Le Quotidien du 23 octobre 2023 : Fiscalité des entreprises

[Brèves] Management fees et acte anormal de gestion : nouvelles précisions du Conseil d’État

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 4 octobre 2023, n° 466887, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A20851KG

Lecture: 6 min

N7132BZ8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Management fees et acte anormal de gestion : nouvelles précisions du Conseil d’État. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/100611630-brevesimanagementfeesietacteanormaldegestionnouvellesprecisionsduconseildetat
Copier

par Marie-Claire Sgarra

le 20 Octobre 2023

La conclusion par une société d’une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant de la direction de cette dernière, ne constitue pas un acte anormal de gestion.

Les faits. À l'issue d'une vérification de comptabilité de la société A, l'administration fiscale a remis en cause, au titre de l'exercice clos en 2013, la déduction des honoraires versés à la société B à raison des prestations de management réalisées par un dirigeant commun, exerçant respectivement les fonctions de gérant de la société vérifiée et de co-gérant de la société prestataire.

Procédure. La CAA de Marseille a, sur appel du ministre de l'Action et des Comptes publics, annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il avait fait droit à la demande présentée par la société A tendant à la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés correspondant à cette rectification, et les a remis à sa charge (CAA Marseille, 23 juin 2022, n° 19MA04862 N° Lexbase : A67228BL).

Rappels.

Le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale.

Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal.

Précisions du Conseil d’État.

► La conclusion par une société d'une convention de prestations de services avec une autre société pour la réalisation, par le dirigeant de la première, de missions relevant des fonctions inhérentes à celles qui lui sont normalement dévolues ne relève pas d'une gestion commerciale anormale si cette société établit que ses organes sociaux compétents ont entendu en réalité, par le versement des honoraires correspondant à ces prestations, rémunérer indirectement le dirigeant et qu'ainsi ce versement n'est pas dépourvu pour elle de contrepartie, le choix d'un mode de rémunération indirect ne caractérisant pas en lui-même un appauvrissement à des fins étrangères à son intérêt.

► L'absence de versement, par une société, d'une rémunération à son dirigeant au cours d'un exercice ne constitue pas une décision de gestion faisant obstacle à la rémunération de ce même dirigeant, sur décision des organes sociaux compétents, au cours d'un exercice postérieur, le cas échéant à titre rétroactif, ou, au cours du même exercice, par l'intermédiaire d'une autre société.

Sur les faits de l’espèce.

Après avoir retenu que les prestations réalisées par la société B relevaient non de fonctions techniques spécifiques mais des fonctions inhérentes à celles d'un gérant de société à responsabilité limitée et qu'ainsi, la société B n'avait fourni aucune prestation de service distincte des activités que le gérant devait déployer dans le cadre normal de ses fonctions de gérant de la société A, la cour administrative d'appel de Marseille a jugé qu'alors que cette société avait pris la décision de ne pas rémunérer son gérant et que cette décision de gestion lui était opposable, l'administration fiscale établissait que les charges comptabilisées au titre des prestations en cause devaient être regardées comme constituant un acte anormal de gestion.

En statuant ainsi alors que la décision de ne pas verser une rémunération directe à son gérant ne faisait pas par elle-même obstacle à ce que la société B ait pu décider, en procédant à la passation de la convention en cause avec la société A, de verser une rémunération indirecte à son gérant en contrepartie de l'exercice de ses fonctions et à ce que, par suite, le règlement des honoraires en litige ait pu, en l'absence de tout appauvrissement à des fins étrangères à l'intérêt de la société, relever d'une gestion commerciale normale, la cour a commis une erreur de droit.

L’affaire est renvoyée devant la CAA de Marseille.

Prudence donc dans la rédaction des conventions de management fees !

Observations (sur la notion d'acte anormal de gestion).

► Le Conseil d’État (CE plénière, 21 décembre 2018, n° 402006, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8394YRC) a défini l’acte anormal de gestion comme celui « par lequel une entreprise décide de s’appauvrir à des fins étrangères à son intérêt » et précisé, s’agissant de la cession d’un élément d’actif immobilisé, les règles de preuve qui, pour faire simple, reposent sur une dialectique ternaire :

  • l’administration doit établir l’écart significatif du prix convenu par rapport à la valeur vénale ;
  • l’entreprise peut contester l’évaluation de l’administration l’ayant conduite à identifier un tel écart ;
  • si elle n’y parvient pas, la preuve de l’anormalité de l’acte est réputée apportée et il appartient à l’entreprise de la combattre, en justifiant que l’appauvrissement a été décidé dans son intérêt, et ce, de deux manières : elle peut soit montrer qu’elle était dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu’elle en a tiré une contrepartie.

Lire en ce sens, R. Fievet, Acte anormal de gestion : la liberté conditionnelle revisitée, Lexbase Fiscal, janvier 2019, n° 770 N° Lexbase : N7378BXK.

► Le Conseil d’État a réaffirmé la portée de l’arrêt du 21 décembre 2018, en censurant une cour administrative d’appel qui l’avait appliqué à un cas de remise en cause par l’administration d’un montant de loyers. La Haute juridiction rappelle également que pour appliquer cette théorie, l’administration doit démontrer une anormalité dans le prix pratiqué (CE, 9° ch., 8 mars 2021 n° 433019, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A45584KZ).

Lire en ce sens, C. de Smet et L. Hadhom, Location immobilière à prix minoré : à qui incombe la preuve d’une anormalité ?, Lexbase Fiscal, mai 2021, n° 866 N° Lexbase : N7663BYH).

 

newsid:487132