Jurisprudence : CE 4/1 SSR, 20-01-1992, n° 90251

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 90251

Marc SEYFRIED

Lecture du 20 Janvier 1992

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 août 1987 et 7 décembre 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Marc SEYFRIED, demeurant 66, avenue Gavinot à Soisy-sous-Montmorency (95230) ; M. SEYFRIED demande que le Conseil d'Etat annule la décision en date du 7 avril 1987 par laquelle la Chambre nationale de discipline des architectes a prononcé sa suspension pour trois mois ;
Vu les autres pièces du dossier, et notamment la décision du conseil régional de l'Ile-de-France en date du 26 juin 1984 ;
Vu la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977, le décret n° 77-1481 du 28 décembre 1977 et le décret n° 80-217 du 20 mars 1980 portant code des devoirs professionnels des architectes ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu : - le rapport de M. Sanson, Maître des requêtes, - les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. Marc SEYFRIED, - les conclusions de Mme Laroque, Commissaire du gouvernement ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi sur l'architecture du 3 janvier 1977 : "quiconque désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation de construire doit faire appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l'objet de la demande de permis de construire, sans préjudice du recours à d'autres personnes participant soit individuellement soit en équipe à la conception ... le projet architectural mentionné ci-dessus définit par des plans et documents écrits l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs", et qu'aux termes de l'article 5 du décret du 20 mars 1980 portant code de déontologie des architectes : "un architecte qui n'a pas participé à l'élaboration d'un projet ne peut en aucun cas y apposer sa signature ni prétendre à une rémunération à ce titre ... la signature de complaisance est interdite" ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumises aux juges du fond, que M. SEYFRIED a fait valoir qu'ayant passé, le 7 mars 1983, avec la société Vermandoise de Sucrerie, un contrat pour la conception et la réalisation d'un "magasin à sucre" à Sainte-Emilie (Somme), sa mission comprenait l'établissement du dossier de permis de construire, d'un plan de situation, d'un plan masse, d'un plan de rez-de-chaussée, d'un plan des façades et d'une coupe de principe, que le bâtiment à réaliser n'était pas un simple entrepôt mais une installation industrielle complexe de 3 350 m2, et d'un coût de 12 millions de francs hors taxes ; qu'il était convenu entre les parties que ses travaux seraient effectués en prenant pour base les études et calculs mis au poit par le bureau d'ingénierie "Solutions et Réalisations" ; que, s'appuyant sur ces études, il avait élaboré les documents qu'il s'était engagés à fournir et que, par rapport aux options suggérées par le bureau d'ingénierie, il avait, notamment, imposé la modification de certains éléments de façade et le changement des couleurs du bâtiment, pour faciliter, conformément à la loi, l'insertion harmonieuse du bâtiment dans son environnement ; que, pour estimer que M. SEYFRIED, en signant le permis de construire avait, en réalité, délivré une "signature de complaisance" au sens du décret précité du 20 mars 1980, la Chambre nationale de discipline des architectes s'est bornée à affirmer que l'intéressé avait seulement établi quelques plans et façades en réduction du projet initial du bureau d'études, que les modifications qu'il avait apportées à ce projet étaient mineures et qu'il n'avait en aucune façon apporté son concours à l'élaboration du projet architectural, si ce n'est pour le choix des couleurs ; que, ce faisant, elle a dénaturé les faits qui lui étaient soumis ; que, le requérant est, dès lors, fondé à demander l'annulation de la décision du 7 avril 1987 par laquelle la Chambre nationale de discipline des architectes a prononcé sa suspension pour trois mois ;
Considérant qu'aux termes de la loi susvisée du 31 décembre 1987 le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que, devant la Chambre nationale de discipline des architectes, le ministre de l'urbanisme, du logement et des transports n'a invoqué contre M. SEYFRIED aucune autre faute professionnelle qu'un manquement aux obligations de l'article 5 du décret du 20 mars 1980 susmentionné ; qu'il résulte de tout ce qui précède que M. SEYFRIED n'a commis aucune faute de cette nature ; que, par suite, l'appel formé par le ministre de l'urbanisme, du logement et des transports devant la Chambre nationale de discipline des architectes doit être rejeté ;
Article 1er : La décision en date du 7 avril 1987 de la chambre nationale de discipline des architectes est annulée.
Article 2 : L'appel formé par le ministre de l'urbanisme, du logement et des transports devant la chambre nationale de discipline des architectes est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. SEYFRIED, au conseil national de l'ordre des architectes et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer.

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