Réf. : Projet de loi de finances pour 2014
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par Sophie Cazaillet, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
le 12 Octobre 2013
Premiers destinataires du projet de loi de finances pour 2014, la fiscalité frappant les particuliers ne connaît pas de réforme majeure, mais une multitude de petites mesures qui, tantôt alourdissent l'impôt, mais jamais de manière générale, tantôt l'allègent. Les foyers fiscaux qui souffriront le plus de ce projet de loi sont les familles aisées avec enfants.
A - Les qualités du PLF 2014
Indexation du barème de l'impôt sur le revenu de l'année 2014 et revalorisation exceptionnelle de la décote (article 2)
Le projet de loi de finances pour 2014 revalorise les limites des tranches de revenus du barème de l'impôt sur le revenu en tenant compte de l'évolution de l'indice des prix hors tabac de 2013 par rapport à 2012, soit 0,8 %. Cette mesure, qui avait été suspendue au titre de l'imposition des revenus perçus en 2011 et 2012, revoit donc le jour, au grand soulagement des contribuables, dont certains sont restés ébahis par leur déclaration de revenus reçue, pour les plus chanceux, quelques semaines avant la présentation du projet de loi (les autres devraient avoir la même réaction mi-octobre).
De plus, l'article 2 du texte propose de revaloriser le montant de la décote applicable à l'impôt sur le revenu, en le portant de 480 euros à 508 euros (soit une revalorisation de 5 %, s'ajoutant à l'indexation). Les ménages modestes, dont beaucoup (un million) se sont retrouvés à devoir payer l'impôt, alors qu'ils avaient été exemptés jusqu'ici, faute de revenus imposables suffisants (ce qui concernait, avant cette année, la moitié des foyers fiscaux français !), bénéficient d'une baisse d'impôt de 28 euros supplémentaires. Reste à savoir si cela est suffisant pour effacer le douloureux souvenir de la feuille d'impôt 2013...
Aménagement des droits de mutation par décès en cas de défaut de titre de propriété immobilière (article 8)
Parce qu'il arrive que les droits de propriété sur un immeuble soient incertains (en cas de limite cadastrale imparfaite ou inexistante), le Gouvernement prévoit que la fiscalité doit s'en mêler, et inciter (ce qui est presque devenu inhérent à l'impôt) les héritiers à reconstituer leur droit de propriété. Pour les successions qui seront ouvertes à compter de la date de publication de la loi de finances pour 2014, il est ainsi proposé trois mesures : l'instauration d'un délai de vingt-quatre mois pour le dépôt des déclarations de succession comportant des immeubles ou des droits immobiliers dont la propriété est incertaine, permettant ainsi aux personnes concernées de mener à bien les démarches de reconstitution des titres de propriété ; la déduction de l'actif successoral afférente aux dépenses engagées et supportées par les héritiers d'un immeuble ou de droits immobiliers dont la propriété est incertaine, au titre des opérations de reconstitution des titres de propriété desdits immeubles (dans la limite de la valeur déclarée de ces biens) ; une exonération totale de droits de succession pour les immeubles non bâtis indivis ou les droits immobiliers d'un tel immeuble inclus dans une parcelle d'une valeur totale inférieure à 5 000 euros et dont la propriété est incertaine, sous condition de reconstitution du titre de propriété.
Réforme du régime d'imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux des particuliers (article 11)
Après les "pigeons" et les "poussins", quel volatile se dressera contre la réforme de l'imposition des plus-values de cessions de titres ?
Si les conséquences exactes de l'application du nouveau régime devraient relever d'une analyse plus poussée, il faut saluer l'effort de simplification du Gouvernement. Dans son optique de taxer les revenus du capital comme les revenus du travail, l'article 11 du projet de loi de finances pour 2014 fait entrer au barème progressif les plus-values mobilières des particuliers. Un système d'abattement est prévu, selon la durée de détention des titres :
- 50 % pour une durée de détention de deux ans à moins de huit ans, puis 65 % à partir de huit ans (il est précisé que les OPC sont éligibles à l'abattement s'ils respectent un quota d'investissement en parts ou actions de sociétés de 75 % au moins) ;
- pour les PME, 50 % pour une durée de détention de un an à moins de quatre ans, 65 % pour une durée de détention de quatre ans à moins de huit ans, puis 85 % à partir de huit ans (ce dispositif est ouvert aux nouvelles sociétés exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ainsi qu'aux holdings animant des groupes constitués de ces sociétés et des cession de titres de dirigeants de PME partant à la retraite, des jeunes entreprises innovantes (JEI) et des cessions intrafamiliales).
En outre, les dirigeants de PME partant à la retraite, bénéficieraient, avant l'application de cet abattement proportionnel, d'un abattement fixe spécifique de 500 000 euros.
Cette mesure, plus simple, plus lisible, et donc plus sécurisante et attractive pour les entrepreneurs, entrerait en vigueur pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2013 (pour une fois que la rétroactivité s'opère dans un sens favorable !), à l'exception des mesures relatives à la suppression des régimes dérogatoires d'exonération partielle ou totale (dirigeants partant à la retraite, JEI et cessions intrafamiliales), qui entreraient en vigueur à compter du 1er janvier 2014.
Les OPCVM, dont le régime d'imposition des plus-values de cession a fait couler tant d'encre d'imprimante (lire, Retenue à la source sur les dividendes de source française versés à des OPCVM étrangers : les juges se prononcent sur un contentieux de masse - Questions à Séverine Lauratet, Laurent Leclercq et Yves Robert, Fidal, Direction internationale, Lexbase Hebdo n° 488 du 6 juin 2012 - édition fiscale N° Lexbase : N2226BTM et cf. l’Ouvrage "Droit fiscal" N° Lexbase : E4083AEX), entreraient dans le champ de cette réforme, que les porteurs de titres soient des résidents fiscaux français ou non-résidents, particuliers ou professionnels.
Réforme du régime d'imposition des plus-values immobilières (article 18)
La fiscalité immobilière est un tel imbroglio de mesures qu'elle effraie ceux qui n'y connaissent rien et appâte ceux qui s'y connaissent bien. En effet, la superposition des réduction d'impôt, chacune correspondant à une aide précise, la suppression et le remplacement des dispositifs, qui contiennent des conditions toujours plus strictes et toujours plus nombreuses, rendent cette matière compliquée et indigeste.
Néanmoins, le Gouvernement s'efforce de créer un "choc d'offre" (le fameux), encourageant les propriétaires à remettre sur le marché leurs biens et à la réalisation de travaux. Ainsi, s'agissant des cessions de terrains à bâtir, l'abattement pour durée de détention sera supprimé à compter du 1er janvier 2014 pour la détermination des plus-values imposables afférentes à de tels biens. S'agissant des cessions de biens autres que des terrains à bâtir, le projet propose d'appliquer la cadence et le taux de l'abattement pour durée de détention rendus applicables par instruction fiscale dès le 1er septembre (lire N° Lexbase : N8350BTG). La réforme repose sur l'instauration d'un abattement pour durée de détention de 6 % au-delà de la cinquième année de détention, puis un abattement de 4 % au titre de la vingt-deuxième année de détention révolue, conduisant ainsi à une exonération totale des plus-values immobilières à l'impôt sur le revenu au terme de vingt-deux ans de détention (contre ce qui est aujourd'hui prévu à l'article 150 VC du CGI (N° Lexbase : L1168ITG), c'est-à-dire une exonération à compter de 30 ans de détention). Au niveau des cotisations sociales, la réforme aboutit à une exonération au terme de trente ans de détention, avec un rythme d'abattement global constant n'incitant pas à la rétention : il serait appliqué un abattement de 1,65 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième année, puis de 1,60 % au titre de la vingt-deuxième année de détention et enfin de 9 % pour chaque année de détention au-delà de la vingt-deuxième année.
En outre, et afin de créer ce "choc d'offre", un abattement exceptionnel de 25 % est applicable depuis le 1er septembre 2013, et pour une durée d'un an, pour la détermination de l'assiette imposable des plus-values immobilières tant à l'impôt sur le revenu qu'aux prélèvements sociaux. Le dispositif ne porte que sur la cession des immeubles bâtis.
Malgré tous les reproches que l'on peut adresser à la fiscalité immobilière, il faut saluer cette "réforme" (le mot est un peu trop dithyrambique) qui sécurise le droit existant mais dont la source est très contestée (le nouveau régime d'abattement instauré par l'administration fiscale) et, si le mot "choc d'offre" subira les mêmes critiques que le mot "réforme", il faut saluer cet abattement exceptionnel, qui pourra créer des opportunités pour certains. Attention toutefois aux effets d'aubaine que génèrent, la plupart du temps, ce type de mesure ponctuelle.
B - Les défauts du PLF 2014
Abaissement du plafond de l'avantage procuré par le quotient familial (article 3)
Cette mesure frappe les familles, ceux qui ont procréé en France, lui offrant son rang de premier pays d'Europe en termes de taux de natalité, et les frappe durement. Alors que le plafonnement des effets du quotient familial avait déjà été abaissé, passant de 2 336 à 2 000 euros par demi-part, par la loi de finances rectificative pour 2012 (loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012), il est prévu un nouvel abaissement, encore plus draconien ; le plafonnement passe de 2 000 à 1 500 euros par demi-part. En outre, l'avantage maximum en impôt procuré par la part de quotient familial attachée au premier enfant à charge accordée aux contribuables célibataires ou divorcés vivant seuls ayant des enfants à charge est abaissé du même montant, soit de 4 040 à 3 540 euros.
En revanche, le montant du plafonnement général des effets du quotient familial pour chaque demi-part accordée en application des dispositions particulières liées à la situation du contribuable (anciens combattants, invalides, maintien du quotient conjugal des veufs en cas d'enfant à charge) est inchangé. Pour compenser les effets du plafonnement, l'avantage en impôt procuré par chacune de ces demi-parts additionnelles est maintenu par la majoration des réductions d'impôt complémentaires.
Le gain budgétaire attendu par cette mesure est de 1,03 milliards d'euros. Cette somme, à ajouter dans les caisses de l'Etat, se déduit mathématiquement du pouvoir d'achat. L'Etat semble continuer à croire en la technique de la ponction fiscale pour rétablir les finances publiques, malgré les cris d'alerte de la profession dans sa quasi-totalité, appelant à la dynamisation du budget par l'attraction de capitaux étranger et la relance de la croissance (alimentée par... le pouvoir d'achat).
Suppression de la réduction d'impôt pour frais de scolarité (article 4)
La suppression de la réduction d'impôt sur le revenu pour frais de scolarité dans l'enseignement secondaire et supérieur aura fait plus de bruit que la nouvelle taxe sur l'EBE prévue par le projet de loi de finances (voir infra).
Le Gouvernement considérant que cette dépense est inefficace, et le dispositif redondant avec d'autres dispositifs (majorations de quotient familial attribuées aux enfants à charge ou rattachés lorsqu'il s'agit d'enfants majeurs âgés de moins de 25 ans poursuivant leurs études, majoration des allocations familiales pour enfant de plus de 14 ans, allocation de rentrée scolaire et bourses sur critères sociaux), il a souhaité supprimer cette mesure. Futur feu l'article 199 quater F du CGI (N° Lexbase : L3448HLB) prévoit encore aujourd'hui une réduction de 153 euros par enfant fréquentant un lycée d'enseignement général et technologique ou un lycée professionnel et 183 euros par enfant suivant une formation d'enseignement supérieur. Ces petites réductions d'impôt sont évidemment pénalisantes pour les familles les plus modestes, qui ne peuvent pas payer et l'impôt et les études de leurs enfants.
Suppression de l'exonération fiscale de la participation de l'employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé (article 5)
La santé. Il paraîtrait que c'est le plus important pour l'être humain. De plus en plus, cette importance devient lourde à porter, car chère. Pour que tout le monde ait accès à la couverture complémentaire santé, il a fallu baisser ses avantages. C'est la différence entre le luxe et prêt-à-porter : on est obligé de choisir entre qualité et quantité. Le Gouvernement choisit la quantité. Il est tout à fait normal que chacun ait le droit d'être soigné correctement dans un pays comme la France. Seulement voilà : alors que l'impôt ne se prélève pas à la source, l'assurance maladie ponctionne sévèrement les salaires des travailleurs. Ainsi en va-t-il de cette mesure qui prévoit que les avantages fiscaux et sociaux attachés aux contrats complémentaires collectifs obligatoires en santé, auxquels participent les employeurs, entreront désormais dans l'assiette de l'IR.
Nombreux sont les contribuables personnes physiques salariées qui ne comprennent pas pourquoi l'Etat calcule son impôt sur une somme plus élevée que celle réellement touchée par le salarié. C'est ce que l'on appelle les "recettes artificielles", celles qui ne résultant pas d'un impôt, mais de l'abandon d'un avantage fiscal (apparemment, le fait de n'être imposé que sur une somme réellement touchée serait un avantage fiscal...).
Suppression de l'exonération d'impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille (article 6)
A compter de l'imposition des revenus de l'année 2013, les majorations de retraite ou de pension pour charges de famille seront soumises à l'impôt sur le revenu. En plein débat sur les retraites, cette mesure ne présage rien de bon. Elle devrait bénéficier au rétablissement des comptes de la branche vieillesse de la Sécurité sociale à hauteur de 1,2 milliards d'euros, argent qui ne sera donc pas touché par les bénéficiaires de ses pensions (à noter que le montant est tout de même extrêmement élevé, plus que la baisse des effets du quotient familial !). Le Gouvernement prévoit une refonte de la majoration elle-même pour la transformer progressivement, à compter des départs à la retraite postérieurs à 2020, en une majoration par enfant à caractère forfaitaire, au bénéfice des femmes dont les pensions sont, en moyenne, moins élevées.
Création d'un régime fiscal favorisant l'investissement institutionnel dans le logement intermédiaire (article 55)
C'est à nouveau un régime de fiscalité immobilière qui est créé... Le projet de loi de finances, en son article 55, veut susciter une offre locative nouvelle de logements sociaux et intermédiaires dans les zones les plus tendues du territoire. Pour réaliser cet objectif, il propose d'introduire, au bénéfice des investisseurs institutionnels, un taux réduit de TVA de 10 % pour la construction de logements intermédiaires réalisés dans le cadre d'opérations de construction mixtes, comprenant la construction d'au moins 25 % de logements sociaux, et d'exonérer temporairement ces logements de taxe foncière sur les propriétés bâties. Autant de petites mesures qui ne devraient pas révolutionner le marché, mais alourdir la compréhension de la fiscalité de l'immobilier en France.
Réforme du crédit d'impôt en faveur du développement durable (CIDD) et aménagement de l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) (article 56)
Le 21 mars 2013, le Président de la République a annoncé la mise en oeuvre d'un plan de rénovation énergétique de l'habitat, se traduisant par la rénovation de 500 000 logements par an d'ici à 2017. De nombreuses mesures ont été avancées pour atteindre ce but, dont l'optimisation du crédit d'impôt en faveur du développement durable (CIDD ; CGI, art. 200 quater N° Lexbase : L9914IW4) et de l'éco-prêt à taux zéro ("éco-PTZ" ; CGI, art. 244 quater U N° Lexbase : L7110IRR).
Concernant le CIDD, il est proposé de le simplifier, en substituant aux dix taux actuellement applicables, deux taux selon que la dépense est réalisée en action seule ou dans le cadre d'un "bouquet" de travaux. De plus, le CIDD devrait être réservé aux rénovations lourdes, c'est-à-dire dans le cadre d'un "bouquet" de travaux d'au moins deux actions. Les dépenses modestes des foyers modestes devraient toutefois ouvrir droit au crédit d'impôt (ces ménages représenteraient, selon le Gouvernement, plus de 50 % des ménages déclarant des dépenses éligibles au CIDD). Le CIDD serait, par ailleurs, recentré sur deux composantes : l'isolation thermique de l'habitat et les équipements de production d'énergie utilisant une source d'énergie renouvelable ne bénéficiant pas d'autres formes de soutien public ou peu diffusés. Par conséquent, les dépenses relatives aux équipements de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil, les appareils de régulation de chauffage ainsi que les équipements de récupération et de traitement des eaux pluviales seront exclues du dispositif. Le verdissement de la fiscalité fait ici un pas en arrière. Enfin, les propriétaires bailleurs seraient exclus du CIDD.
Il est aussi prévu de faire entrer la composition du foyer fiscal dans le calcul du plafonnement du cumul CIDD/éco-PTZ, qui s'applique aujourd'hui sous condition de ressource.
S'agissant de l'éco-PTZ, la mesure consiste à obliger les entreprises réalisant les travaux à remplir des critères de qualification pour que leurs travaux soient éligibles à l'éco-PTZ. Par ailleurs, afin de faciliter la réalisation de travaux de rénovation lourde dans les copropriétés, il est proposé de porter la durée maximale de réalisation des travaux de deux à trois ans pour les éco-PTZ accordés à des syndicats de copropriétaires. Corrélativement, l'éco-PTZ est prorogé jusqu'au 31 décembre 2015, en cohérence avec l'échéance du CIDD, également fixée à cette date.
Octroi aux départements d'une faculté temporaire de relèvement du taux des droits de mutation à titre onéreux (article 58)
Le projet de loi de finances pour 2014 permet aux conseils généraux de porter de 3,80 % à 4,50 % le plafond maximal du taux de taxe de publicité foncière ou du droit d'enregistrement sur les actes civils et judiciaires translatifs de propriété ou d'usufruit de biens immeubles à titre onéreux (CGI, art. 683 N° Lexbase : L7771HLE) pour les mutations intervenues entre le 1er mars 2014 et le 29 février 2016. Cette mesure est bienvenue pour les départements, mais elle alourdit le poids de la fiscalité des actes de mutation à titre onéreux, alors que la "réforme" de l'immobilier tente de l'alléger...
II - Les mesures frappant les entreprises
A - Les qualités du PLF 2014
Amortissements accélérés des robots acquis par des PME (article 12)
La technologie. L'avenir. Le futur. Les robots. Ces mots, d'abord usés par la science-fiction, et qui deviennent réalité aujourd'hui, prennent, en matière de droit fiscal, des teintes avantageuses. En effet, le Gouvernement prévoit, dans cet article 12 du projet de loi de finances pour 2013, d'accompagner les PME qui investissent entre le 1er octobre 2013 et le 31 décembre 2015 dans le domaine de la robotique industrielle, en leur permettant d'amortir ces immobilisations sur une période de 24 mois. La définition des robots industriels est celle retenue par l'organisation internationale de normalisation, dans la norme ISO 8373.
La mesure serait placée sous l'encadrement prévu par le règlement de minimis, afin d'assurer sa compatibilité avec le droit de l'Union européenne.
Suppression de dépenses fiscales inefficientes ou inutiles (article 17)
Il y a eu des rapports, des articles, des commissions, des voix qui se sont élevés contre les niches fiscales, qui polluent la fiscalité française. Les niches fiscales sont utiles en ce qu'elles encouragent un comportement que l'Etat juge avantageux pour son économie, globale ou (le plus souvent) parcellaire. Le problème, c'est que l'Etat est très inspiré, et que sa création de niche est impressionnante, sans que celles, devenues, par l'effet du temps, obsolètes, ayant rempli leur office, soient libérées du fardeau d'une vie sans but. C'est pourquoi l'article 17 du projet de loi de finances pour 2014 propose d'"euthanasier" ces mesures errantes. Les contribuables qui continuent d'en bénéficier subiront, malheureusement pour eux, la hausse d'impôt correspondante, mais il faut tout de même saluer toute mesure de simplification efficace prise dans ce projet de texte, qui par ailleurs se plaît à alourdir la matière fiscale, déjà très indigeste.
Ainsi, seront supprimés :
- la provision pour risques afférents aux opérations de crédit à moyen et à long terme ainsi qu'aux crédits à moyen terme résultant de ventes ou de travaux effectués à l'étranger (CGI, art. 39, 1, 5°, al. 15 N° Lexbase : L3894IAH) ;
- la provision pour reconstitution des gisements de substances minérales solides (CGI, art. 39 ter B N° Lexbase : L1780HNA) ;
- l'exonération des plus-values résultant de la cession des actions ou des parts de sociétés conventionnées, sous condition de réemploi et d'affectation à l'amortissement de nouvelles participations (CGI, art. 40 quinquies N° Lexbase : L1481HLG) ;
- l'exonération d'impôt sur le revenu du salaire différé de l'héritier de l'exploitant agricole ainsi que les exonérations corrélatives de cotisation sociale généralisée et de contribution au remboursement de la dette sociale (CGI, art. 81, 3° N° Lexbase : L9930IWP et CSS, art. L. 136-2, III, 3° N° Lexbase : L0134IWU) ;
- l'exonération d'impôt sur le revenu de l'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine (CGI, art. 81, 9° septies et C. act. soc. fam., art. L. 117-3, al. 9 N° Lexbase : L9008IDY) ;
- l'exonération dans la limite de 1 550 euros des rémunérations perçues par l'ancien chef d'entreprise pour la formation du repreneur (CGI, art. 93, 7 N° Lexbase : L5445IR4) ;
- l'exonération d'impôt sur le revenu des intérêts des sommes inscrites sur un livret d'épargne entreprise (CGI, art. 157, 9° quinquies N° Lexbase : L5708IXP) ;
- l'imputation des déficits réalisés par une succursale ou une filiale située à l'étranger par une petite et moyenne entreprise française (CGI, art. 209 C N° Lexbase : L5720IX7 ; nous pouvons regretter la fin de cette mesure) ;
- l'amortissement exceptionnel égal à 50 % du montant des sommes versées pour la souscription au capital des sociétés d'investissement régional et des sociétés d'investissement pour le développement rural (CGI, art. 217 quaterdecies N° Lexbase : L5128IMU).
Par ailleurs, le projet de texte prévoit de recentrer le régime fiscal des monuments historiques régi par l'article 156 du CGI (N° Lexbase : L1164ITB) en réservant le bénéfice des modalités dérogatoires de prise en compte des charges foncières aux charges supportées à raison des seuls immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ou bénéficiant du label "Fondation du patrimoine".
Mesures de simplification de l'assiette du crédit d'impôt recherche : dépenses relatives aux "jeunes docteurs" et frais afférents aux titres de propriété industrielle (article 54)
Le crédit d'impôt recherche (CIR ; CGI, art. 244 quater B N° Lexbase : L0202IWE) est une mesure très populaire en France. Il pèse fortement sur le budget de l'Etat, et les abus sont nombreux, mais il encourage aussi les entreprises à se lancer dans la recherche, à trouver des solutions aux problèmes rencontrés aujourd'hui, dans tous les domaines ou presque, et cette mesure ne peut pas être remise en cause. Heureusement, ce n'est pas le but du projet de loi de finances pour 2014, qui prévoit au contraire de simplifier l'assiette du CIR.
Ainsi, sera redéfinie, l'une des conditions pour bénéficier d'un doublement d'assiette pour l'embauche d'un jeune docteur, relative au maintien de l'effectif salarié dans l'entreprise (condition prévue aux b et 3 du c du II de l'article 244 quater B). Cette condition est en effet recentrée sur le maintien du personnel de recherche de l'entreprise, afin de ne pas pénaliser les entreprises qui connaîtraient des difficultés sur le plan économique et seraient contraintes de réduire certains de leurs effectifs, mais qui poursuivraient leur effort de recherche et développement (R&D). De plus, les règles de territorialité afférentes aux dépenses de protection des droits de propriété industrielle éligibles au CIR sont simplifiées et harmonisées. En effet, ces règles diffèrent actuellement selon la nature des dépenses exposées (frais de prise et de maintenance ou frais de défense des titres de propriété industrielle) et la nature des opérations réalisées (travaux de recherche ou d'innovation). Un seul et même régime de territorialité pour ces dépenses devrait être créé.
Aménagement de la cotisation foncière des entreprises due par les petites entreprises (article 57)
C'est l'article maudit, celui que l'on retrouve à chaque loi de finances, initiale ou rectificative : celui concernant la CFE.
Cet article crée un nouveau barème de fixation du montant de la base minimum de CFE :
- comprenant six tranches au lieu de trois, afin de distinguer trois sous-catégories dans l'actuelle catégorie des contribuables réalisant moins de 100 000 euros de chiffre d'affaires ou de recettes et de distinguer deux sous-catégories dans l'actuelle catégorie des contribuables réalisant plus de 250 000 euros de chiffre d'affaires ou de recettes ;
- présentant de nouveau seuils ("plafonds") de fixation du montant de la base minimum, qui permet de fixer des montants de base minimum davantage proportionnés aux capacités contributives des redevables.
Le nouveau barème offre aussi aux collectivités la possibilité de prendre en compte la situation particulière des titulaires de BNC, avec la réduction de moitié des limites des six tranches de chiffre d'affaires ou de recettes.
Le nouveau barème serait donc le suivant, étant entendu qu'il appartiendra aux collectivités concernées de mettre en place, par délibération, le barème spécifique aux redevables titulaires de BNC :
Montant du chiffre d'affaires ou des recettes de la généralité des redevables | Montant du chiffre d'affaires ou des recettes des redevables titulaires de BNC | Montant de la base minimum compris |
Moins de 10 000 euros | Moins de 5 000 euros | Entre 215 et 500 euros |
Entre 10 000 et 32 600 euros | Entre 5 000 et 16 300 euros | Entre 210 et 1 000 euros |
Entre 32 600 et 100 000 euros | Entre 16 300 et 50 000 euros | Entre 210 et 2 100 euros |
Entre 100 000 et 250 000 euros | Entre 50 000 et 125 000 euros | Entre 210 et 3 500 euros |
Entre 250 000 et 500 000 euros | Entre 125 000 et 250 000 euros | Entre 210 et 5 000 euros |
Plus de 500 000 euros | Plus de 250 000 euros | Entre 210 et 6 500 euros |
Il s'appliquera à compter de la CFE due au titre de 2014 en cas de délibération prise avant le 21 janvier 2014.
De plus, cet article prévoit la reconduction, pour la CFE 2013, du dispositif de prise en charge par les collectivités d'une partie de la CFE 2012 instauré par l'article 46 de la dernière loi de finances rectificative pour 2012 (loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 N° Lexbase : L7970IUQ) : les collectivités qui le souhaitent pourront donc prendre en charge, pour la part leur revenant, tout ou partie des hausses de CFE minimum 2013 consécutives à des hausses de base minimum décidées en 2011 ou en 2012.
En outre, il est prévu que les redevables domiciliés fiscalement au lieu de leur habitation et qui ne disposent d'aucun local soient imposés sur la base minimum, à l'instar de ce qui est prévu pour les domiciliations commerciales (CGI, art. 1647, II N° Lexbase : L0194IW4).
Enfin, il est proposé de supprimer l'exonération temporaire de CFE prévue en faveur des auto-entrepreneurs pour les deux années suivant celle de la création de leur entreprise. Les auto-entrepreneurs seront désormais soumis au même régime de CFE que les autres redevables de taille comparable. Cette mesure rejoint celles prévues dans le projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises : dispositions relatives à l'auto-entreprise, actuellement en discussion, qui souhaite aligner le régime des auto-entrepreneurs sur le droit commun (lire N° Lexbase : N8441BTS). Toutefois, les auto-entrepreneurs ayant bénéficié, au titre de l'année 2013, de leur première année d'exonération demeureront exonérés de CFE au titre de l'année 2014.
B - Les défauts du PLF 2014
Taxe exceptionnelle de solidarité sur les hautes rémunérations versées par les entreprises (article 9)
L'exception est en train de devenir la règle. En France, on assiste aujourd'hui, et depuis deux ans, à une véritable dichotomie du traitement des grosses entreprises et des PME. Les entreprises dont la taille est jugée importante deviennent la cible d'une multitude mesures fiscales temporaires mais prorogées sans cesse, et de taxes "exceptionnelles". Le projet de loi de finances pour 2014 en prévoit encore une, alors que l'article suivant prône une "réforme" (le pouvoir doit cesser de vider les mots de leur substance, et de réduire à l'état de banalité un terme qui faisait frémir le peuple du temps de la Révolution française) de l'IS en supprimant l'IFA et... en instaurant une nouvelle taxe.
La taxe "exceptionnelle" ainsi instaurée est supportée par les entreprises versant des rémunérations supérieures à un million d'euros à leurs dirigeants et salariés. Elle est assise sur la fraction de la rémunération supérieure à un million d'euros par an versée aux salariés et dirigeants. Son taux est fixé à 50 % (et non à 75 %), et la contribution est plafonnée à 5 % du chiffre d'affaires de l'entreprise. L'exception viendrait de la ponctualité de la mesure, applicable uniquement aux rémunérations acquises ou attribuées en 2013 et 2014. A noter que les clubs de football seraient concernés par cette mesure (dixit Valérie Fourneyron, ministre des Sports, dans une interview accordé au Figaro et publiée le 30 septembre 2013).
Instauration d'une contribution sur l'excédent brut d'exploitation pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (article 10)
L'article 10 du projet de loi de finances pour 2014 est l'article "star" du texte. Le 11 septembre 2013, il avait été annoncé une baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, ce qui avait ravi la profession de fiscaliste, et devait s'accompagner de la suppression de diverses petites taxes, réunies en une seule nouvelle taxe, portant, cette fois, non pas sur le chiffre d'affaires (ce qui, économiquement, n'a pas de sens), mais sur l'excédent brut d'exploitation. Qu'est-ce que l'excédent brut d'exploitation ? En vulgarisant, il est possible de l'identifier à la marge bénéficiaire de l'entreprise (valeur ajoutée - frais de personnels et impôts). Il est plus cohérent de taxer l'EBE que le chiffre d'affaires, qui ne fait totalement abstraction des charges de l'entreprise. Toutefois, certains secteurs, à haute valeur ajoutée (et donc à marge plus élevée), sont en colère, notamment les banquiers et les opérateurs.
La nouvelle taxe sur l'EBE, au taux de 1 %, est applicable aux entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d'euros (ce qui exclut les PME). L'IFA est supprimée. Toutefois, la baisse de l'IS, qui avait pu créer quelques sentiments d'allégresse chez certains, n'est pas reprise dans le projet de loi. L'allégresse tombe en déception. Cette nouvelle taxe ne permet donc pas au Gouvernement d'effectuer une réforme à recettes constantes, mais d'obtenir des recettes supplémentaires, sans contreparties pour les entreprises, asphyxiées par l'impôt.
Réforme du régime de défiscalisation des investissements productifs et des logements sociaux outre-mer (article 13)
Stations touristiques, points d'ancrage militaire, réserve écologique et de biodiversité, les outremers ont de nombreux atouts, très appréciés, mais qui coûtent cher à l'Etat français. En effet, ces territoires, lointains, exotiques, souvent insulaires, ont du mal à atteindre le niveau économique de la métropole. Cette dernière est donc venue à leur secours, avec une série de mesures dont l'efficacité est parfois contestée, et qui sont, en tout cas, très nombreuses et anciennes. Afin de moderniser ces régimes fiscaux, le projet de loi de finances pour 2014 prévoit d'encadrer les dispositifs existants afin de les rendre plus efficients, en diminuant l'assiette éligible en cas d'investissement de renouvellement, en augmentant le taux de rétrocession minimal légal de l'avantage fiscal, lorsque l'investissement est réalisé par une structure qui le donne en location à l'entreprise exploitante ou encore en prévoyant, pour le logement social, que les acquisitions ou constructions de logements doivent être financées par un montant minimal de subvention publique.
Malheureusement, cet imbroglio juridique est rendu encore plus compliqué avec l'instauration de deux nouveaux dispositifs dont l'objet principal est d'attribuer directement l'avantage fiscal à l'exploitant, ou aux organismes de logements sociaux, ultra-marins. Il s'agit, encore une fois, d'un régime immobilier spécial... Ces nouveaux dispositifs prendraient la forme de deux crédits d'impôt applicables pour l'un aux investissements productifs (CGI, art. 244 quater W, nouveau), pour l'autre aux investissements dans le logement social (CGI, art. 244 quater X, nouveau). Ces crédits d'impôt reprendraient les principales caractéristiques des mécanismes d'aides fiscales à l'investissement outre-mer actuellement applicables, notamment en matière de secteurs éligibles, d'assiette, de fait générateur, d'agrément et de conditions de reprise de l'avantage fiscal, ou, pour le logement social, en ce qui concerne les conditions qui doivent être satisfaites par les logements et les modalités de location auprès des personnes qui les occupent, ou encore en ce qui concerne l'assiette, le fait générateur, l'agrément et les conditions de reprise de l'avantage fiscal. Une répétition donc. Il n'est pas utile d'aller plus avant dans l'examen de ces deux crédits d'impôt, dont la complexité générera sûrement de nombreux amendements et de nombreux débats. Il y a fort à parier que les régimes finaux seront forts différents de ceux proposés dans le projet de texte.
Lutte contre l'optimisation fiscale au titre des produits hybrides et de l'endettement artificiel (article 14)
Les produits hybrides (qui permettent une double exonération) sont la cible de l'OCDE (voir le rapport de mars 2012 de l'Organisation) et des droits nationaux.
Le projet de loi de finances pour 2014 s'intègre dans cette logique en supprimant la déduction des intérêts d'emprunts versés à des sociétés liées lorsque ces mêmes intérêts ne sont pas soumis chez l'entreprise prêteuse à une imposition au moins égale au quart de celle déterminée dans les conditions de droit commun, que cette entité prêteuse soit ou non résidente de France. De plus en plus, cette technique fiscale d'imposition en cas de non-imposition dans l'entreprise partenaire, courante en matière de fiscalité internationale (la plupart des conventions fiscales prévoient que si un revenu n'est pas imposé dans un Etat, il l'est dans l'autre), se répand, et cet article 14 en est un nouvel exemple. Originalité de la mesure : il s'applique aussi en fiscalité interne, puisque l'entreprise partenaire doit être soumise à l'impôt, qu'elle soit ou non résidente de France. Cette mesure ne porte pas le flanc à la critique, l'objectif étant de lutter contre les montages artificiels qui, s'ils sont très pratiques, et relèvent de l'habileté fiscale (et non pas de l'abus de droit), n'e restent pas moins artificiels.
Mesures de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales : prix de transfert (article 15)
Les prix de transfert n'ont pas été mis sur le devant de la scène française depuis quelques temps, les intérêts et la sous-capitalisation ayant eu la part belle de l'attention du législateur pendant de nombreux mois. L'OCDE est restée très active en ce domaine (pour s'en convaincre, lire N° Lexbase : N8694BT8). Dans la lignée des progrès de l'Organisation dans ce domaine, l'article 15 prévoit que lorsque, postérieurement au transfert de fonctions ou de risques à une entreprise liée (opérations dites de "business restructuring"), son excédent brut d'exploitation est réduit d'au moins 20 %, l'entreprise qui procède au transfert sera désormais tenue de démontrer qu'elle a bénéficié d'une juste contrepartie financière. A cet effet, elle fournira toutes les informations relatives aux entités prenant part à ces transactions permettant de justifier le juste niveau de rémunération alloué avant et après le transfert de fonctions ou de risques. C'est donc à nouveau l'arme procédurale qui est brandie : l'obligation d'information gagne du terrain chaque jour, embarrassant les entreprises, et le renversement de la charge de la preuve et cette présomption de culpabilité, qui pèse déjà sur beaucoup d'opérations effectuées avec l'étranger, s'étend, et mine le moral des entrepreneurs. Si les paradis fiscaux sont de moins en moins forts (paraît-il), les enfers fiscaux semblent devenir la norme...
III - Les mesures relatives à la TVA
Baisse du taux de TVA applicable aux entrées dans les salles de cinéma (article 7)
Le 7ème art aurait dû être le plus accessible. Or, le prix des places de cinéma ne justifie plus que l'on n'attende pas pour voir un film, ou qu'on ne le télécharge pas (légalement ou illégalement d'ailleurs). L'article 7 du projet de loi de finances pour 2014 évite la énième hausse du prix du ticket de cinéma, qui aurait dû se produire le 1er janvier 2014, par effet de l'application de l'article 68 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012, de finances rectificative pour 2012. En effet, cet article porte le taux de TVA intermédiaire de 7 % à 10 % à compter du 1er janvier 2014. Il abaisse aussi le taux réduit de 5,5 % à 5 %. C'est ce dernier taux qui devrait s'appliquer aux entrées de cinéma, à compter du 1er janvier 2014. Un alignement bienvenu sur le régime de TVA des entrées dans les spectacles vivants (spectacles de théâtres et concerts). Pour autant, cette baisse sera-t-elle répercutée sur le consommateur ? Probablement autant que dans le domaine de la restauration...
Instauration de l'auto-liquidation de la TVA dans le secteur du bâtiment et création d'un mécanisme de réaction rapide en cas de risque de fraude (article 16)
La France a connu l'humiliation d'être réprimandée par la Commission en matière de fraude à la TVA. Notre pays, inventeur de la neutralité de la TVA, fier de cette trouvaille qui le place en exemple pour les autres, serait un mauvais élève. En effet, les Français sont joueurs, souvent mauvais joueurs d'ailleurs, et ne résistent que rarement à la tentation de profiter du système. La TVA offre le genre d'opportunité que seuls offrent les impôts permettant de demander un remboursement à l'Etat. Ainsi, dans une récente étude, la Commission européenne accuse la France de perdre près de 193 milliards d'euros de recettes de TVA en 2011 (lire N° Lexbase : N8623BTK), ce que la France réfute.
L'Etat français reconnaît tout de même qu'il faut endiguer la fraude à la TVA, qui est répandue. C'est ainsi que le projet de loi de finances pour 2014 prévoit l'instauration d'un mécanisme d'auto-liquidation de la TVA dans le secteur du bâtiment, afin de lutter contre la fraude à la TVA réalisée par le biais des nombreuses entreprises sous-traitantes éphémères (qui sera codifié au 2 nonies de l'article 283 du CGI N° Lexbase : L0278IW9).
De plus, un mécanisme de réaction rapide en cas de fraude dite "carrousel" à la TVA (la plus spectaculaire et lucrative ; codifiée au 2 decies de l'article 283 du CGI). Le Gouvernement rappelle que la fraude à la TVA de grande ampleur survenue en Europe en 2008-2009 sur le marché d'échange des quotas d'émission de gaz à effet de serre, puis celle détectée plus récemment en France sur les marchés du gaz naturel, de l'électricité et des services de communications électroniques. Elle a conduit les Etats membres à se doter d'un mécanisme de réaction rapide de lutte contre la fraude à la TVA. Adopté le 22 juillet 2013, ce mécanisme, codifié à l'article 199 ter de la Directive 2006/112/CE, relative au système commun de la TVA (N° Lexbase : L7664HTZ), autorise un Etat membre à mettre en place dans son droit national un dispositif ciblé d'autoliquidation de TVA, dans un délai resserré d'un mois à compter de la notification de la mesure envisagée à la Commission européenne, pour empêcher une fraude à la TVA soudaine, massive et susceptible d'entraîner des pertes financières considérables et irréparables. Cette mesure a pour objet de donner une base légale aux mesures nationales d'autoliquidation de la TVA que la France pourrait être amenée à prendre dans l'urgence soit pour appliquer la décision de la Commission soit dans un domaine pour lequel la Directive donne la possibilité aux Etats membres d'appliquer sans autorisation préalable cette inversion du redevable. Afin de donner sa pleine portée en France à cette nouvelle procédure communautaire et de permettre une entrée en vigueur rapide de mesures nationales prises en application de celle-ci, l'article 16 permet au ministre chargé du Budget de prévoir, par arrêté, que la taxe est acquittée par l'assujetti destinataire des biens ou preneur des services lorsqu'il existe une urgence impérieuse résultant d'un risque de fraude à la TVA soudaine, massive et susceptible d'entraîner des pertes financières considérables et irréparables.
Abaissement du taux de TVA applicable à la construction et à la rénovation de logements sociaux (article 19)
L'immobilier aura eu la part belle de ce projet de loi de finances pour 2014, avec un nombre de mesures qui dépasse celui réservé aux autres matières du droit fiscal.
C'est ainsi que l'article 19 abaisse de 10 % à 5 %, à compter du 1er janvier 2014, le taux réduit de TVA applicable aux opérations de construction et de rénovation de logements sociaux, et d'accession à la propriété pour les ménages modestes.
Seront donc soumises au taux de 5 % :
- les opérations de livraisons de terrains à bâtir et les livraisons de logements sociaux neufs à usage locatif consenties aux bailleurs sociaux (organismes d'habitation à loyer modéré ou autres) ;
- les livraisons de logements sociaux destinés aux structures d'hébergement temporaire ou d'urgence ainsi que les livraisons de logements sociaux à usage locatif ou de logements à usage locatif situés en zone de rénovation urbaine destinés à l'Association foncière logement ;
- les apports des immeubles sociaux neufs aux sociétés civiles immobilières d'accession progressive à la propriété, certaines cessions de droits immobiliers démembrés de logements sociaux neufs à usage locatif, sous conditions ;
- les livraisons à soi-même d'immeubles dont l'acquisition aurait bénéficié du taux réduit en application de ces dispositions.
Par ailleurs, le bénéfice du taux réduit de 5 % est étendu aux travaux de rénovation dans les logements sociaux dont l'objet est de concourir à la réalisation d'économie d'énergie, à l'amélioration de l'accessibilité aux personnes handicapées, à la mise aux normes des logements et des immeubles, ainsi qu'à la protection des populations et des locataires.
Ces dispositions s'appliquent aux opérations dont le fait générateur intervient à compter du 1er janvier 2014 avec toutefois, des dispositions d'entrée en vigueur particulières pour certaines opérations d'ores et déjà lancées.
Enfin, concernant le dispositif de reversement de la TVA liée au non assujettissement à la TVA des livraisons d'immeubles dans les cinq ans suivant l'achèvement, réalisées par des particuliers, lorsque ces derniers ont acquis leur logement en l'état futur d'achèvement, la condition de durée de détention du bien, prévue en cas d'acquisition en zone ANRU pour bénéficier du taux réduit de la TVA, est ramené à 10 ans au lieu de 15 ans. De plus, l'abattement d'un dixième accordé par année de détention s'applique dès la première année suivant l'achèvement de l'immeuble et non plus à compter de la cinquième.
Encore un dispositif compliqué, créant des "effets d'aubaine" ponctuels, venant compliquer la fiscalité immobilière, ce qui, contrairement à ce que croient les ministres, a plutôt tendance à faire fuir les investisseurs, qui pâlissent au fur et à mesure de l'énoncé par leur conseil (sans qui ils ne comprendraient rien aux mesures) des conditions à respecter pour obtenir un avantage qui n'est parfois pas en accord avec l'investissement projeté.
IV - Les taxes diverses
Alors que les arbres commencent doucement à perdre leurs feuilles, la matière fiscale voit naître des bourgeons : le verdissement de la fiscalité serait en marche. Concession faite aux écologistes, qui n'en sont d'ailleurs pas satisfaits, dans une période de crise économique qui laisse peu de place à la sauvegarde de la planète, quand la sauvegarde de l'Etat est en jeu, le verdissement ne passera pas par la plantation de nouvelles graines : aucune nouvelle taxe n'est créée. Toutefois, les dispositifs existants sont renforcés, ou réorientés. Au passage, l'Etat récoltera ses fruits.
Aménagement des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques (article 20)
Le Gouvernement part de ce constat : les taxes intérieures sur la consommation (TIC) des énergies fossiles constituent aujourd'hui la quatrième recette de l'Etat (13,7 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale pour 2013), mais leur tarif tient trop peu compte des émissions carbone liées à la combustion de ces différents produits.
Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit donc une augmentation des taux de TIC progressive et proportionnée au contenu en dioxyde de carbone (CO2) des différents produits énergétiques. La valeur de la tonne carbone, nouvel élément pris en compte dans le calcul de la taxe, sera, par tonne, de 7 euros en 2014, 14,5 euros en 2015 et 22 euros en 2016. Les produits les plus touchés seront le gaz naturel, le fuel lourd et le charbon.
Le rendement attendu de cette mesure est de 340 millions d'euros en 2014, 2,5 milliards d'euros en 2015, puis 4 milliards d'euros en 2016.
Introduction de nouvelles substances donnant lieu à assujettissement à la TGAP Air (article 21)
Cet article 21 étend l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes à sept nouvelles substances : plomb, zinc, chrome, cuivre, nickel, cadmium et vanadium. Cette mesure est prise afin de répondre aux objectifs de la Directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008, concernant la qualité de l'air ambiant et un air pur pour l'Europe (N° Lexbase : L9078H3M), en vue de réduire les nuisances liées à l'émission de ces polluants.
Suppression progressive de la défiscalisation des biocarburants et modification du régime de TGAP biocarburants (article 22)
Très simplement, l'article 22 prévoit de défiscaliser progressivement les biocarburants, en les faisant sortir de l'assiette de la taxe intérieure sur la consommation. Cette défiscalisation est progressive, car il s'agit d'abord de réduire la taxe en 2014 et 2015, et de la supprimer à compter de 2016. Par ailleurs, il est prévu de pérenniser la réduction de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) encourageant l'incorporation de biocarburants durables dans le carburant. L'article 266 quindecies du Code des douanes (N° Lexbase : L0369IWL) devrait être simplifié, pour renvoyer la liste des biocarburants éligibles à la minoration de TGAP à un arrêté interministériel de manière à permettre l'inclusion de nouveaux biocarburants, notamment les biocarburants avancés (matières ligno-cellulosiques, micro-organismes marins, etc.) au fur et à mesure de leur développement, sans recourir systématiquement à la loi. Enfin, le projet de loi vise à mettre en conformité le dispositif relatif au double comptage de certains biocarburants avec le droit de l'Union européenne.
Relèvement du taux de la taxe de risque systémique (article 23)
Wall Street, les traders, la spéculation, l'éclatement des bulles... Autant de fantasmes qui ont pu être mesurés à l'épreuve de la réalité : la crise financière a plongé le monde dans l'ambiance morose que nous connaissons depuis plus de cinq ans... Lorsque la crise a commencé, les collectivités locales se sont retrouvées en première ligne, pour avoir voulu jouer dans la cour boursière et avoir perdu. Le déficit de l'Etat a durement subi ces défaites décentralisées. Dans la série de mesures prises pour sauver les collectivités territoriales, l'Etat propose la création d'un fonds de soutien pour les collectivités locales, doté de 100 millions d'euros par an pendant une durée maximale de 15 ans. L'Etat, responsable de ses collectivités, supportera la charge de ce fonds, avec le secteur bancaire, violemment pointé du doigt et tenu pour être la cause de crises dont les fondements échappent à la majorité des gens qui en subissent les conséquences. Ainsi, le secteur bancaire va connaître un relèvement de la taxe de risque systémique (CGI, art. 235 ter ZE N° Lexbase : L9631IXY), dont le taux passerait de 0,50 % à 0,529 %.
En conclusion, le Gouvernement a promis une pause fiscale qui n'existe pas. Tout le monde est concerné par les hausses d'impôt, certains par les baisses. Ces mesures s'ajoutent, en outre, à celles déjà prises antérieurement et qui entreront en vigueur au 1er janvier 2014 (lire, Projet de loi de finances pour 2014 : potins autour de la "pause fiscale", première partie de l'article, Lexbase Hebdo n° 539 du 11 septembre 2013 - édition fiscale N° Lexbase : N8437BTN). Il n'est pas question de remettre en cause le prélèvement de l'impôt, et l'augmentation ponctuelle de cet impôt en cas de difficultés passagères. Mais le "ras-le-bol" fiscal est une réalité, et l'exode fiscal une conséquence.
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