Le Quotidien du 24 octobre 2023 : Comité social et économique

[Brèves] Contestation de la nature de l’expertise : quel est le point de départ du délai de 10 jours imparti à l’employeur pour saisir le juge ?

Réf. : Cass. soc., 18 octobre 2023, n° 22-10.761, F-B N° Lexbase : A08271NX

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par Lisa Poinsot

le 25 Octobre 2023

► S’il souhaite contester la nature de l’expertise, l’employeur doit saisir le juge dans un délai de 10 jours suivant la date des délibérations du CSE ayant décidé de cette expertise.

Faits et procédure. Un CSE décide de recourir à des expertises comptables dans le cadre des consultations annuelles obligatoires portant, l’une, sur la situation économique et financière de l’entreprise et l’autre, sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.

Ne contestant pas ces délibérations, l’employeur paie les acomptes à la société experte.

Toutefois, l’employeur saisit le tribunal judiciaire afin de contester le paiement de ces expertises. Il considère que les expertises n’interviennent pas dans le cadre des consultations obligatoires. Il soutient à cet égard qu’il n’est pas tenu d’en prendre charge le coût puisqu’au regard des dates de délibérations recourant aux expertises, celles-ci constituent des expertises libres.

Rappel. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE peut recourir à un expert-comptable dans le cadre de consultations récurrentes (C. trav., art. L. 2315-88 N° Lexbase : L8400LG9 et art. L. 2315-91 N° Lexbase : L8403LGC). L’employeur doit prendre intégralement en charge le coût de ce type d’expertise (C. trav., art. L. 2315-80 N° Lexbase : L1422LKU). Le CSE peut néanmoins recourir à un expert « libre » pour préparer ses travaux. Dans cette hypothèse, c’est le CSE qui le rémunère (C. trav., art. L. 2315-81 N° Lexbase : L8392LGW).

Le tribunal judiciaire énonce que l’employeur ne critique ni le montant des factures qui lui ont été adressées ni le coût final des expertises.

Néanmoins, l’employeur conteste le principe de son paiement au motif que les expertises ont été décidées avant la transmission des comptes et le dépôt des documents d’information utile à la base des données économiques, sociales et environnementales.

Sur ce point, le tribunal judiciaire retient que l’employeur a été informé des délibérations adoptées lors des séances du CSE en date des 28 février et 21 mars 2019 et de leurs conséquences. Il a été informé qu’il devait prendre en charge le montant des expertises ordonnées en vue de consultations récurrentes. En outre, il a réglé, sans contestation, l’acompte réclamé par l’expert désigné par ces mêmes délibérations.

Pour le juge judiciaire, la contestation du principe de paiement du coût des expertises par l’employeur suppose la contestation par ce dernier de la nature même des expertises et donc au final de leur nécessité.

Par conséquent, la saisine tardive du 2 août 2019 aux fins de contester la nature des expertises litigieuses est irrecevable par cause de forclusion.

L’employeur forme un pourvoi en cassation en soutenant qu’il ne contestait pas la nécessité des expertises, mais leur coût final de sorte qu’il ne pouvait réagir qu’au moment de la notification de la facture définitive, soit le 25 juillet 2019.

De plus, l’employeur argue que le CSE avait décidé de recourir à un expert avant la transmission des documents nécessaires pour considérer que ces expertises relevaient des consultations obligatoires.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en application des articles L. 2315-86, alinéa 1 N° Lexbase : L1774LR7 et R. 2315-49 N° Lexbase : L0548LI7 du Code du travail, interprété à la lumière de l’article 6, § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

À noter. L’article L. 2315-86 du Code du travail encadre les contestations relatives à la nécessité de l’expertise, au choix de l’expert, au coût prévisionnel ou définitif ainsi que la durée et l’étendue de l’expertise, mais ne vise pas expressément la contestation de la nature de l’expertise.

La Haute juridiction précise que la contestation sur la nature de l’expertise se rattache à la contestation sur la nécessité de l’expertise.

De ce raisonnement, elle considère que s’applique à la contestation sur la nature de l’expertise la règle selon laquelle : le délai de dix jours de contestation de la nécessité d'une expertise ne court qu'à compter du jour où l'employeur a été mis en mesure de connaître sa nature et son objet.

En l’espèce, en considérant que les expertises ne relevaient pas des consultations obligatoires du CSE, l’employeur contestait leur nature même. Il critiquait le principe même d’avoir à les payer et non pas le montant des factures ni leur coût final.

L’employeur a été mis en mesure de connaître la nature et l’objet des expertises dès les délibérations du CSE, soit les 28 février et 21 mars 2019. En effet, il avait assisté aux réunions du CSE et avait donc été informé de la prise en charge du montant des expertises ordonnées en vue de consultations. De plus, l’employeur avait payé, sans contestation, les acomptes réclamés par l’expert. Ainsi, la saisine du juge le 2 août 2019 aux fins de contester la nature des expertises litigieuses est tardive. La date de remise de la facture définitive de l’expertise ne devait donc pas être prise en compte comme point de départ du délai de contestation.

Pour aller plus loin :

  • v. déjà Cass. soc., 7 décembre 2022, n° 21-16.996, F-B N° Lexbase : A85238XX : précision relative au point de départ du délai de contestation du coût prévisionnel de l’expertise CSE ;
  • v. ÉTUDE : Le recours à l'expertise par le comité social et économique, La contestation, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E2027GAC.

 

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