Le Quotidien du 20 décembre 2023 : Responsabilité

[Brèves] « Se prendre les pieds dans une racine » est-il une faute d’imprudence ?

Réf. : Cass. civ. 2, 30 novembre 2023, n° 22-13.118, F-D N° Lexbase : A509317R

Lecture: 3 min

N7776BZZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] « Se prendre les pieds dans une racine » est-il une faute d’imprudence ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/102377814-breves-se-prendre-les-pieds-dans-une-racine-estil-une-faute-dimprudence
Copier

par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Dauphine-PSL, CR2D

le 13 Décembre 2023

La Cour de cassation contrôle l’existence d’une faute d’imprudence de la victime ayant concouru à la réalisation du dommage ; tel n’est pas le cas du promeneur empruntant un parcours dangereux sur le terrain d’un propriétaire qui n’a pris aucune disposition pour empêcher ou dissuader les nombreux touristes de cheminer, par des sentiers visibles, sur sa propriété jusqu'à un lieu dangereux situé en bord de falaise.

Sauf à présenter les caractères de la force majeure, la faute de la victime ayant contribué à la réalisation de son propre dommage emporte en principe exonération partielle du responsable et permet de réduire à due concurrence le droit à dommages et intérêts dont celle-ci bénéficie à l’encontre du responsable. Comment la caractériser ?

Faits et procédure. Un promeneur a été blessé en chutant d'une hauteur de six mètres, alors qu'il se promenait sur un chemin situé sur la propriété de la Société des Îles Chausey. Il a assigné, sur le fondement de la responsabilité civile extracontractuelle, la Société des îles Chausey et son assureur.  La cour d’appel accueille la demande et prononce leur condamnation in solidum à réparer l’entier préjudice (CA Caen, 8 février 2022, n° 20/00544 N° Lexbase : A65777MK).

La société des Îles Chausey et son assureur forment un pourvoi en cassation en soutenant que la victime a commis une faute d'imprudence à l'origine de son dommage.  Elle circulait sur un étroit passage de 50 centimètres de large, bordé par des buissons, longeant de la falaise de six mètres de hauteur. La cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 1240 [LXB= L0950KZ9] et 1241 [LXB= L0949KZ8] du Code civil  en considérant qu’un procès-verbal d'huissier ne saurait constituer une preuve que le caractère dangereux du parcours était visible par tout un chacun, dans la mesure où il n'est pas établi que la victime a emprunté le même parcours que l'huissier, sans rechercher si le caractère dangereux du sentier n'était pas visible pour tout un chacun à l'endroit même où s'est produit l'accident.

Solution. La Cour de cassation rejette le pourvoi en retenant l’appréciation souveraine des juges du fond des éléments de preuve qui leur étaient soumis. La société a commis une faute de négligence en ne prenant aucune disposition pour empêcher ou dissuader les nombreux touristes de cheminer, par des sentiers visibles, sur sa propriété jusqu'à un lieu dangereux situé en bord de falaise, dès lors que la preuve de la visibilité, pour tout un chacun, du caractère dangereux du parcours effectué par la victime, n'était pas rapportée. De plus, la preuve de la maladresse de la victime, qui se serait « pris les pieds dans une racine », n'est pas rapportée, et il ne saurait lui être reproché d'avoir emprunté un sentier non balisé en l'absence de signalisation du danger des lieux ou de dispositif de nature à empêcher le passage des piétons. S’en déduit l’absence de faute de la victime ayant concouru à la réalisation du dommage.

La Cour de cassation contrôle l’existence (ou l’absence) de faute de la victime qui peut entraîner une réduction du droit à indemnisation. Elle a ainsi retenu la « très grave faute d’imprudence », ayant concouru à la réalisation du dommage, de la victime « qui avait pénétré dans une propriété dont le caractère privé ne pouvait lui échapper puisqu’elle était cernée d’un mur d’enceinte (…) » (Cass. civ. 2, 22 novembre 2012, n° 11-15.415 F-D [LXB= A4985IXW] ; v. également Cass. civ. 2, 17 janvier 2019, n° 17-27.242 F-D [LXB= A6709YTN] ; Cass. civ. 2, 16 janvier 2020, n° 19-14.821 F-D [LXB= A92743B4]).

newsid:487776

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.