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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Mais à la surdité des personnes âgées face aux discriminations rencontrées par les jeunes générations (accès à l'emploi, accès au logement, accès aux soins) pourrait bien répondre une surdité de ces mêmes jeunes aux mêmes discriminations que leurs aînés peuvent subir. Depuis quelques années maintenant, plusieurs sociologues alertent l'opinion sur "l'égoïsme des baby-boomers" qui ne voudraient rien céder, aujourd'hui, à leurs descendants : la réforme des retraites envisagée en étant l'exemple le plus topique. Selon l'Insee (2008), le niveau de patrimoine des plus de 50 ans excède de plus de 50 % le patrimoine moyen ; et leur revenu disponible net excède de plus de 15 % le revenu moyen. Malgré la crise, l'Etat-Providence demeure généreux avec les personnes âgées et reste impuissant, pour ne pas dire insensible, face à une jeunesse que l'on dit "laissée pour compte", par pudeur. Il paraît même que "le sort des retraités français est l'un des plus enviables des pays de l'OCDE". Alors qu'il y ait par-ci, par-là, quelques "discriminations anti-vieux", il est à craindre que jeunes et, même quadras, y soient hermétiques. Il y dix ans, la canicule avait ému les consciences sur le sort des personnes fragilisées ; dans quelle entreprise respecte-t-on encore la journée de solidarité -journée de travail non obligatoire de l'aveu même du Conseil d'Etat-, plutôt que l'envisager comme une taxe sociale supplémentaire ? La société professionnelle montre combien elle néglige ses seniors, alors qu'elle se sent sacrifiée sur le plan patrimonial, sur celui du logement, sur celui de la mobilité sociale et, finalement, sur celui du "bonheur". Les atermoiements sur la mise en place d'un cinquième pilier social contre le risque de dépendance en sont une illustration. Le sentiment d'inéquité intergénérationnelle est, du même coup, partagé par les deux classes d'âge concernées.
La loi "Mermaz" qui oblige le bailleur à trouver un logement pour son locataire de plus de 70 ans, lorsqu'il entend rompre le bail, est, quoiqu'on en pense, bien plus qu'une simple mesure sociale ; c'est une mesure de solidarité intergénérationnelle de décence envers ceux qui ont loupé le coche des Trente Glorieuses. Mais, les jeunes, sans emploi pour un quart d'entre eux, surdiplômés et, pourtant, convaincus d'être à l'avenir déclassés, ne bénéficient pas de la même protection. La future loi sur le logement prévoit bien une garantie universelle et un encadrement des loyers, quand le problème concerne d'abord l'accès au logement et non le maintien dans le logement ; et quand les seniors urbains des classes moyennes supérieures vivent dans des logements sous-occupés rappelle Louis Chauvel... Selon le Professeur à Science Po, "prise dans le ciseau des salaires et du logement, la capacité [des jeunes générations] à élever leurs enfants est mise en défaut" ; et cette paupérisation menace la démocratie elle-même titre-t-il !
Pourtant, l'on sait qu'une société se juge à la manière dont elle traite à la fois les jeunes générations et les plus anciennes. Force est de constater qu'elle doit avoir du mal à trouver l'estime de soi ; le législateur peinant à éviter de plus en plus le sentiment d'un conflit intergénérationnel, alors que, bien au contraire, ces deux générations tentent d'échapper à la même précarité, aux même discriminations.... avec un net avantage tout de même pour les plus de 60 ans...
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