Réf. : Cass. civ. 1, 15 novembre 2023, n° 22-21.174, FS-B N° Lexbase : A37871ZB, n° 22-21.180 N° Lexbase : A37901ZE, n° 22-21.179 N° Lexbase : A37921ZH et n° 22-21.178 N° Lexbase : A37961ZM, FS-D
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par Laïla Bedja
le 23 Novembre 2023
► La victime d’un dommage imputé à un produit défectueux peut agir en responsabilité contre le producteur sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, si elle établit que son dommage résulte d’une faute commise par le producteur, telle qu’un maintien en circulation du produit dont il connaît le défaut ou encore un manquement à son devoir de vigilance quant aux risques présentés par le produit.
Les faits et procédure. Dans les quatre affaires en cause, des personnes se sont vu prescrire du Mediator qui a provoqué des lésions cardiaques. L’Oniam a reconnu que les dommages étaient imputables à ce médicament commercialisé par les laboratoires Servier. Des offres d’indemnisation présentées par le producteur ont été refusées par les victimes.
Ces dernières ont assigné sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux le producteur qui a opposé la prescription. Par la suite, les demandeurs ont fondé leur action sur l’article 1240 du Code civil N° Lexbase : L0950KZ9 reprochant à la société de s’être volontairement abstenue de toute mesure pour suspendre la commercialisation du médicament et d’avoir délibérément maintenu celui-ci en circulation, alors qu’elle en connaissait la dangerosité.
La cour d’appel. Pour déclarer l’action irrecevable comme prescrite, la cour d’appel de Versailles retient, d’une part, que l’assignation a été délivrée plus de trois ans après la connaissance du dommage acquise à la date de l’avis de l’Oniam du 21 juillet 2015, d’autre part, que la faute reprochée au laboratoire, prise d'un manquement au devoir de vigilance et de surveillance du fait de la commercialisation d'un produit dont il connaissait les risques ou de l'absence de retrait du produit du marché français contrairement à d'autres pays européens, n'est pas distincte du défaut de sécurité du produit, de sorte que la responsabilité délictuelle pour faute ne saurait se substituer au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Les victimes ont alors formé un pourvoi en cassation.
La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule les arrêts rendus par la cour d’appel de Versailles. Aux termes de l’article 1245-17 du Code civil N° Lexbase : L0637KZM, transposant l'article 13 de la Directive n° 85/374/CEE, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux N° Lexbase : L9620AUT, instaurant une responsabilité de plein droit du producteur au titre du dommage causé par un défaut de son produit, les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité. Le producteur reste responsable des conséquences de sa faute et de celle des personnes dont il répond. La Cour de justice a précisé que la référence aux droits dont la victime d’un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée de la manière suivante : le régime de responsabilité sans faute mis en place par la Directive n° 85/374/CEE, qui permet à la victime de demander réparation dès lors qu’elle rapporte la preuve du dommage, du défaut du produit et du lien de causalité entre ce défaut et le dommage, n’exclut pas l’application d’autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle, reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute (CJCE, 25 avril 2002, aff. C-183/00, González Sánchez N° Lexbase : A5768AYB).
Partant, la Cour conclut que lorsque la victime ne peut plus rechercher la responsabilité du producteur, elle peut toujours introduire une action sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
Ces décisions seront commentées dans une prochaine édition de Lexbase Droit privé par Marine Susperrigui, avocate associée au Cabinet Coubris et associés.
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