Réf. : Cass. com., 23 novembre 2004, n° 03-17.141, M. Franck Michel c/ Société Creuset et autres F-P+B (N° Lexbase : A0396DEE)
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N4133ABP
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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur des Universités, Directeur du Master Droit de la Banque de la Faculté de Toulon et du Var
le 07 Octobre 2010
Nous avions, pour notre part, relevé que l'action n'était pas ouverte par le texte au commissaire à l'exécution du plan, alors, pourtant, que cette institution a qualité pour engager une action en nullité de la période suspecte (Dalloz Action, Droit et pratique des procédures collectives, n° 65-81). Poursuivant l'institution de cet organe en défenseur de l'intérêt collectif des créanciers, la Chambre de la Cour de cassation considère, ici, que l'absence de visa du commissaire à l'exécution du plan dans la liste des personnes ayant qualité pour agir en rapport ne fait pas obstacle à ce que pareille qualité lui soit reconnue. La solution, dont l'opportunité au demeurant n'est pas discutable, ne nous semble cependant pas pouvoir être pleinement approuvée.
D'une part, la lettre du texte nous semblait limitativement attribuer la qualité à agir et la Cour de cassation ne manque pas, en d'autres domaines, de rappeler l'importance du caractère limitatif des listes qu'établit le législateur, lorsqu'il réglemente la saisine d'actions attitrées. Il est à rappeler, par exemple, que la Cour de cassation a dénié au commissaire à l'exécution du plan qualité pour demander l'application de la faillite personnelle au motif qu'il n'était pas visé par la loi au rang des personnes pouvant mettre en oeuvre cette action (Cass. com., 24 septembre 2003, n° 00-11.010, FS-P+B N° Lexbase : A6149C9M, D. 2003, AJ p. 2438 ; JCP éd E 2004 chron. 151, p. 174, n° 5, obs. Ph. Pétel).
D'autre part, la solution posée résulte, à notre sens, d'un sophisme. La majeure du syllogisme est que le commissaire à l'exécution du plan est un organe de défense de l'intérêt collectif des créanciers et qu'il tient le pouvoir d'engager des actions. Pourtant, il n'est prévu (C. com., art. L. 621-68, al. 2 N° Lexbase : L6920AI7) que la possibilité de continuer les actions engagées par le représentant des créanciers ou l'administrateur judiciaire. Le commissaire à l'exécution du plan est, comme l'énonce l'article L. 621-68, alinéa 1er, du Code de commerce, "chargé de veiller à l'exécution du plan". C'est sa mission de principe. Toute autre mission à lui confiée est spéciale, telle celle de continuer les actions engagées par l'administrateur ou le représentant des créanciers. La législation des procédures collectives n'énonce nullement que le commissaire à l'exécution du plan serait un organe de défense de l'intérêt collectif des créanciers. Nous ne pouvons donc approuver cette nouvelle avancée de la Cour de cassation, qui, à partir d'un postulat qui nous semble erroné, en parvient à la conclusion du syllogisme : puisque le commissaire à l'exécution du plan a qualité pour engager les actions tendant à la défense de l'intérêt collectif des créanciers, il a qualité pour agir en rapport.
La logique formelle est impeccable. Il n'empêche : il y a bien là oeuvre créatrice d'un droit qui n'est pas inscrit dans le Code de commerce, même si ce faisant la Cour de cassation répare peut-être, sans doute même, une malfaçon législative. Le projet de réforme a, d'ailleurs, pris acte de que les textes devaient être revus, et prévoit, en ce sens, la possibilité pour le commissaire à l'exécution du plan d'engager les actions contre les tiers, dès lors qu'elles tendent à la défense de l'intérêt collectif des créanciers.
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