Le Quotidien du 14 novembre 2023 : Droit rural

[Brèves] Nullité du bail rural en cas de défaut d'obtention d'une autorisation d'exploiter : point de départ du délai de prescription de l’action en nullité ?

Réf. : Cass. civ. 3, 26 octobre 2023, n° 21-24.231, FS-B N° Lexbase : A42791P8

Lecture: 6 min

N7327BZE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Nullité du bail rural en cas de défaut d'obtention d'une autorisation d'exploiter : point de départ du délai de prescription de l’action en nullité ?. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/101274057-0
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

le 13 Novembre 2023

► L'action en nullité d'un bail formée sur le fondement de l'article L. 331-6 du Code rural et de la pêche maritime se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître qu'était expiré le délai imparti, dans la mise en demeure prévue par l'article L. 331-7 de ce code, au preneur contrevenant au contrôle des structures pour régulariser sa situation.

Selon l'article L. 331-6 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L6546HHW, si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L. 331-2 du même code N° Lexbase : L6544HHT, la validité du bail est subordonnée à l'octroi de cette autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de cet article dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L. 331-7 de ce code N° Lexbase : L9580HD8 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux.

Selon l'article L. 331-7 du même code N° Lexbase : L9580HD8, lorsqu'elle constate qu'un fonds est exploité contrairement aux règles du contrôle des structures, l'autorité administrative met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois. La mise en demeure prescrit à l'intéressé soit de présenter une demande d'autorisation, soit, si une décision de refus d'autorisation est intervenue, de cesser l'exploitation des terres concernées.

La Cour de cassation juge, en application de ces deux derniers textes, que l'exercice de l'action en nullité du bail rural, ouverte par l'article L. 331-6 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L6546HHW, suppose, dans tous les cas, que le locataire contrevenant au contrôle des structures ait été mis en demeure et que le délai imparti soit expiré (Cass. civ. 3, 31 octobre 2007, n° 06-19.350, FS-P+B N° Lexbase : A2394DZP ; Cass. civ. 3, 12 décembre 2012, n° 11-24.384, FS-P+B N° Lexbase : A1129IZT).

La question du délai de prescription de l’action en nullité, et plus particulièrement de son point de départ, n’avait encore jamais été soumise à la Haute juridiction.

C’est chose faite avec l’arrêt rendu le 26 octobre 2023, dans lequel la Cour suprême, après avoir rappelé qu’aux termes de l'article 2224 du Code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, vient préciser, qu’il résulte de l’ensemble de ces dispositions que l'action en nullité d'un bail formée sur le fondement de l'article L. 331-6 précité se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire de l'action a connu ou aurait dû connaître qu'était expiré le délai imparti au locataire, dans la mise en demeure prévue par l'article L. 331-7 précité, pour régulariser sa situation.

Cette précision inédite est d’importance dans un domaine où le contentieux est abondant :

  • en l’espèce, la SCEA preneuse, faisait valoir que l’action tendant à obtenir l'annulation d'un bail rural, faute pour le preneur d'avoir obtenu une autorisation d'exploiter, était prescrite, soutenant que le point de départ du délai de prescription correspondait à la date de conclusion du bail ;
  • la cour d’appel de Caen (CA Caen, 16 septembre 2021, n° 20/01154 N° Lexbase : A952244G) avait au contraire estimé que le point de départ du délai de prescription ne pouvait être fixé à la date de conclusion des contrats litigieux dès lors qu'il n'était pas contesté qu'à cette date l'EARL ayant conclu le bail disposait d'une autorisation régulière d'exploiter, et que le fait générateur constituant le point de départ du délai de prescription devait en conséquence être fixé au 29 juin 2016, date à laquelle M. A, qui exploitait déjà une superficie de 353,85 ha au sein d’une SCEA, avait repris l'exploitation des parcelles exploitées par l'EARL d'une contenance de 30,87 ha, réalisant ainsi un agrandissement susceptible de nécessiter une nouvelle autorisation d'exploiter au sens de la réglementation relative au contrôle des structures.

Or, selon la Cour de cassation, ni l’une ni l’autre de ces dates ne constituait le point de départ du délai.

Par un motif de pur droit ainsi substitué à ceux critiqués, la Cour de cassation relève que l'arrêt constatait que la demande en justice datait du 2 avril 2019 et la mise en demeure, qui avait nécessairement précédé la date à compter de laquelle le bailleur avait eu connaissance de l'expiration du délai qu'elle impartissait, du 17 décembre 2019. L'action en nullité était donc loin d’être prescrite en l’espèce.

Le délai d’exercice de l’action en nullité pour défaut d'obtention d'une autorisation d'exploiter est désormais bien encadré :

  • l’action ne peut être engagée avant que l’autorité administrative ait mis le preneur en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine et qui ne saurait être inférieur à un mois, et que le délai imparti soit expiré (v. Cass. civ. 3, 31 octobre 2007, n° 06-19.350, et Cass. civ. 3, 12 décembre 2012, n° 11-24.384, précités) ;
  • l’action peut alors ensuite être engagée sous un délai de cinq ans à compter de cette mise en demeure (v. le présent arrêt : Cass. civ. 3, 26 octobre 2023, n° 21-24.231, FS-B).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Caractéristiques du contrat de bail rural et du fermage, spéc. Nullité du bail rural en cas de défaut d'obtention d'une autorisation d'exploiter, in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E8943E94.

À noter que le présent arrêt fera l'objet d'un commentaire approfondi par Christine Lebel, à paraître prochainement dans la revue Lexbase Droit privé.

newsid:487327

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.