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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction
le 03 Octobre 2013
La Charte a été élaborée en prenant en compte les règles professionnelles nationales des Etats européens, y compris de ceux qui ne sont pas membres du CCBE ; le Code de déontologie des avocats européens du CCBE ; les principes généraux du Code international de déontologie de l'International Bar Association ; la Recommandation Rec (2000) 21 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe aux Etats membres sur la liberté d'exercice de la profession d'avocat du 25 octobre 20005 ; les jurisprudences de la CEDH et de la CJUE ; les textes fondamentaux (CESDH, DDHC, etc.) ; ou encore la Résolution du Parlement européen sur les professions juridiques et l'intérêt général relatif au fonctionnement des systèmes juridiques du 23 mars 2006. La Charte s'articule autour de neuf principes.
L'indépendance et la liberté d'assurer la défense et le conseil de son client
Ce principe est bien évidemment présent dans la déontologie nationale puisque le RIN le prévoit en son article 1.3 (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E6566ETD). Néanmoins il est des Etats européens où cette liberté et cette indépendance ne sont pas nécessairement garanties. Il est donc important pour le CCBE de rappeler que l'avocat doit être indépendant de l'Etat et des sources de pouvoir comme des puissances économiques. Mais il doit également être indépendant de son client. En effet, sans l'indépendance vis-à-vis du client, il ne peut y avoir de garantie de qualité du travail de l'avocat.
Le respect du secret professionnel et de la confidentialité des affaires dont il a la charge
Principe bien évidemment inscrit dans le RIN (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E6257ETW), le secret professionnel est fondamental. La Charte souligne la nature duale de ce principe : respecter la confidentialité n'est pas uniquement un devoir de l'avocat, c'est aussi un droit fondamental du client.
La prévention des conflits d'intérêts
Pour l'exercice irréprochable de la profession, l'avocat doit éviter les conflits d'intérêts (RIN, art. ; cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E6260ETZ). Par conséquent, un avocat ne peut agir pour deux clients dans la même affaire s'il y a un conflit ou un risque de conflit entre eux. De même l'avocat doit éviter d'agir pour un nouveau client s'il dispose d'informations confidentielles obtenues auprès d'un autre client, ancien ou actuel.
La dignité, l'honneur et la probité
Pour exercer de manière correcte la profession, l'avocat doit se montrer digne de cette confiance. Celle-ci est confortée par la participation à une profession honorable ; le corollaire est que l'avocat ne doit rien faire non seulement qui porte atteinte à sa réputation, mais aussi à celle de la profession dans son ensemble et à la confiance du public en la profession.
La loyauté à l'égard du client
La loyauté à l'égard du client est l'essence du rôle de l'avocat. Le CCBE insiste sur le fait que certains des aspects les plus sensibles de la déontologie proviennent de l'interaction entre le principe de loyauté envers le client et les principes de dignité, d'honneur et de probité, le respect de la confraternité et, notamment, le respect de l'Etat de droit et la contribution à une bonne administration de la justice.
La délicatesse en matière d'honoraires
Les honoraires demandés par un avocat doivent être entièrement expliqués au client, être justes et raisonnables, dans le respect des droits et des règles professionnelles auxquelles l'avocat est tenu. Bien que les codes professionnels soulignent l'importance d'éviter des conflits d'intérêts entre un avocat et son client, la question des honoraires de l'avocat présente un tel danger. Par conséquent, pour le CCBE, le principe implique la nécessité de règles professionnelles pour veiller à ne pas porter en compte des montants excessifs au client.
La compétence professionnelle
Si l'avocat souhaite remplir efficacement sa mission de conseil et de représentation du client, il est indispensable qu'il dispose d'une formation professionnelle appropriée. Et l'on sait que la formation professionnelle permanente a acquis, depuis quelques années maintenant, une importance croissante en réponse au rythme rapide de changement du droit et de la pratique ainsi que de l'environnement.
Le respect de la confraternité
Pour le CCBE, ce principe représente plus que le rappel de la nécessaire courtoisie. En effet, il est lié au rôle de l'avocat, en tant qu'intermédiaire à qui l'on doit pouvoir faire confiance, de dire la vérité, respecter les règles professionnelles et tenir ses promesses. Le respect mutuel entre confrères facilite la bonne administration de la justice, aide à la résolution de conflits par un accord, et sert l'intérêt du client.
Le respect de l'Etat de droit et la contribution à une bonne administration de la justice
Le CCBE estime important de rappeler qu'un avocat ne doit jamais fournir consciemment aux cours et tribunaux des informations erronées ou induisant en erreur, de même qu'il ne peut pas mentir aux tiers dans le cadre de ses activités professionnelles.
L'autorégulation de sa profession
Il existe essentiellement deux manières possibles de réglementer la profession : soit une réglementation par l'Etat ; soit une autorégulation par la profession. Dans de nombreux cas, l'Etat, reconnaissant l'importance des principes essentiels, utilise la législation pour les étayer, par exemple en fournissant un soutien législatif au secret professionnel ou en octroyant aux barreaux le pouvoir légal de rédiger les règles professionnelles. Le CCBE est convaincu que seul un degré fort d'autorégulation peut garantir l'indépendance professionnelle des avocats à l'égard de l'Etat ; il estime que sans garantie d'indépendance, les avocats ne peuvent pas remplir leur mission professionnelle et légale.
Le Code de déontologie des avocats européens
Adopté lors de la session plénière du CCBE le 28 octobre 1988 et modifié à quelques reprises (dernièrement à la date du 19 mai 2006), le Code est un texte qui s'impose à tous les avocats membres des barreaux des Etats membres, dans leurs activités transfrontalières à l'intérieur de l'Union européenne, de l'Espace économique européen, de la Confédération Helvétique, comme des pays associés et observateurs. Intégré au RIN (N° Lexbase : L4063IP8), aux articles 21 et suivants, le Code de déontologie aborde les principes généraux de l'avocat européen, les rapports avec le client, les rapports avec les magistrats et les rapports entre avocats. L'on renverra le lecteur à la lecture attentive de ces dispositions ; néanmoins certaines précisions peuvent être apportées à la rédaction retenue de ce code.
Préambule (RIN, art. 21.1.1 à 21.1.6)
Le préambule définit, entre autres, la mission de l'avocat et la nature des règles déontologiques. A cet égard, il confirme le contenu de la Déclaration de Pérouse, adoptée par le CCBE, le 16 septembre 1977. En matière de règles déontologiques, il est important de relever que si des règles particulières dépendent de circonstances locales spécifiques, elles reposent néanmoins sur les mêmes valeurs.
Les règles sont destinées à s'appliquer à tous les avocats, tels qu'ils sont définis dans la Directive de 1977 sur la prestation des services (N° Lexbase : L9275AU3) et dans la Directive de 1998 sur l'établissement des avocats (N° Lexbase : L8300AUX), comme aux avocats des membres, associés et observateurs du CCBE. Cette définition inclut les avocats des Etats membres qui ont adhéré ultérieurement aux Directives, et dont les noms ont été ajoutés par voie d'amendement à celles-ci.
Les principes généraux (RIN, art. 21.2.1 à 21.2.8)
Le Code de déontologie liste les principes essentiels qui s'appliquent à l'avocat européen : indépendance, confiance et intégrité morale, secret professionnel, respect de la déontologie des autres barreaux, incompatibilités, publicité, intérêt du client et responsabilité.
Si les trois premiers principes n'appellent pas de remarques particulières, quelques précisions peuvent être apportées quant aux autres.
Tout d'abord, concernant le secret professionnel, le Code réaffirme, dans l'article 21.2.3.1, les principes généraux inclus dans la Déclaration de Pérouse et reconnus par la CJCE dans l'affaire "AM&S" (CJCE, 18 mai 1982, aff. C-155/79 N° Lexbase : A5944AUP). Puis, dans les articles 21.2.3.2 à 4, il développe une règle spécifique concernant la protection du secret. L'article 21.2.3.2 énonce l'obligation de base. Cette obligation subsiste quand l'avocat a cessé de s'occuper des intérêts du client. Enfin, l'article 21.2.3.4 confirme que l'obligation ne pèse pas seulement sur l'avocat, mais que celui-ci doit aussi faire respecter le secret par tous ceux qui travaillent dans son cabinet.
Concernant, ensuite, le respect de la déontologie des autres barreaux, l'article 4 de la Directive sur la libre prestation de services confirme les règles qui doivent être observées par un avocat d'un Etat membre qui fournit des services, à titre occasionnel ou temporaire dans un autre Etat membre à savoir :
- les activités relatives à la représentation et à la défense d'un client en justice ou devant des autorités publiques sont exercées dans chaque Etat membre d'accueil dans les conditions prévues pour les avocats établis dans cet Etat, à l'exclusion de toute condition de résidence ou d'inscription à une organisation professionnelle dans ledit Etat ;
- dans l'exercice de ces activités, l'avocat respecte les règles professionnelles de l'Etat membre d'accueil, sans préjudice des obligations qui lui incombent dans l'Etat membre d'origine ;
- lorsque ces activités sont exercées au Royaume-Uni, il faut entendre par "règles professionnelles de l'Etat membre d'accueil", celles des solicitors lorsque ces activités ne sont pas réservées aux barristers ou aux advocates. Dans le cas contraire, les règles professionnelles concernant ces derniers sont applicables. Toutefois, les barristers en provenance d'Irlande sont toujours soumis aux règles professionnelles des barristers ou advocates du Royaume-Uni.
La Directive sur l'établissement des avocats contient les dispositions relatives aux règles à respecter par un avocat d'un Etat membre exerçant à titre permanent dans un autre Etat membre, à savoir :
- indépendamment des règles déontologiques auxquelles il est soumis dans son Etat membre d'origine, l'avocat exerçant sous son titre professionnel d'origine est soumis aux mêmes règles déontologiques que les avocats exerçant sous le titre professionnel approprié de l'Etat membre d'accueil pour toutes les activités qu'il exerce sur le territoire de celui-ci ;
- l'Etat membre d'accueil peut imposer à l'avocat exerçant sous son titre professionnel d'origine, soit de souscrire une assurance de responsabilité professionnelle, soit de s'affilier à un fonds de garantie professionnelle, selon les règles qu'il fixe pour les activités professionnelles exercées sur son territoire ;
- l'avocat inscrit dans l'Etat membre d'accueil sous son titre professionnel d'origine peut exercer en qualité d'avocat salarié d'un autre avocat, d'une association ou société d'avocats, ou d'une entreprise publique ou privée, dans la mesure où l'Etat membre d'accueil le permet pour les avocats inscrits sous le titre professionnel de cet Etat membre.
Dans les hypothèses non prévues par les Directives, l'obligation pour un avocat, selon le droit communautaire, d'observer les règles des autres barreaux relève de l'interprétation de toute autre disposition. L'un des buts majeurs du Code édicté par le CCBE est de réduire, et si possible d'éliminer, les problèmes qui peuvent naître de la "double déontologie", c'est-à-dire de l'application de deux ou plusieurs règles nationales éventuellement discordantes applicables à une situation particulière.
Concernant, enfin, les incompatibilités, le CCBE souligne qu'il existe des différences à la fois à l'intérieur des Etats et entre Etats sur l'étendue des incompatibilités, par exemple en matière d'activités commerciales. La raison générale qui sous-tend les règles concernant les incompatibilités est la protection de l'avocat contre tout ce qui pourrait influencer son indépendance ou son rôle dans l'administration de la justice. Les articles 21.2.5.2 et 3 contiennent des dispositions relatives à certaines circonstances dans lesquelles un avocat d'un Etat membre exerce des activités transfrontalières dans un Etat d'accueil, alors qu'il n'est pas inscrit dans un barreau de cet Etat d'accueil. L'article 21.2.5.2 impose à l'avocat d'observer les règles d'incompatibilités de l'Etat d'accueil lorsqu'il assure la représentation ou la défense d'un client devant la justice ou les autorités publiques. La règle s'applique, que l'avocat soit ou non établi dans l'Etat d'accueil. L'article 21.2.5.3 impose le respect des règles de l'Etat d'accueil sur les incompatibilités dans les autres hypothèses, mais seulement lorsque l'avocat qui est établi dans un Etat membre désire participer directement à des activités commerciales ou autres qui sont sans rapport avec l'exercice du droit.
Les rapports avec les clients (RIN, art. 21.3.1 à 21.3.9)
Le Code de déontologie des avocats européens précise dans cette partie, les obligations afférentes à l'avocat dans ses rapports avec les clients. Sont visés, le début et la fin des relations avec le client, le conflit d'intérêts, le pacte de quota litis, les honoraires, le coût du litige et l'accès à l'aide légale, les fonds des clients, et, enfin, l'assurance en responsabilité professionnelle.
L'article 21.3.1.3 dispose que l'avocat ne doit pas se charger d'une affaire s'il sait qu'il n'a pas les compétences pour la traiter, à moins de coopérer avec un avocat ayant cette compétence. De même l'avocat ne doit pas accepter une affaire s'il est dans l'incapacité de s'en occuper promptement compte tenu de ses autres obligations. Si un avocat a généralement le droit de refuser une affaire dès l'origine, l'article 21.3.1.4 énonce que, dès lors qu'il a accepté cette affaire, il a l'obligation de ne pas cesser de s'en occuper sans s'assurer que les intérêts de son client seront sauvegardés.
En matière de conflit d'intérêts, il n'est pas interdit à l'avocat d'agir pour deux ou plusieurs clients dans une même affaire pourvu que leurs intérêts ne soient pas en fait contradictoires et qu'il n'y ait pas de risque sérieux de la survenance d'un conflit. Un avocat qui agit pour deux ou plusieurs clients doit cesser de s'occuper des affaires de tous les clients concernés, si un conflit d'intérêts surgit ultérieurement ou bien si survient le risque d'une violation du secret ou encore si des circonstances nouvelles risquent d'affecter son indépendance. Néanmoins, il peut exister des cas où, un différend surgissant entre deux ou plusieurs clients ayant le même avocat, il soit convenable que celui-ci tente d'apaiser le conflit par voie de médiation. Ces cas relèvent de la conscience de l'avocat qui peut, s'il l'estime opportun, expliquer la situation aux clients concernés, recueillir leur agrément et tenter comme médiateur de résoudre le différend. Si cette tentative échoue, l'avocat devra cesser d'agir pour tous les clients concernés.
Sur les honoraires, l'article 21.3.4 établit trois obligations : un principe général d'information concernant les honoraires de l'avocat, une règle selon laquelle leur montant doit être équitable et justifié et une obligation de respecter le droit et les règles déontologiques.
Enfin, il est à noter que le pacte de quota litis est interdit dans tous les Etats membres.
Relativement aux fonds des clients, l'article 21. 3.8 reproduit la Recommandation adoptée par le CCBE à Bruxelles en novembre 1985 sur la nécessité d'une réglementation minimale assurant le contrôle et la disposition des fonds de clients détenus par les avocats dans la Communauté. L'article 21.3.8 édicte les dispositions minimales qui doivent être observées, sans interférer dans le détail des systèmes nationaux qui prévoient une protection plus complète ou stricte des fonds de clients. L'avocat détenant des fonds de clients, même dans le cadre d'une activité transfrontalière, doit observer les règles de son barreau d'origine. L'avocat doit être conscient des questions qui surgissent quand les règles applicables relèvent de plus d'un Etat membre, surtout lorsque l'avocat est établi dans un Etat membre d'accueil selon la Directive sur l'établissement des avocats.
Les rapports avec les magistrats (RIN, art. 21.4.1 à 21.4.5)
Le principe, dans les rapports entre avocats et magistrats, est que l'avocat doit se conformer aux règles de la juridiction auprès de laquelle il exerce son activité ou devant laquelle il comparaît. Les débats doivent être contradictoires et l'avocat ne doit pas induire le juge en erreur.
Les rapports entre avocats (RIN, art. 21.5.1 à 21.5.9)
Bien évidemment la règle de la confraternité s'impose dans les rapports entre avocats. Sur les correspondances entre avocats, la confidentialité varie selon les Etats membres. En effet, dans certains Etats membres, les communications entre avocats, qu'elles soient écrites ou orales, sont considérées comme confidentielles. Ceci a pour conséquence que la teneur de ces correspondances ne peut être révélée à d'autres et que, en règle, elle ne peut être transmise aux clients et, en tout cas, produite en justice. Dans d'autres Etats membres, les correspondances ne sont confidentielles que si la mention en est faite sur la lettre. Dans d'autres Etats membres enfin, l'avocat doit tenir son client informé de toute correspondance pertinente émanant d'un confrère agissant pour une autre partie ; la mention du caractère confidentiel de cette lettre signifie seulement que le contenu en est réservé à l'avocat ou à son client et ne peut être invoqué par des tiers. Dans certains Etats, si un avocat souhaite indiquer qu'une lettre est envoyée pour trouver une solution amiable, sans pouvoir être produite en justice, il doit y apposer la mention "sous toutes réserves" ou "sans préjudice". Pour le CCBE, ces situations nationales fort diverses donnent naissance à de nombreux malentendus. C'est pourquoi les avocats doivent se montrer particulièrement prudents dans les échanges de correspondances transfrontalières. Lorsqu'un avocat veut adresser une correspondance confidentielle à un confrère d'un autre Etat membre, ou lorsqu'il souhaite lui écrire "sans préjudice", il doit s'assurer que sa lettre peut être acceptée comme telle. L'avocat qui souhaite que sa correspondance demeure confidentielle doit en exprimer clairement l'intention dans sa communication ou dans une lettre de couverture. L'avocat destinataire d'une telle communication, qui n'est pas en mesure de respecter ou de faire respecter ce caractère confidentiel, doit en aviser aussitôt son confrère afin que la communication ne lui soit pas adressée. S'il l'a déjà reçue, il doit la retourner à son expéditeur sans en révéler le contenu et sans pouvoir en faire état, de quelque manière que ce soit ; si sa législation nationale lui interdit d'agir de la sorte, il doit en aviser immédiatement son confrère.
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