La lettre juridique n°149 du 6 janvier 2005 : Sécurité sociale

[Jurisprudence] Maladies professionnelles : la majoration de la rente et du capital reliée au taux d'incapacité de la victime

Réf. : Cass. civ. 2, 14 décembre 2004, n° 03-30.451, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados c/ Société Valéo, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4888DER)

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N4173AB8

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par Olivier Pujolar, Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

En cas de faute inexcusable de l'employeur, les montants de la majoration de la rente et du capital alloué à la victime doivent suivre l'évolution du taux d'incapacité de cette dernière. La Cour de cassation précise sa jurisprudence relative aux conséquences de la faute inexcusable de l'employeur. Depuis 2003, la majoration de la rente est, en principe, fixée au maximum légal (CSS, art. L. 452-2 al. 2 et 3 N° Lexbase : L5301ADP) (1). L'arrêt de la deuxième chambre civile du 14 décembre 2004 rompt avec la jurisprudence antérieure, en affirmant que le montant de cette majoration doit suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime (2).
Décision

Cass. civ. 2, 14 décembre 2004, n° 03-30.451, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Calvados c/ Société Valéo, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4888DER)

Rejet du pourvoi (CA Caen, 6 juin 2003, 3ème chambre, section sociale 2).

Mots-clés : faute inexcusable ; majoration de la rente et du capital ; évolution du montant de la majoration ; incapacité permanente partielle.

Texte concerné : CSS, art. L. 452-2 alinéas 2 et 3 (N° Lexbase : L5301ADP)

Lien base :

Faits

M. Blanchard a été reconnu atteint de la maladie professionnelle n° 30 (affections consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante) et a saisi la juridiction de Sécurité sociale en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur (la société Ferodo devenue Valéo, puis la société Allied signal devenue Honeywell matériaux de friction-HMF).

La cour d'appel de Caen a, d'une part, considéré que la maladie professionnelle dont M. Blanchard était atteint résultait d'une faute inexcusable de ses employeurs et a, d'autre part, fixé au maximum le montant de la majoration en capital. Enfin, elle a précisé que la majoration de rente ou de capital serait toujours fixée au maximum légal, quel que soit le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) dont elle suivrait l'évolution.

Problème juridique

Le montant de la majoration de rente ou de capital alloué à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle consécutifs à la faute inexcusable de l'employeur est-il déterminé définitivement au moment de la décision qui le fixe ou doit-il suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime ?

Solution

1. Rejet du pourvoi.

2. "La majoration de la rente et du capital alloué à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle consécutifs à la faute inexcusable de l'employeur est calculée en fonction de l'incapacité dont celle-ci reste atteinte [...] cette majoration devait suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime".

Commentaire

1. Le principe de la majoration de la rente et du capital alloué à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle en cas de faute inexcusable de l'employeur

Sans qu'il soit nécessaire d'insister ici, il suffit de rappeler que la jurisprudence considère la faute inexcusable de l'employeur comme caractérisée, au sens de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5300ADN), lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (Cass. soc., 28 février 2002, 7 espèces ; voir, par exemple, Cass. soc., 28 février 2002, n° 00-10.051, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Grenoble c/ Société Ascométal, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A0806AYI).

En l'espèce, la cour d'appel a accueilli la demande du salarié, en décidant que la maladie dont il est atteint était due à la faute inexcusable de ses employeurs.

Dès lors, le régime d'indemnisation des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles consécutifs à une faute inexcusable de l'employeur ou de celui qui s'est substitué à lui dans la direction devait s'appliquer (CSS, art. L. 452-1 et s. N° Lexbase : L5300ADN). Ainsi, M. Blanchard a, logiquement, bénéficié d'une indemnisation majorée, tant en ce qui concerne le capital que la rente qui lui ont été alloués et a eu la possibilité de demander la réparation de divers préjudices légalement déterminés (CSS, art. L. 452-3 N° Lexbase : L5302ADQ).

Les majorations du capital et de la rente ont été fixées au maximum par la cour d'appel. Selon l'alinéa 2 de l'article L. 452-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5301ADP), le montant de la majoration de l'indemnité en capital ne peut dépasser le montant de ladite indemnité. En ce qui concerne le montant de la majoration de la rente en cas d'incapacité permanente partielle, l'alinéa 3 du même texte dispose que la rente majorée ne peut excéder la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité (lorsque l'incapacité permanente est totale, la rente majorée ne pourra excéder le montant du salaire annuel).

Cependant, la loi ne détermine que le montant maximum de la majoration et ne fixe pas de critère permettant aux juges de fixer le montant de la majoration. Face à ce silence, la jurisprudence a longtemps décidé que la majoration devait être proportionnelle à la gravité de la faute inexcusable (v., notamment, Cass. soc., 17 janvier 1962, n° 61-10.846, Société à responsabilité limitée des ateliers électriques de Pierrefite c/ Dame veuve Eugénie Quilghini et autre N° Lexbase : A6560AYM, "pour la fixation de la majoration de la rente, seul peut être pris en considération le degré de gravité de la faute inexcusable", D., 1962, p. 197 et obs. A. Brun).

Mais, l'application de cette solution était assez difficile et la Cour de cassation a, récemment, décidé de l'abandonner (Cass. soc., 31 mars 2003, n° 01-20.901, Société nationale des chemins de fer français (SNCF) c/ Mme Denise Crumière, FS-P+B N° Lexbase : A6358A7M, confirmé par Cass. civ. 2, 27 janvier 2004, n° 02-30.693, M. Pierre Szczepaniak c/ M. Georges Favrat, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8868DAP, voir Stéphanie Martin-Cuenot, Les éléments constitutifs de la faute inexcusable du salarié, Lexbase Hebdo n° 106 du 4 février 2004 - édition sociale N° Lexbase : N0409ABR).

Désormais, "la majoration de la rente prévue lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur au sens de l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale ne peut être réduite en fonction de la gravité de cette faute mais seulement lorsque le salarié victime a lui-même commis une faute inexcusable au sens de l'article L. 453-1 du même code".

Ainsi, la majoration est, en principe, fixée au maximum et ne peut être minorée qu'en cas de faute inexcusable du salarié ou de faute d'un tiers (Cass. soc., 11 avril 2002, n° 00-22.604, Mme Marie-France Gatel, épouse Dreano c/ Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) d'Ille-et-Vilaine, F-D N° Lexbase : A4864AYS). Cette solution facilite indéniablement la tâche des juges du fond, qui n'ont plus à apprécier la gravité de la faute inexcusable, et permet de maintenir une certaine unité au sein des décisions des tribunaux. Néanmoins, la réduction de la marge d'appréciation des juges du fond par l'application quasi-systématique de la majoration maximale n'est pas sans s'éloigner de l'esprit du texte, qui ne fixait qu'une limite à ne pas dépasser.

2. L'évolution du montant de la majoration

Si les modalités de la détermination du montant de la majoration de la rente ne vont pas sans soulever des difficultés, la question de l'évolution du montant de la majoration n'est pas moins épineuse. En effet, il convient de se demander si ce montant est révisable. C'est sur ce point que l'arrêt sous étude apporte des précisions novatrices.

L'arrêt du 14 décembre 2004 précise que la majoration devra suivre l'évolution du taux d'incapacité de la victime. Il s'agit d'un revirement. En effet, la Chambre sociale avait décidé, en 1985, que "la gravité est déterminée une seule fois lorsqu'il est statué quant au caractère inexcusable de la faute commise ; peu importe donc l'amélioration ultérieure de l'état de santé de la victime" (Cass. soc., 18 mars 1985, n° 83-13.566, Mugnerot c/ Caisse primaire d'assurance maladie de Saint-Etienne, publié N° Lexbase : A3722ABH).

Cette évolution s'explique par le changement des critères de détermination de la majoration de la rente. Lorsque le montant de la majoration était fixé par référence à la gravité de la faute inexcusable, en tenant compte de la limite maximale imposée par la loi (CSS, art. L. 452-2, al. 2 et 3 N° Lexbase : L5301ADP), il était logique que ce montant soit déterminé définitivement (solution de 1985) et subisse, seulement, les revalorisations prévues par l'article L. 434-17 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5271ADL), comme le précise l'article L. 452-2 alinéa 5 du même code (N° Lexbase : L5301ADP). La gravité de la faute inexcusable commise ne pouvant évoluer avec le temps, le montant de la majoration ne pouvait varier.

Désormais, le montant de la majoration est le montant maximum, sauf faute inexcusable de la victime ou faute d'un tiers, et a donc pour seul critère le taux d'incapacité de la victime. Le montant de la majoration doit, alors, naturellement, pouvoir suivre celui du taux d'incapacité. L'arrêt du 14 décembre 2004 apparaît donc comme la confirmation des choix opérés par la Chambre sociale en 2003 (Cass. soc., 31 mars 2003, voir supra). Le montant de la majoration de la rente est fonction du taux d'incapacité partielle permanente de la victime, et doit donc suivre l'évolution de ce taux.

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