la force majeure concerne la remise et la notification des conclusions, non la signification de la déclaration d’appel.

Cette force majeure est maintenant définie dans le code comme étant « une circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt pour elle un caractère insurmontable », ce qui est la définition issue de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 25 mars 2021, n° 20-10.654, F-P N° Lexbase : A67324MB).

E. La radiation pour défaut de diligence de l’article 912 du CPC

Comme auparavant, le conseiller de la mise en état peut arrêter un calendrier pour que les parties échangent des conclusions après expiration des délais initiaux pour conclure.

Dans les faits, les conseillers de la mise en état ne fixent pas ces « calendriers 912 ».

Une sanction, inexistante dans l’actuel article 912 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7245LE3, est ajoutée : le conseiller de la mise en état peut radier l’affaire pour défaut de respect du calendrier.

En application de l’article 383 du code précité N° Lexbase : L2268H4R, les parties pourront rétablir l’affaire en justifiant l’accomplissement des diligences.

Il est probable que les « radiations 912 » resteront rares.

F. La clôture partielle

La clôture partielle n’est pas une nouveauté en appel, car l’article 800, applicable à la procédure avec mise en état, prévoit une telle clôture.

Cependant, son rapatriement à l’article 914-2 pourrait lui donner une nouvelle jeunesse, et donner l’idée à certains conseillers de la mise en état d’en faire usage.

IV. La procédure ordinaire à bref délai

A. Un bref délai distinct de la procédure ordinaire avec désignation d’un conseiller de la mise en état

Pour une meilleure lisibilité, le code prévoit désormais un paragraphe propre à la « procédure à bref délai » et un paragraphe distinct sur la « procédure avec mise en état ».

Déjà, cela permet de comprendre, ce qui est souvent incompris, que le bref délai ou circuit court n’est pas à opposer au circuit ordinaire. Le bref délai est un circuit ordinaire, avec pour particularité qu’il est sans désignation d’un conseiller de la mise en état. C’est pour cette raison que le paragraphe 4 n’est pas intitulé « procédure ordinaire » mais « procédure avec mise en état », étant précisé qu’il aurait pu également être appelé « procédure avec désignation d’un conseiller de la mise en état ».

B. Le champ d’application du bref délai

Depuis le 31 juillet 2023, le bref délai concerne déjà l’appel du jugement partiel de l’article 807-2 du Code de procédure civile N° Lexbase : L3383MI7 (à distinguer du jugement partiel en matière prud’homal).

Avec le décret du 29 décembre 2023, l’ordonnance de protection entre dans la liste des décisions qui relèvent, de droit, du bref délai (CPC, art. 906 7°).

C. Le délai de remise au greffe des conclusions

En bref délai, le délai de remise des conclusions au greffe passe d’un mois à deux mois, tant pour l’appelant (CPC, art. 906-2 al. 1er) que pour l’intimé (CPC, art. 906-2 al. 2) et l’intervenant (CPC, art. 906-2 al. 4).

Cette augmentation profitera surtout à l’intimé, dès lors que l’appelant bénéficiait d’un délai dépendant du délai pour que l’affaire soit fixée, ce qui augmentait de fait le délai d’un mois.

Tout comme le conseiller de la mise en état en procédure avec mise en état, le président en bref délai peut non seulement réduire mais surtout allonger les délais de remise au greffe mais, semble-t-il, également les délais de notification (CPC, art. 906-2 al. 6). En circuit ordinaire, cette possibilité d’allonger les délais concerne la seule remise au greffe, non la notification des conclusions.

D. Les pouvoirs juridictionnels du président de chambre

1) Un pouvoir étendu et exclusif

Le décret confirme la jurisprudence quant au caractère exclusif des pouvoirs du président de chambre pour connaître des incidents prévus à l’article 906-3 du Code de procédure civile (Cass. civ. 3, 4 mars 2021, n° 19-12.564, F-P N° Lexbase : A01994KL.

Sans devenir l’équivalent d’un conseiller de la mise en état, le président se voit attribuer des compétences qui lui échappaient jusqu’alors.

Il connaît désormais de l’irrecevabilité de l’appel et des interventions en appel (CPC, art. 906-3 1°), ce qui était exclu auparavant, hormis l’irrecevabilité pour non-paiement du timbre fiscal (CPC, art. 964 N° Lexbase : L7256LEH).

En outre, il connaît des incidents mettant fin à l’instance (CPC, art. 906-3 4°). On pense notamment à la péremption, même si en pratique, la péremption n’affecte que rarement les procédures à bref délai qui par définition ne durent pas assez longtemps pour qu’aucune diligence ne soit effectuée dans un délai de deux ans (voir cependant : Cass. civ., 2 décembre 2021, n° 20-18.122, F-B N° Lexbase : A90897DY).

Mais cela permet aussi au président de se prononcer sur un désistement, voire même de constater l’extinction de l’instance du fait d’un accord.

Le président demeure compétent pour statuer sur la caducité de la déclaration d’appel (CPC, art. 906-3 2°) et l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure (CPC, art. 906-3 3°).

2) Le président et les exceptions de procédure

Toutefois, il n’est pas prévu qu’à l’occasion d’une irrecevabilité d’appel, ou d’une caducité de déclaration d’appel, le président peut trancher toute question ayant trait à cette irrecevabilité ou à cette caducité.

La question se posera lorsqu’une partie intimée, qui n’a pas conclu dans son délai, argue de la nullité de l’acte de signification des conclusions. Cette nullité est une exception de procédure pour laquelle l’article 906-3 du Code de procédure civile ne prévoit pas une compétence au profit du président.

Pourtant, pour savoir si l’intimé est véritablement irrecevable à conclure, il faut bien que soit tranchée cette question de la nullité de l’acte de signification des conclusions. De plus, cette nullité aboutira à la caducité de la déclaration d’appel.

Même si le texte ne le prévoit pas, il apparaît néanmoins que le président doit nécessairement être compétent pour trancher toute exception de procédure, et d’une manière générale toute question de procédure, dès lors que de cette question dépend une sanction pour laquelle il dispose d’une compétence exclusive.

La problématique devient insoluble si, sur un incident d’irrecevabilité des conclusions, l’intimé doit faire trancher la question de la nullité par la cour d’appel, cette dernière n’ayant pas à connaître de la recevabilité des conclusions…

3) Le président et la révocation de la clôture

Si le président ne peut toujours pas prononcer la jonction, ce qui pourrait se révéler utile, il peut désormais, par renvoi de l’article 906-4 alinéa 1er à l’article 914-4, révoquer la clôture de l’instruction en cas de cause grave. Jusqu’alors, si le président prononçait la clôture de l’instruction, seule la cour d’appel, en bref délai, pouvait prononcer la révocation, ce qui obligeait à rouvrir les débats.

En revanche, faute de renvoi de l’article 906-4 à l’article 914-2 du code précité, le président ne peut pas prononcer une clôture à l’égard d’une partie.

E. Le dossier comprenant la copie des pièces

Improprement appelé « dossier de plaidoiries », ce qu’il n’est pas, le « dossier 912 » (du nom de l’article le prévoyant) consiste à remettre non pas les pièces, mais la copie des pièces, quinze jours avant l’audience.

Cette obligation est toujours prévue, mais à l’article 914-5, pour la procédure avec mise en état. Elle n’est assortie d’aucune sanction.

L’article 912 ne s’appliquait qu’à la procédure ordinaire avec désignation d’un conseiller de la mise en état, et était donc exclu pour le bref délai, mais également pour le jour fixe.

Sans l’ériger en obligation, l’article 906-5 laisse la possibilité au président de demander aux avocats de déposer (ce qui suppose une remise physique) les pièces.

Notons que le texte vise les pièces, non la copie des pièces, ce qui est peut-être un oubli du législateur. Mais cela est en réalité sans grande conséquence.

F. La passerelle ?

Il existait déjà une possibilité de passer de la procédure à bref délai à une procédure avec mise en état, par renvoi de l’article 905 N° Lexbase : L3386MIA à l’article 778 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9316LT9.

Mais en pratique, cette passerelle restait inconnue.

L’article 906-4 du Code de procédure civile est autrement plus lisible, et nettement plus adapté à la procédure d’appel.

Déjà, cette passerelle suppose que les parties aient conclu. Cela est préférable, faute de quoi les parties auraient été confrontées à des difficultés quasi insolubles sur les délais pour la remise et la notification des conclusions.

Il arrive parfois que, par erreur, une affaire relevant d’un bref délai de droit soit orientée en procédure avec mise en état.

Compte tenu de la rédaction de l’article 778 in fine, il devait être considéré que cette désignation d’un conseiller de la mise en état avait alors pour effet de faire passer l’affaire du bref délai en procédure avec mise en état, avec toutes conséquences en termes de délais pour les conclusions, et des mentions à indiquer le cas échéant dans l’acte de signification des conclusions.

Tel qu’est rédigé l’article 906-4 du Code de procédure civile, il n’est pas certain que cette erreur d’orientation, qui existe en pratique, puisse avoir les mêmes effets dans cette « nouvelle » procédure d’appel.

Ne faut-il pas considérer que la désignation d’un conseiller, par erreur et avant expiration des délais pour conclure, dans une affaire qui relève de droit d’un bref délai, ne fait pas sortir cette affaire du bref délai ? La procédure resterait un bref délai, avec désignation d’un conseiller de la mise en état dépourvu de tout pouvoir juridictionnel.

Dans ces conditions, les avocats devront veiller à réagir immédiatement en cas de désignation prématurée – c’est-à-dire avant que les parties aient conclu – et donc erronée d’un conseiller de la mise en état dans une affaire relevant de droit du bref délai, en demandant au président de revenir sur cet avis de désignation.

L’avocat pourra rappeler au président que cette passerelle ne peut intervenir qu’après échange des conclusions.

Cela suppose évidemment que l’avocat détermine dès l’inscription de l’appel de quelle procédure relève l’affaire, sans attendre que la cour d’appel le lui précise.

V. Le renvoi de cassation

A. Le délai de notification de la déclaration de saisine

Tout comme pour le bref délai, le délai pour notifier la déclaration de saisine passe de dix jours à vingt jours, le point de départ de ce délai restant la date de la déclaration de saisine.

L’article 1037-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7045LEN a conservé le terme « signifiée » à l’alinéa 2, que la Cour de cassation a interprété comme étant une « notification » (Cass. civ. 2, 22 octobre 2020, no 19-21.864, F-P+B+I N° Lexbase : A88013YM).

B. La notification des conclusions

L’alinéa 3 de l’article 1037-1 du code précité prévoit un délai de deux mois pour notifier les conclusions, sans prévoir de délai supplémentaire comme c’est le cas en bref délai ou en procédure avec mise en état.

Cependant, le cinquième alinéa renvoie désormais au cinquième alinéa de l’article 906-2 du même code qui prévoit un délai supplémentaire d’un mois à l’expiration du délai pour conclure.

Il existe donc une contradiction qu’il appartiendra à la jurisprudence de préciser.

Même s’il conviendra d’être prudent, et ne pas faire application de ce délai supplémentaire d’un mois, tant que la Cour de cassation n’aura pas pris position, nous pouvons raisonnablement imaginer que la Cour de cassation considèrera que ce délai s’applique, tant il paraît logique que la procédure sur renvoi de cassation suive en cela la procédure en circuit ordinaire.

C. L’extension du déféré

Que cela ait été voulu ou non par le législateur de 2017, le champ du déféré sur renvoi de cassation était curieusement limité (Cass. civ. 2, 5 octobre 2023, F-B, n° 22-16.906 N° Lexbase : A17101KK).

En renvoyant désormais au sixième alinéa de l’article 906-3, toute ordonnance du président rendue en application de l’article 1037-1 du code précité a autorité de chose jugée et est susceptible de déféré devant la cour d’appel dans le délai de quinze jours.

C’est donc une extension du champ du déféré qui est introduite sur renvoi de cassation.

VI. La dévolution

A. En procédure avec représentation obligatoire

1) Une dévolution fixée par la déclaration d’appel, et sous conditions par les conclusions

En application de l’article 901, 7° du Code de procédure civile, la déclaration d’appel contient « Les chefs du dispositif du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est, sans préjudice du premier alinéa de l'article 915-2 du même code, limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ».

C’est l’acte d’appel qui fixe la dévolution.

Cependant, l’article 915-2 du Code de procédure civile atténue cette affirmation puisqu’il prévoit que « L'appelant principal peut compléter, retrancher ou rectifier, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans les délais prévus au premier alinéa de l'article 906-2 et à l'article 908, les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d'appel. La cour est saisie des chefs du dispositif du jugement ainsi déterminés et de ceux qui en dépendent. ».

Le législateur, sans l’interdire – et contrairement à ce qui avait été la position de la Cour de cassation qui exigeait une déclaration d’appel (Cass. civ. 2, 30 juin 2022, n° 21-12.720, F-B N° Lexbase : A8574783) – souhaite que la déclaration d’appel rectificative tombe en désuétude.

Sur le principe, pourquoi pas ?

C’est certainement une des grandes nouveautés du décret, en ce qu’elle ouvre cette possibilité, empreinte de souplesse.

Le risque serait de voir fleurir des déclarations d’appel vierge de tous chefs critiqués, l’appelant considérant qu’il sera toujours temps de préciser les chefs critiqués dans les conclusions elles-mêmes.

Et les avocats qui assurent la seule postulation, sans être en charge de la plaidoirie, et qui envisagent cette mission de postulation sous l’angle de la boîte aux lettres, seront tentés de laisser le soin au confrère rédacteur des conclusions de préciser la dévolution.

Cela étant, ce serait certainement prendre un grand risque.

Le principe semble demeurer une dévolution opérée par le seul acte d’appel, sans que la mention des chefs critiqués dans l’acte introductif de l’instance d’appel devienne une option.

D’ailleurs, le législateur utilise les termes « compléter », « rectifier ».

Plus précisément, « L'appelant principal peut compléter, retrancher ou rectifier (…) les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d'appel ».

Mais est-ce à dire que la déclaration d’appel doit déjà contenir un embryon de chefs critiqués pour pouvoir la compléter ? Une telle exigence n’existe pas aujourd’hui, la partie ayant régularisé un acte d’appel sans chefs critiqués pouvant régulariser une déclaration d’appel rectificative qui s’incorpore à la précédente.

Mais l’article 915-3 permet seulement de compléter « les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d'appel », ce qui suppose que ces chefs existent déjà dans l’acte d’appel, ce qui exclurait toute déclaration d’appel vide de tous chefs.

Prévoir qu’une telle déclaration d’appel, sans chefs, ne puisse être corrigée que par une déclaration d’appel rectificative, tandis que si seuls certains chefs sont manquants, l’appelant peut compléter par conclusions, consisterait à mettre en place une usine à gaz incompréhensibles, source de difficultés de procédure.

En définitive, si l’intention est louable, le risque de dérapage n’est pas nul, surtout qu’il existe un naturel chez l’avocat à adopter des pratiques apparemment simples mais risquées, comme le démontre l’utilisation à outrance de l’annexe pour mentionner les chefs critiqués.

Reporter sur les seules conclusions, la dévolution, est risqué.

Au surplus, pour l’intimé, c’est un mépris des droits de la défense.

Une partie, à réception de l’acte d’appel, peut comprendre si elle est ou non concernée par l’appel engagé ce qui peut conditionner l’opportunité de constituer avocat : une partie appelée en garantie par l’un des intimés peut avoir intérêt à différer une constitution, n’étant pas menacée par l’appel principal, et seulement par un hypothétique appel incident.

Pour cela, la position de la Cour de cassation quant à l’acte rectificatif paraissait la plus adaptée.

De plus, cela obligera les juges d’appel, pour apprécier la dévolution, à prendre en considération et l’acte d’appel et les conclusions.

Nous attendrons avec impatience que la Cour de cassation délimite les conditions de régularisation d’une déclaration d’appel incomplète, irrégulière.

2) Une rectification de la dévolution par conclusions

Reste en outre à savoir dans quelles conditions cette rectification sera effectuée.

L’article 915-2 du Code de procédure civile précise que cette rectification est opérée dans le dispositif.

Faut-il donc considérer que suffira la formule « infirme le jugement en ce qu’il a… » suivie des chefs critiqués ? Et alors, le dispositif qui demandera à la cour d’appel de « Infirmer le jugement en toutes ses dispositions » ne sera pas suffisant pour opérer dévolution sur le tout ?

Ou alors, le dispositif devra-t-il expressément préciser qu’il complète (ou rectifie) la déclaration d’appel des chefs critiqués, puis en les citant, comme cela doit être fait lorsque la régularisation est effectuée par une déclaration d’appel rectificative ?

Cette disposition, aussi séduisante qu’elle puisse être en apparence, pose de véritables questions.

Il ne saurait être trop conseillé de rédiger une déclaration complète, dès la formation de l’appel, sans compter sur un dispositif rectificatif de cet acte d’appel.

Et dans l’hypothèse où une déclaration d’appel serait incomplète quant aux chefs critiqués, il paraît opportun de la corriger au plus vite, ce qui justifierait de remettre une déclaration d’appel (rectificative) dont l’objet serait de corriger la précédente déclaration d’appel irrégulière, sans attendre de la corriger par des conclusions, avec le risque d’oublier.

Si le législateur entendait supprimer, de fait, la déclaration d’appel rectificative, nous pouvons douter que cet objectif sera atteint.

Mieux, l’appelant pourrait, par ce principe dit de sécurité que les avocats affectionnent particulièrement, régulariser d’une part un acte d’appel rectificatif, et d’autre part corriger dans le dispositif de ses conclusions.

Gageons que la déclaration d’appel rectificative a encore de beaux jours.

3) Le nettoyage de l’article 562 du CPC

L’article 562 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7233LEM est nettoyé.

Est supprimé le renvoi à cette notion nébuleuse et assez incompréhensible d’objet du litige indivisible.

Il était difficile de comprendre dans quels cas cette disposition pouvait s’appliquer, de sorte que sa suppression a le grand avantage de ne plus avoir à se poser la question.

Sinon, l’essence même de la dévolution est conservée.

Sous réserve de la jurisprudence particulière et opportuniste de la première chambre civile de la Cour de cassation, en matière de divorce (notamment Cass. civ. 1, 12 juillet 2023, n° 21-19.258, F-D N° Lexbase : A80021AM), la dévolution suppose que le chef soit effectivement critiqué en appel.

B. En procédure sans représentation obligatoire

La Cour de cassation avait fait preuve d’une souplesse bienvenue, pour les procédures sans représentation obligatoire.

La déclaration d’appel qui ne mentionne pas les chefs critiqués opère dévolution pour le tout (Cass. civ. 2, 9 septembre 2021, n° 20-13.662, FS-B+R N° Lexbase : A256044L – Cass. civ. 2, 29 septembre 2022, FS-B, n° 21-23.456 N° Lexbase : A34268LH).

Cette solution, pour opportune qu’elle soit, était toutefois contraire au texte, faisant fi de l’article 562 qui s’applique aussi à la procédure sans représentation obligatoire.

Cette souplesse est intégrée à l’article 933 6° du Code de procédure civile N° Lexbase : L8616LYR.

La déclaration d’appel doit indiquer les chefs critiqués. Mais si elle n’indique aucun chef, l’appel est alors général.

Il faut comprendre que cette dévolution pour le tout n’opère que si l’acte ne contient aucun chef.

Si la déclaration d’appel contient des chefs, alors la dévolution opère que de ces seuls chefs.

Toutefois, la procédure étant orale, il est permis de considérer que l’appelant pourrait alors régulariser une déclaration d’appel rectificative jusqu’à l’audience.

VII. L’irrecevabilité de l’appel après une caducité ou une irrecevabilité

L’irrecevabilité de l’article 911-1 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7243LEY est reprise à l’article 916, sans modification.

Ainsi, curieusement, une partie qui a essuyé une caducité de la déclaration d’appel pour un motif autre que le non-respect de l’article 902 N° Lexbase : L7237LER, 908 N° Lexbase : L7239LET du Code de procédure civile en procédure avec mise en état, ou 906-1 ou 906-2 en bref délai, pourra refaire un appel si elle est toujours dans le délai d’appel (Cass. civ. 2, 19 mai 2022, n° 21-10.422, F-B N° Lexbase : A41117XK).

Ainsi, une caducité pour absence de remise d’une requête au premier président sur un appel compétence laissera la possibilité à la partie de refaire un appel si le délai d’appel est ouvert.

VIII. La procédure sans audience

La récente réforme de la procédure en première instance avait introduit la procédure sans audience.

Celle-ci restait cantonnée à la seule procédure de première instance.

La réforme de décembre 2023 l’élargit à la procédure en appel.

Ce sont les articles 906-5 du Code de procédure civile pour le bref délai et 914-5 pour la procédure avec mise en état qui prévoient la possibilité pour le président (en bref délai) ou le conseiller de la mise en état (en procédure avec mise en état) « à la demande des avocats des parties, et après accord, le cas échéant, du ministère public, autoriser le dépôt des dossiers au greffe de la chambre à une date qu'il fixe, quand il lui apparaît que l'affaire ne requiert pas de plaidoiries ».

Un dépôt des dossiers au greffe sans plaidoirie est, même si le texte ne le dit pas, une procédure sans audience.

Si le texte prévoit une demande des avocats, en pratique, rien n’empêche le conseiller de la mise en état ou le président d’interroger les avocats pour savoir s’ils entendent demander un dépôt des dossiers sans plaidoiries.

Pour rappel, l’article L. 212-5-1 du Code de l'organisation judiciaire N° Lexbase : L0598LTC prévoyant la procédure sans audience concerne le seul tribunal judiciaire.

Le code de l’organisation judiciaire n’est pas modifié pour y faire entrer la procédure sans audience devant la cour d’appel.

Il est vrai que dans les faits, les dépôts de dossier à l’audience, sans présence des avocats, se sont généralisés. Cela permet donc d’entériner une pratique existante.

Cependant, le risque est que la distance s’accroisse davantage entre le juge et l’avocat.

C’est peut-être une disposition opportune, dans une certaine mesure, mais dont les avocats devront user avec parcimonie, au risque de créer une justice exclusivement virtuelle, et de faire disparaître de manière irrémédiable les derniers liens qui existent entre les juges et les avocats.

IX. En conclusion

D’aucuns rêvent d’une procédure simple, sans sanction, dans laquelle l’avocat se promènerait sans risquer de tomber dans un piège à chaque coin de rue.

Ce ne sera pas pour cette fois… et probablement pas pour les fois d’après, non plus, la simplicité ou la simplification étant un mythe qui continuera de nourrir les conversations.

La procédure a toujours été périlleuse, même si les avocats ne s’en sont rendu compte qu’en 2012, date à laquelle ils ont été jetés dans le grand bain sans avoir nécessairement appris à nager.

Il y aura un avant et un après la réforme de 2023.

Et le grand apport de cette réforme est qu’il deviendra plus aisé de manipuler le Code de procédure civile.

Mais plus que jamais, l’avocat devra s’aventurer en appel en ayant pris soin de s’y former, faute de quoi la déclaration de sinistre ne sera jamais loin, l’erreur étant tapie dans l’ombre, prête à surgir au moment le plus inattendu.

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