Réf. : Cass. com., 7 octobre 2020, n° 19-13.560, F-P+B (N° Lexbase : A33403XY)
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N4931BYB
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par Vincent Téchené
le 14 Octobre 2020
► D’une part, un créancier auquel une déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable peut exercer son droit de poursuite sur celui-ci indépendamment de ses droits dans la procédure collective du propriétaire de cet immeuble de sorte que rien ne lui interdit, tant que sa créance n'est pas prescrite, de faire inscrire une hypothèque provisoire sur ce bien dans les conditions du droit commun, lequel s'applique aussi à la demande de mainlevée d'une telle mesure conservatoire ;
► D’autre part, si le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable bénéficie d'un droit de poursuite sur cet immeuble, il n'en demeure pas moins soumis au principe d'ordre public de l'arrêt des poursuites ainsi qu'à l'interdiction de recevoir paiement des créances dont la naissance est antérieure au jugement d'ouverture, de sorte que s'il doit être en mesure d'exercer le droit qu'il détient sur l'immeuble en obtenant un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance, cette action ne peut tendre au paiement de celle-ci.
Faits et procédure. Une banque a consenti un prêt à un entrepreneur individuel, le 3 janvier 2006. Celui-ci a fait publier une déclaration d'insaisissabilité de sa résidence principale le 3 mai 2010. Il a été mis en liquidation judiciaire le 7 octobre 2014, la procédure étant clôturée le 3 novembre 2015. La banque, qui avait, sur autorisation du juge de l'exécution, fait inscrire, le 9 novembre 2014, une hypothèque provisoire sur l'immeuble a, le 16 novembre suivant, assigné le débiteur en paiement de sa créance. Ce dernier a opposé l'irrecevabilité de la demande et sollicité la levée de l'hypothèque. La cour d’appel ayant rejeté la demande de mainlevée de l'hypothèque provisoire, le débiteur a formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation approuve en premier lieu l’arrêt d’appel.
En effet, comme vu précédemment, la Haute juridiction énonce que l'arrêt d’appel retient exactement qu'un créancier auquel une déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable peut exercer son droit de poursuite sur celui-ci indépendamment de ses droits dans la procédure collective du propriétaire de cet immeuble. Il en résulte donc que rien ne lui interdit, tant que sa créance n'est pas prescrite, de faire inscrire une hypothèque provisoire sur ce bien dans les conditions du droit commun, lequel s'applique aussi à la demande de mainlevée d'une telle mesure conservatoire.
Mais sur un moyen relevé d’office, elle censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 526-1 (N° Lexbase : L9525IYG), L. 622-7 (N° Lexbase : L7285IZT) et L. 622-21 (N° Lexbase : L3452ICT) du Code de commerce. Elle pose, ici, un principe : si le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable bénéficie d'un droit de poursuite sur cet immeuble, il n'en demeure pas moins soumis au principe d'ordre public de l'arrêt des poursuites ainsi qu'à l'interdiction de recevoir paiement des créances dont la naissance est antérieure au jugement d'ouverture. Dès lors, il en résulte que, s'il doit être en mesure d'exercer le droit qu'il détient sur l'immeuble en obtenant un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance (v. déjà, en ce sens, Cass. com., 13 septembre 2017, n° 16-10.206, FS-P+B+I N° Lexbase : A4158WRG ; P.-M. Le Corre, in Chron., Lexbase Affaires, septembre 2017, n° 523 N° Lexbase : N0192BXE), cette action ne peut tendre au paiement de celle-ci.
Or, pour condamner le débiteur à payer la banque, l'arrêt d'appel retient que celle-ci, à laquelle la DNI était inopposable, est bien fondée à agir individuellement contre la débitrice aux fins d'obtenir un titre exécutoire portant condamnation. Dès lors, en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes visés : elle aurait dû se borner à constater l'existence, le montant et l'exigibilité de la créance, sans prononcer de condamnation à paiement.
Pour aller plus loin, v. ÉTUDE : La réalisation des actifs, Les biens immobiliers ayant fait l'objet d'une déclaration notariée d'insaisissabilité, in Entreprises en difficulté, Lexbase (N° Lexbase : E4645EUL). |
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