La lettre juridique n°965 du 23 novembre 2023 : Congés

[Brèves] Acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour cause de maladie : renvoi de deux QPC au Conseil constitutionnel

Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2023, n° 23-14.806, FS-B N° Lexbase : A37951ZL

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[Brèves] Acquisition de congés payés pendant un arrêt de travail pour cause de maladie : renvoi de deux QPC au Conseil constitutionnel. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/101629166-brevesacquisitiondecongespayespendantunarretdetravailpourcausedemaladierenvoidedeux
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par Lisa Poinsot

le 22 Novembre 2023

Sont renvoyées devant le Conseil constitutionnel, deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives aux dispositions du Code du travail qui ne permettent pas l’acquisition de congés payés par le salarié pendant son arrêt de travail pour cause de maladie.

Faits et procédure. Une salariée, licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, s’est pourvue en cassation contre l’arrêt d’appel qui l’a déboutée de la plupart de ses demandes, notamment celle tendant au versement d’une indemnité compensatrice de congés payés de 4 semaines pendant la durée de suspension de son contrat de travail en raison d’arrêts de travail pour cause de maladie non professionnelle.

Rappel. Par trois arrêts en date du 13 septembre 2023, la Chambre sociale de la Cour de cassation a écarté le droit du travail français au profit du droit de l’Union européenne, en matière de congés payés :

  • Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.340, FP-B+R N° Lexbase : A47891GH : les salariés atteints d’une maladie ou victimes d’un accident, de quelque nature que ce soit (professionnels ou non-professionnels) ont le droit de réclamer des droits à congés payés en intégrant dans leur calcul la période au cours de laquelle ils n’ont pas pu travailler ;
  • Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-17.638, FP-B+R N° Lexbase : A47951GP : en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congés payés ne peut être limitée à un an ;
  • Cass. soc., 13 septembre 2023, n° 22-10.529, FP-B+R N° Lexbase : A47921GL : le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés doit être fixé à l'expiration de la période déterminée au cours de laquelle le salarié doit prendre ses congés payés dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement.

Par ailleurs, la CJUE a affirmé n’être pas compétente pour fixer un délai raisonnable de report du droit aux congés payés annuels. Selon elle, il appartient à l’État membre de le faire. En cas de fixation d’un délai raisonnable de report, la CJUE pourra examiner si cette durée n’est pas de nature à porter atteinte à ce droit aux congés payés annuels. La CJUE juge par ailleurs qu’en l’absence, dans le droit national, de limite temporaire expresse de report de congés payés acquis et non pris en raison d’un arrêt maladie de longue durée, rien ne s’oppose à faire droit aux demandes de congés payés annuels introduites par un travailleur moins de 15 mois après la fin de la période de référence ouvrant droit à ce congé et limitées à deux périodes de référence consécutives (CJUE, 9 novembre 2023, aff. C-271/22 N° Lexbase : A69451UR).

À l’occasion du pourvoi formé contre l’arrêt rendu par la cour d’appel, il est demandé de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ainsi rédigées :

  • question n° 1 : les articles L. 3141-3 N° Lexbase : L6946K97 et L. 3141-5, 5° N° Lexbase : L6944K93 du Code du travail portent-ils atteinte au droit à la santé et au repos garanti par le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 N° Lexbase : L6821BH4 en ce qu'ils ont pour effet de priver, à défaut d'accomplissement d'un travail effectif, le salarié en congé pour une maladie d'origine non professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés payés et le salarié en congé pour une maladie d'origine professionnelle de tout droit à l'acquisition de congés au-delà d'une période d'un an ? 
  • question n° 2 : l'article L. 3141-5, 5° du Code du travail porte-t-il atteinte au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 N° Lexbase : L1370A9M et l'article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 N° Lexbase : L7403HHN en ce qu'il introduit, du point de vue de l'acquisition des droits à congés payés des salariés dont le contrat de travail est suspendu en raison de la maladie, une distinction selon l'origine professionnelle ou non professionnelle de la maladie, qui est sans rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ?

Après avoir rappelé que les dispositions contestées étaient applicables au litige, qui concerne les conditions d'acquisition de droits à congés payés d'une salariée pour les périodes pendant lesquelles, soit elle n'a pas exécuté de travail effectif en raison de son état de santé, soit son arrêt de travail n'a pas été assimilé à du travail effectif, la Cour de cassation s’est principalement penchée sur le caractère sérieux de ces deux QPC.

Concernant la première question, elle affirme qu’en cas d’absence de la salariée de l’entreprise en raison d’un arrêt de travail pour cause de maladie, cause indépendante de sa volonté :

  • l'article L. 3141-3 du Code du travail exclut tout droit à congé payé lorsque l'arrêt de travail a une origine non professionnelle et ;
  • l'article L. 3141-5, 5° du même code ne permet pas l'acquisition de droit à congé payé au-delà d'une période ininterrompue d'un an en cas d'arrêt de travail pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle.

Sur la seconde question, la Haute juridiction considère que l'article L. 3141-5, 5° du Code du travail traite de façon différente au regard du droit à congé payé les salariés en situation d'arrêt de travail pour cause de maladie, selon l'origine, professionnelle ou non, de la situation de santé qui a justifié l'arrêt de travail.

La solution. Après l’examen de ces questions, la Chambre sociale de la Cour de cassation décide de transmettre ces deux QPC au Conseil constitutionnel.

Le Conseil constitutionnel devra donc se pencher notamment sur :

  • la constitutionnalité des articles L. 3141-3 et L. 3141-5 du Code du travail, qui ne permettent pas à un salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie d’acquérir des droits à congés payés, au regard du droit au repos ;
  • la constitutionnalité de l’article L. 3141-5, 5° du Code du travail qui permet aux salariés en situation d’arrêt de travail pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle d’acquérir des droits à congés payés, dans la limite d’une période ininterrompue d’un an, alors que ce droit n’est pas accordé en cas d’arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, au regard du principe d’égalité devant la loi.

Pour aller plus loin :

 

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