La lettre juridique n°646 du 10 mars 2016 : Contrat de travail

[Jurisprudence] Les conventions collectives du sport professionnel sous le regard de la Cour de cassation

Réf. : Cass. soc., 10 février 2016, cinq arrêts, n° 14-30.095, FS-P+B (N° Lexbase : A0267PLH) ; n° 15-16.132, FS-P+B (N° Lexbase : A0270PLL) ; n° 14-28.084, FS-P+B (N° Lexbase : A0337PL3) ; n° 15-16.080, FS-P+B (N° Lexbase : A0324PLL) ; n° 14-26.147, FS-P+B (N° Lexbase : A0230PL4)

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par Gilles Auzero, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

le 10 Mars 2016

Jusqu'à la loi n° 2015-1541 du 27 novembre 2015, visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale (N° Lexbase : L5025KRK), la relation de travail établie entre un entraîneur ou un sportif professionnel et un club ne faisait pas l'objet d'un traitement particulier dans la loi. Aussi, afin notamment de prendre en compte les spécificités de cette relation de travail, diverses normes conventionnelles ont-elles été conclues. Mais, sous couvert de cet objectif, au demeurant légitime, les parties signataires sont parfois allées un peu trop loin, méconnaissant quelques exigences d'ordre public ou le principe dit "de faveur". Témoignage en est donné par cinq décisions rendues le 10 février 2016 par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui, toutes, sont publiées. Certaines solutions retenues sont d'une importance considérable. On songe, à cet égard, à la reconnaissance, sous conditions, de la validité des clauses de rupture anticipée, qu'elles soient contractuelles ou conventionnelles. Au-delà, il importe d'examiner ces décisions en contemplation de la réforme précitée.
Résumés

- Cass. soc., 10 février 2016, n° 14-30.095, FS-P+B (N° Lexbase : A0267PLH) : il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L. 1243-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0887I7Y), auxquelles ni la Charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, ni le contrat de travail ne peuvent déroger dans un sens défavorable au salarié, que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas d'accord des parties, de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail.

- Cass. soc., 10 février 2016, n° 15-16.132, FS-P+B (N° Lexbase : A0270PLL) : les dispositions de l'article 11.2 de la Convention collective du rugby, qui, en cas de relégation ou de rétrogradation du club, permettent au joueur de rejoindre un autre club professionnel avant le terme du contrat en cours, sans rendre la rupture imputable à l'employeur, ni interdire au salarié de rompre le contrat en invoquant une faute grave de l'employeur, dérogent dans un sens favorable au salarié à l'article L. 1243-1 du Code du travail.

- Cass. soc., 10 février 2016, n° 14-28.084, FS-P+B (N° Lexbase : A0337PL3) : il résulte de l'article 680 de la Charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, dans sa rédaction applicable au litige, que chaque premier contrat dans un club de l'entraîneur titulaire du diplôme d'entraîneur professionnel de football est conclu pour une durée minimum de deux saisons.

- Cass. soc., 10 février 2016, n° 15-16.080, FS-P+B (N° Lexbase : A0324PLL) : l'article 12. 3. 3 de la Convention collective nationale du sport régissant la durée des contrats à durée déterminée des sportifs professionnels et de leurs entraîneurs ne s'applique pas aux titulaires de contrats à durée indéterminée.

- Cass. soc., 10 février 2016, n° 14-26.147, FS-P+B (N° Lexbase : A0230PL4) : sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié.

Observations

I - La conclusion et l'exécution du contrat de travail

A - Le choix du contrat

Les exigences légales nouvelles. Issu du la loi n° 2015-1541 du 25 novembre 2015 (1), l'article L. 222-2-3 du Code du sport (N° Lexbase : L8130KRK) dispose qu'"afin d'assurer la protection des sportifs et entraîneurs professionnels et de garantir l'équité des compétitions, tout contrat par lequel une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 (N° Lexbase : L0810ISS) et L. 122-12 (N° Lexbase : L6314HN8) s'assure, moyennant rémunération, le concours de l'un de ces salariés est un contrat de travail à durée déterminée".

Ainsi que le laisse clairement entendre ce texte (2), le CDI se trouve désormais banni du sport professionnel, pour laisser la place au seul CDD. Le changement est, pour le moins, radical, même s'il n'est guère besoin de souligner, qu'en pratique, le CDD régnait déjà en maître dans ce secteur. Il n'en demeure pas moins qu'antérieurement à la réforme précitée, un sportif ou entraîneur professionnel pouvait tout à fait exercer son activité dans le cadre d'un CDI. Il faut, en outre, rappeler que dans un important arrêt en date du 2 avril 2014 (3), la Chambre sociale de la Cour de cassation avait jugé illicite la stipulation de la convention collective du rugby professionnel imposant le recrutement des joueurs par CDD.

L'affaire. Dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt rendu sous le numéro de pourvoi 15-16.080, M. X avait été engagé, une fois n'est pas coutume, par contrat à durée indéterminée pour exercer les fonctions d'entraîneur de l'équipe espoir, d'intervenant sur les équipes professionnelles, d'intervenant au centre de formation de haut niveau et d'intervenant coordinateur pour la détection des jeunes. Licencié consécutivement à la liquidation judiciaire du club employeur, le salarié avait saisi la juridiction prud'homale

Le salarié reprochait à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de sa demande en fixation d'une somme à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive. A l'appui de son pourvoi, il soutenait que l'article 12-3-3 de la Convention collective nationale du sport (N° Lexbase : X7393AGW), qui prévoit que si le contrat commence à s'exécuter en cours de saison, il doit courir au minimum jusqu'à la veille de la saison suivante, est applicable à tout contrat de travail conclu entre une société sportive et un entraîneur, quelle que soit la nature du contrat de travail. En conséquence, le salarié devait bénéficier, du fait de sa qualité d'entraîneur, d'une garantie de paiement des salaires conformément aux stipulations du texte précité.

La solution. L'argumentation du salarié est écartée par la Cour de cassation qui souligne, tout d'abord, que "l'article 12-3-3 de la Convention collective nationale du sport régissant la durée des contrats à durée déterminée des sportifs professionnels et de leurs entraîneurs ne s'applique pas aux titulaires de contrats à durée indéterminée". La Chambre sociale affirme, ensuite, que "la cour d'appel ayant, par des motifs non critiqués par le moyen, constaté que le salarié avait été engagé en qualité d'entraîneur, par un contrat à durée indéterminée, en a exactement déduit que ce salarié ne pouvait se prévaloir de ces dispositions".

La solution retenue est pleinement justifiée. La lecture de l'article 12-3-3 de la Convention collective nationale du sport laisse, en effet, clairement apparaître que ce texte vise à régir les seuls contrats de travail conclus pour une durée déterminée. A dire vrai, cela n'avait sans doute pas échapper à l'auteur du pourvoi qui, sans soutenir que la stipulation en cause a valeur de clause de garantie d'emploi, arguait du fait qu'elle institue une garantie de paiement des salaires (4).

Mais c'était se livrer là à une interprétation très orientée de l'article 12-3-3, qui se borne à fixer une durée minimale au contrat conclu en cours de saison ou, plus exactement, au contrat à durée déterminée conclu en cours de saison. Or, en l'espèce, les parties avaient entendu se lier pour une durée indéterminée.

La Cour de cassation ne devrait plus, à l'avenir, avoir à connaître de ce type de litige puisque, comme il a été dit précédemment, le CDD est désormais appelé à régner en maître dans le sport professionnel. Il importe, toutefois, d'être ici plus précis et d'indiquer que le CDI n'a plus sa place dans les relations de travail unissant les clubs et les seuls sportifs et entraîneurs professionnels.

Or, en application de l'article L. 222-2, 2° du Code du sport (N° Lexbase : L8177KRB), l'entraîneur professionnel est défini "comme toute personne ayant pour activité principale rémunérée de préparer et d'encadrer l'activité sportive d'un ou de plusieurs sportifs professionnels salariés dans un lien de subordination juridique avec une association sportive ou une société mentionnée aux articles L. 122-2 et L. 122-12 et titulaire d'un diplôme, d'un titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification prévu à l'article L. 212-1 (N° Lexbase : L6359HNT)".

On constate, ce faisant, que la qualification d'entraîneur professionnel exige la réunion d'un certain nombre de critères (5). Or, pour en revenir à l'espèce qui nous intéresse, il apparaît que le salarié n'était appelé qu'à "intervenir" auprès des équipes professionnelles, ce qui paraît exclure qu'il avait pour "activité principale" de préparer et d'encadrer l'activité sportive d'un ou de plusieurs sportifs professionnels salariés. Il y a ainsi lieu de considérer que, postérieurement à l'adoption de la loi du 25 novembre 2015, un salarié peut toujours être engagé par un CDI afin d'exercer les fonctions d'entraîneur, dès lors qu'il ne relève pas de la catégorie "d'entraîneur professionnel", au sens de l'article L. 222-2 du Code du sport.

B - La durée du contrat

Liberté des parties. Antérieurement à la loi du 25 novembre 2015, dès lors que les parties à la relation de travail optaient pour le CDD, elles n'avaient d'autre choix que de recourir au CDD d'usage, tel qu'il est réglementé par le Code du travail. On sait que, s'agissant de ce contrat, ledit Code ne fixe aucune durée minimale à la relation de travail (6).

La loi précitée a profondément modifié cet état du droit. Désormais, en effet, la durée du contrat conclu avec un entraîneur ou un sportif professionnel " ne peut être inférieure à la durée d'une saison sportive fixée à douze mois" (7). On comprend, ainsi, qu'à l'avenir, le contrat conclu avec un entraîneur ou un sportif professionnel aura nécessairement une durée minimale de douze mois. Cela étant, rien n'interdisait aux parties à la relation de travail de stipuler une telle durée minimale dans le contrat de travail sous l'empire des textes antérieurs. En outre, il faut compter en la matière avec les exigences conventionnelles.

Exigences conventionnelles. On se bornera à relever que dans l'arrêt rendu sous le numéro de pourvoi 14-28.084, la Cour de cassation, après avoir visé l'article 680 de la Charte du football professionnel dans sa rédaction applicable au litige, affirme "qu'aux termes de ce texte chaque premier contrat dans un club de l'entraîneur titulaire du diplôme d'entraîneur professionnel de football est conclu pour une durée minimum de deux saisons" et que "le salarié ne peut renoncer par avance aux droits qu'il tient de la Charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle".

On passera rapidement sur cette dernière affirmation, qui ne constitue pas une nouveauté, tant dans l'assimilation de la Charte du football professionnel à une convention collective que dans l'affirmation selon laquelle un salarié ne peut renoncer, par avance, aux droits qu'il tient d'une norme conventionnelle.

Doit, en revanche, retenir l'attention le fait que la Cour de cassation fasse produire effet à l'article 680 de la Charte du football professionnel. A l'époque des faits, ce texte stipulait que "chaque premier contrat dans un club de l'entraîneur titulaire du DEPF est conclu pour une durée minimum de deux saisons" (8). A n'en point douter, et contrairement à ce que soutenait curieusement l'employeur dans son pourvoi, ce texte instituait une durée minimale pour le premier contrat conclu avec un entraîneur.

Mais là n'est pas le problème. En faisant produire effet à la clause en cause qui, rappelons-le, impose que le contrat de travail ait une durée minimale de deux saisons, la Cour de cassation paraît assurer la validité d'une stipulation qui, par là-même, impose que le contrat de travail ait une durée déterminée. On avait pourtant compris qu'il résultait de l'arrêt précité rendu le 2 avril 2014 par cette même Cour de cassation que sont illicites les stipulations des conventions collectives imposant le recrutement des joueurs par CDD.

En réalité, ces deux décisions se concilient parfaitement. Plus exactement, là où la stipulation de la Convention collective du rugby, qui était au coeur de l'arrêt de 2014, impose le recours au CDD, l'article 680 de la Charte du football professionnel ne fait qu'imposer une durée minimale lorsque, dans un tout premier temps, les parties ont décidé de se lier par un CDD. Celles-ci restent donc libres, à s'en tenir à cette seule stipulation, de recourir à un CDI.

Cela étant, dans la mesure où, antérieurement à la réforme opérée par la loi du 25 novembre 2015, la loi ne fixait aucune durée minimale lors de la conclusion d'un CDD d'usage, c'est aussi admettre que l'article 680 de la Charte du football professionnel est plus favorable pour le salarié que les dispositions légales. Il est vrai que la Cour de cassation n'était pas précisément saisie de la question à laquelle il n'est, d'ailleurs, pas évident d'apporter une réponse. Peut-être lui sera-t-elle soumise un jour car, désormais, si le CDD conclu avec un sportif ou un entraîneur professionnel doit avoir une durée minimale, celle-ci n'est que d'une saison et non de deux.

Cela étant, on rappellera que la loi du 25 novembre 2015 est explicitement fondée sur l'idée que le CDD est plus protecteur pour les sportifs et entraîneurs que le CDI (9). A ce compte-là, il y a lieu d'admettre aussi qu'une durée minimale de deux années est plus protectrice qu'une durée minimale d'une année...

C - La modification du contrat de travail

L'affaire. Le 31 mai 2007, M. X avait été engagé par la société FC Nantes par contrat à durée déterminée en qualité de joueur professionnel pour trois saisons successives. Le 21 juin 2009, le club avait informé le joueur que du fait de sa relégation en ligue 2, sa rémunération contractuelle ne pouvait pas être maintenue. Le joueur a saisi la juridiction prud'homale.

Pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaire et de congés payés, l'arrêt attaqué avait retenu qu'aux termes de l'article 761 de la Charte de football professionnel, en cas de relégation en division inférieure, les clubs ont la faculté de diminuer la rémunération de leurs joueurs de 20 % et qu'au-delà de ce pourcentage, ils peuvent proposer individuellement à leurs joueurs, par écrit et avant le 30 juin, une diminution de la rémunération ; la réponse du joueur devant intervenir dans un délai de 8 jours de la réception de la proposition écrite. En outre, l'absence de réponse écrite du joueur dans le délai indiqué vaut acceptation de la diminution proposée par le club.

Il résulte des pièces produites que le courrier recommandé du club, daté du 24 juin 2009, a été présenté à son destinataire le 29 juin 2009, lequel n'a contesté la baisse de sa rémunération que plus d'une année plus tard, le 21 juin 2010 auprès de la LFP, soit manifestement hors délai.

Une censure inéluctable. La Cour de cassation vient censurer la décision des juges d'appel au visa de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) et de l'article 761 de la Charte du football professionnel, laquelle a valeur de convention collective sectorielle. Après avoir rappelé que "sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à la modification du contrat de travail sans recueillir l'accord exprès du salarié", la Chambre sociale affirme "qu'en statuant comme elle l'a fait, sans constater que le joueur avait donné son accord exprès à la réduction de rémunération décidée par le club de football, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

On ne peut qu'être surpris de la position qu'avaient adoptée les juges du fond en application des stipulations, pour le moins contestables, de la Charte du football professionnel et en méconnaissance d'exigences prétoriennes anciennes et élémentaires. Il n'est, à cet égard, guère besoin de rappeler que le salaire est nécessairement un élément du contrat de travail et que, dès lors, toute modification du salaire, même minime, est une modification du contrat de travail. Il ne saurait, en conséquence, y avoir de place en la matière pour la décision unilatérale de l'employeur (10).

En outre, une convention collective, dont on sait qu'elle est impuissante à modifier le contrat de travail (11), ne peut pas plus conférer un tel pouvoir à l'employeur. Par suite, un club employeur ne saurait, en application de l'article 761 de la Charte du football professionnel, imposer à un joueur une réduction de sa rémunération de 20 % sous prétexte de relégation du club en division inférieure. La stipulation précitée est illicite ou, à tout le moins, n'est pas de nature à écarter l'exigence du consentement du salarié.

De même, faut-il rappeler que, depuis l'arrêt "Raquin" du 8 octobre 1987 (12), l'acceptation d'une modification de son contrat de travail par un salarié ne peut qu'être expresse, sans pouvoir découler de la poursuite du travail ? En conséquence, une convention collective ne peut, à l'instar de la Charte du football professionnel, organiser une acceptation tacite de la modification, par l'écoulement d'un certain délai.

III - La rupture du contrat de travail

A - L'application de la loi

Les exigences légales. Dès lors qu'un contrat de travail est conclu pour une durée déterminée, il ne peut, en principe, être rompu avant l'échéance de son terme. On sait, toutefois, que l'article L. 1243-1 du Code du travail autorise sa rupture anticipée en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail (13).

Il importe de préciser que ce texte continuera de recevoir application postérieurement à l'adoption de la loi du 27 novembre 2015. En effet, si l'article L. 222-2-1 du Code du sport, après avoir indiqué que "le Code du travail est applicable au sportif professionnel salarié et à l'entraîneur professionnel salarié", exclut l'application de certains textes dudit Code, l'article L. 1243-1 ne fait pas partie de la liste énumérée.

Mise en oeuvre. Etait en cause, dans l'arrêt rendu sous le numéro de pourvoi 14-30.095, un entraîneur de football dont le contrat de travail à durée déterminée avait fait l'objet d'une rupture anticipée à l'initiative du club employeur.

Pour débouter le salarié de ses demandes d'indemnité, l'arrêt attaqué avait retenu que l'article 679 de la Charte professionnelle du football prévoit que l'entraîneur titulaire du DEPF, responsable de la direction technique du club, et l'entraîneur titulaire du certificat de formateur responsable du centre de formation des joueurs professionnels ne peuvent, sous peine de résiliation de contrat, sans indemnité, exercer aucune activité salariale, libérale commerciale.

Le salarié soutenait que son employeur connaissait parfaitement l'existence de la société MPM communication et sa qualité de gérant, se prévalant à ce titre de l'attestation de son agent sportif qui relate dans quelles conditions l'employeur a reçu cette information. Ce témoignage était cependant contredit par celui d'une autre personne attestant que l'existence de cette société n'avait pas été invoquée lors des réunions auxquelles elle avait participé, que le salarié ne peut pas justifier d'une information écrite de l'employeur dont la réalité ne souffrirait pas alors de contestation.

Au-delà de la violation de ces dispositions de la Charte du football professionnel, la situation de l'entraîneur est révélatrice d'un manque de disponibilité mis en lumière, par ailleurs, au vu d'autres éléments de la procédure et déjà évoqués, étant observé que le salarié ne fournit aucun élément permettant d'affirmer que la gérance de cette société, dont le siège social se situe à son domicile, était en réalité exercée, de fait, par une autre personne, qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le salarié n'a pas respecté la Charte du football professionnel et les obligations professionnelles inhérentes au poste d'entraîneur principal, son comportement ne permettant pas le maintien du contrat de travail, en ce qu'il portait atteinte à l'indispensable confiance que doit avoir un club en son entraîneur.

La décision est censurée par la Cour de cassation au visa de l'article L. 1243-1 du Code du travail qui affirme "qu'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L. 1243-1 du Code du travail, auxquelles ni la Charte du football professionnel, qui a valeur de convention collective sectorielle, ni le contrat de travail ne peuvent déroger dans un sens défavorable au salarié, que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas d'accord des parties, de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail". En conséquence, "en statuant comme elle l'a fait, sans caractériser une faute grave imputable au salarié, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

Là encore, la solution est tout à fait justifiée. La Cour de cassation ne dit pas que le salarié ne pouvait pas, en l'espèce, se voir reprocher une faute grave. Elle reproche simplement aux juges du fond de ne pas l'avoir caractérisée, violant ainsi les prescriptions de l'article L. 1243-1 du Code du travail. Sans doute le salarié n'avait-il pas respecté les exigences de l'article 679 de la Charte du football professionnel. Mais, outre que l'on peut douter de la licéité de cette stipulation en ce qu'elle porte atteinte à la liberté du travail (14), cette méconnaissance ne peut, en soi, constituer une faute grave (15). Admettre le contraire reviendrait à priver le juge du droit de vérifier son existence, ce qui ne peut, à l'évidence, être admis.

On doit remarquer que, dans son motif de principe, la Cour de cassation exclut qu'une convention collective ou un contrat de travail déroge à l'article L. 1243-1 du Code du travail dans un sens défavorable au salarié. C'est donc admettre l'application de stipulations conventionnelles ou contractuelles plus favorables en matière de rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée des sportifs professionnels.

B - L'application de stipulations conventionnelles ou contractuelles plus favorables

L'affaire. C'est la Convention collective du rugby qui était en cause dans l'arrêt rendu sous le numéro de pourvoi 15-16.132. En l'espèce, M. X et six autres joueurs professionnels de rugby avaient été engagés par contrat à durée déterminée par la société Club sportif Bourgoin-Jallieu rugby. Le 30 juin 2012, le club avait informé les joueurs de ce que leur contrat ne pouvait se poursuivre après cette date du fait de sa rétrogradation en Fédérale 1. Dans un courrier du 9 août, les joueurs avaient indiqué prendre acte de la décision de l'employeur de rompre le contrat exprimée dans la lettre du 30 juin 2012. Le club ayant été placé en liquidation judiciaire le 28 août 2012, M. F avait été désigné comme mandataire-liquidateur. Après s'être engagés, courant août 2012, auprès d'autres clubs de rugby, les salariés avaient saisi la juridiction prud'homale de demandes relatives à la rupture du contrat de travail.

Les joueurs faisaient grief aux arrêts attaqués d'avoir dit que leur contrat avait été rompu par eux et de les avoir déboutés de leurs demandes indemnitaires. A l'appui de leur pourvoi, ils soutenaient que si l'article 11. 2 de la Convention collective du rugby professionnel offre au joueur, dont le club est rétrogradé ou relégué en division inférieure, le droit de conclure un contrat de travail avec un autre club avant l'échéance du contrat à durée déterminée, la rupture du contrat reste néanmoins imputable au club rétrogradé ou relégué. En l'espèce, en jugeant que les joueurs n'avaient fait qu'exercer leur droit de résiliation anticipée né de l'article 11.2 de la Convention collective, de sorte qu'aucune somme ne leur était due par le club, la cour d'appel a violé cette disposition de la Convention collective du rugby professionnel.

Les joueurs arguaient également qu'une convention collective ne peut déroger de façon défavorable pour le salarié aux dispositions d'ordre public relatives aux conditions de recours et de forme du contrat de travail à durée déterminée. A supposer que les partenaires sociaux aient entendu faire peser sur le joueur qui use du droit de résiliation anticipée du contrat à durée déterminée en cas de rétrogradation ou de relégation du club l'imputabilité de la rupture, l'article 11.2 de la Convention collective du rugby professionnel serait alors moins favorable que les dispositions légales d'ordre public, et ne pourraient être opposées aux salariés.

Ces arguments n'auront pas convaincu la Cour de cassation qui rejette le pourvoi. La Chambre sociale affirme, d'abord, que "que les dispositions de l'article 11.2 de la Convention collective du rugby, qui, en cas de relégation ou de rétrogradation du club, permettent au joueur de rejoindre un autre club professionnel avant le terme du contrat en cours, sans rendre la rupture imputable à l'employeur, ni interdire au salarié de rompre le contrat en invoquant une faute grave de l'employeur, dérogent dans un sens favorable au salarié à l'article L. 1243-1 du Code du travail". Elle relève, ensuite, "qu'ayant constaté, d'une part, que les joueurs avaient fait usage de la faculté prévue à l'article 11.2 de la Convention collective du rugby, et, d'autre part, que le club avait exécuté loyalement ses obligations, la cour d'appel, devant laquelle les salariés ne soutenaient pas avoir rompu le contrat en raison d'une faute grave de l'employeur, a décidé à bon droit de rejeter leur demande indemnitaire".

La validation des clauses de rupture anticipée. L'arrêt présentement commenté nous paraît revêtir une importance capitale en ce que, de notre point de vue, il assure enfin clairement la validité des clauses conventionnelles ou contractuelles offrant aux joueurs professionnels la faculté de rompre leur contrat de travail de manière anticipée, dans d'autres cas que ceux énumérés par l'article L. 1243-1 du Code du travail.

Il pourra être rétorqué que la décision en cause n'est relative qu'à une stipulation conventionnelle. Mais, il faut le rappeler, l'arrêt rendu sous le numéro de pourvoi 14-30.095 vise, quant à lui, les normes conventionnelles et le contrat de travail, pour exclure qu'ils puissent déroger dans un sens défavorable au salarié aux dispositions de l'article L. 1243-1 du Code du travail.

On pourra aussi souligner que la décision relative à la Convention collective du rugby ne comporte aucune affirmation d'ordre général assurant la validité des clauses de rupture anticipée. Le motif de principe ne laisse, cependant, guère de place au doute. A cela, on ajoutera encore qu'il existe de solides arguments juridiques conduisant à retenir cette validité, ainsi que nous l'avons soutenu, il y a fort longtemps de cela, en nous appuyant précisément sur le principe de faveur (16).

Pour revenir au cas d'espèce, la stipulation de la Convention collective du rugby ne permet pas, à proprement parler, au salarié de rompre leur contrat de travail de manière anticipée en cas de relégation ou de rétrogradation du club employeur. Elle les autorise à signer un contrat de joueur professionnel ou pluriactif avec un autre club professionnel pendant la période officielle des mutations fixée par la LNR, sous réserve d'en informer au préalable son club par lettre recommandée avec accusé de réception. Mais, cela revient à considérer que le contrat initial est, par hypothèse, rompu.

La Cour de cassation indique aussi, très clairement, à quelles conditions la stipulation conventionnelle ou contractuelle peut être considérée comme plus favorable pour le salarié. Elle ne doit pas interdire au salarié de rompre le contrat en invoquant une faute grave de l'employeur. L'exigence est logique, dans la mesure où, en ce cas, le salarié peut prétendre à des indemnités à la charge de l'employeur. Il ne faudrait pas que, sous couvert d'une clause permettant au salarié de reprendre sa liberté de manière anticipée, on permette à l'employeur d'échapper à la responsabilité qui est la sienne.

La Cour de cassation paraît également soumettre la validité de la clause au fait que la clause, tout en permettant au salarié de rompre le contrat de manière anticipée, ne rende pas la rupture imputable à l'employeur. Par ailleurs, elle prend également soin de relever que le club avait exécuté loyalement ses obligations. Est-ce à dire que si tel n'était pas le cas, la mise en oeuvre de la clause, et non sa licéité, pourrait être paralysée ? On avouera avoir de la peine à le concevoir. Soit le comportement de l'employeur constitue une faute grave et le salarié peut rompre le contrat pour ce motif, soit ce n'est pas le cas et le salarié peut mettre en oeuvre la clause de rupture anticipée tout en demandant, le cas échéant, des dommages-intérêts à l'employeur.

Il convient, pour conclure, de s'interroger sur le devenir de cette position prétorienne, compte tenu des modifications apportées par la loi du 27 novembre 2015. Celle-ci a introduit au sein du Code du sport, un article L. 222-2-7 (N° Lexbase : L8134KRP) qui dispose que "les clauses de rupture unilatérale pure et simple du contrat de travail à durée déterminée du sportif et de l'entraîneur professionnels salariés sont nulles et de nul effet".

Il convient, en premier lieu, de relever que ce texte ne vise que les clauses du contrat de travail, à l'exclusion des stipulations contenues dans les conventions collectives, ce qui contribue à affermir la jurisprudence de la Cour de cassation telle qu'elle résulte de l'arrêt rendu sous le numéro de pourvoi 15-16.132. En second lieu, s'agissant des seules clauses du contrat de travail, sont uniquement proscrites les clauses de rupture unilatérale "pure et simple". A n'en point douter, cette locution sera source de contentieux et, par suite, d'interprétation. A cet égard, ne peut-on considérer qu'une clause contractuelle qui autorise le joueur à mettre un terme à son contrat de travail en raison de la relégation ou de la rétrogradation du club n'est pas une clause de rupture unilatérale "pure et simple" du contrat ? Dans la mesure où sa mise en oeuvre est soumise à un événement extérieur à la volonté des parties et n'interdit pas au joueur de rompre le contrat en raison de la faute grave de l'employeur, nous le pensons.


(1) Loi n° 2015-1541 du 25 novembre 2015, visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique (N° Lexbase : L5025KRK). Sur cette importante réforme, v. D. Jacotot, Le droit du travail à l'épreuve de la loi relative aux sportifs professionnels et de haut niveau, JCP éd. S, 2016, 1032 ; J. Mouly, Le législateur au secours du CDD dans le sport professionnel (1ère partie), Dr. soc., 2016, p. 161 ; nos obs., Consécration législative d'un CDD propre au sport professionnel, Lexbase, éd. soc., n° 636, 2015 (N° Lexbase : N0320BWR).
(2) Auquel il faut ajouter l'article L. 222-2-1 du Code du sport (N° Lexbase : L8176KRA) qui écarte l'application de l'article L. 1221-2 du Code du travail (N° Lexbase : L8930IAY) au terme duquel, faut-il le rappeler, "le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail".
(3) Cass. soc., 2 avril 2014, n° 11-25.442, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6371MIS), Bull. civ. V, n° 96 ; D., 2014, p. 1363, note J.-P. Karaquillo ; Dr. soc., 2014, p. 576, obs. J. Mouly.
(4) L'auteur du pourvoi aurait pu soutenir que le texte conventionnel en cause impose la conclusion d'un contrat à durée déterminée et exiger, de ce fait, la requalification de son contrat. Mais cela eut été peine perdue compte de la solution retenue par la Cour de cassation dans l'arrêt précité du 2 avril 2014.
(5) Etant, en outre, précisé qu'en application du dernier alinéa de l'article L. 222-2 (N° Lexbase : L8177KRB), "une convention ou un accord collectif national détermine les critères à partir desquels l'activité de l'entraîneur professionnel salarié est considérée comme son activité principale". Sur ce renvoi à la négociation collective, qui peut être jugé discutable, v. Mouly, art. préc., p. 165.
(6) Pas plus qu'il ne fixe de durée maximale.
(7) C. sport., art. L. 222-2-4, al. 1er (N° Lexbase : L8131KRL). Ce même texte énumère trois cas dans lesquels un contrat conclu en cours de saison sportive peut avoir une durée inférieure à douze mois.
(8) Il résulte désormais de l'article 656 de la même Charte que "chaque premier contrat avec un club de l'entraîneur titulaire du DEFP (ou BEPF), d'une équivalence de certification ou de dérogation fédérale est conclu pour une durée minimale de deux saisons".
(9) V., sur cette justification, l'art. préc. de J. Mouly, p. 167.
(10) V. sur la question, G. Auzero et E. Dockès, Droit du travail, Précis D., 30ème éd., 2016, § 646 et la jurisprudence citée.
(11) Pour combien de temps encore ?
(12) Cass. soc., 8 octobre 1987 n° 84-41.902, publié (N° Lexbase : A1981ABY), Dr. soc., 1988, p. 135, note J. Savatier.
(13) Il faut encore ajouter à cela la faculté reconnue au salarié de mettre un terme au CDD lorsqu'il justifie de la conclusion d'un CDI (C. trav., art. L. 1243-2 N° Lexbase : L5788KGH).
(14) Cette stipulation peut être qualifiée, de notre point de vue, de clause d'exclusivité. Tout en reconnaissant qu'elle porte atteinte à la liberté du travail, la Cour de cassation considère qu'elle est valable si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché : Cass. soc., 11 juillet 2000, n° 98-40.143 (N° Lexbase : A9166AGL), Dr. soc., 2000, p. 1141, obs. J. Mouly ; Cass. soc., 24 février 2004, n° 01-43.392, FS-P+B (N° Lexbase : A3751DBK), Bull. civ. V, n° 64.
(15) Quant aux autres éléments relevés par les juges du fond, ils étaient, pour le moins, très vagues.
(16) V. nos obs., La validité des clauses de rupture anticipée dans les contrats à durée déterminée, Dr. soc., 2001, p. 17.

Décisions

Cass. soc., 10 février 2016, n° 15-16.132 à 15-16.138, FS-P+B (N° Lexbase : A0270PLL).

Rejet (CA Grenoble, 5 février 2015, sept arrêts dont n° 13/01856 N° Lexbase : A0212NBH).

Textes concernés : C. trav., art. L. 1243-1 (N° Lexbase : L0887I7Y), Convention collective du rugby, art. 11.2.

Mots-clefs : sportif professionnel ; contrat de travail ; durée déterminée ; rupture anticipée ; stipulation conventionnelle plus favorable.

Lien base : (N° Lexbase : E2300ETD).

Cass. soc., 10 février 2016, n° 14-30.095, FS-P+B (N° Lexbase : A0267PLH).

Cassation (CA Douai, 31 octobre 2014, n° 13/02409 N° Lexbase : A5756MZ9).

Texte visé : C. trav., art. L. 1243-1.

Mots-clefs : sportif professionnel ; contrat de travail ; durée déterminée ; rupture anticipée ; stipulation conventionnelle moins favorable ; exigence d'une faute grave

Lien base : (N° Lexbase : E2300ETD).

Cass. soc., 10 février 2016, n° 14-28.084, FS-P+B (N° Lexbase : A0337PL3).

Cassation partielle (CA Nîmes, 7 octobre 2014, n° 12/05891 N° Lexbase : A8891MXL).

Texte visé : Charte du football professionnel, art. 680, qui a valeur de convention collective sectorielle, dans sa rédaction applicable au litige.

Mots-clefs : football professionnel ; entraîneur ; contrat de travail ; durée minimale.

Cass. soc., 10 février 2016, n° 15-16.080, FS-P+B (N° Lexbase : A0324PLL).

Rejet (CA Grenoble, 5 février 2015 n° 13/01852 N° Lexbase : A0820NBY).

Texte concerné : Convention collective nationale du sport, art. 12.3.3 (N° Lexbase : X7393AGW).

Mots-clefs : entraîneur ; contrat de travail ; durée indéterminée.

Cass. soc., 10 février 2016, n° 14-26.147, FS-P+B (N° Lexbase : A0230PL4).

Cassation partielle (CA Rennes, 5 septembre 2014, n° 12/06945 N° Lexbase : A0367MWI).

Textes visés : C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) ; Charte du football professionnel, art. 761, laquelle a valeur de convention collective sectorielle.

Mots-clefs : joueur professionnel ; contrat de travail ; modification ; exigence du consentement exprès du salarié.

Lien base : (N° Lexbase : E8923ESB).

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