AFFAIRE : N° RG 20/02721 -
N° Portalis DBVC-V-B7E-GUPQ
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du Juge commissaire de CAEN en date du 01 Décembre 2020
RG n° 2020000846
COUR D'APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2022
APPELANTE :
S.A.S. DU NOIREAU
N° SIRET : 421 533 241
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Stéphane PIEUCHOT, avocat au barreau de CAEN
INTIMES :
Maître [K] [H] mandataire judiciaire de la SAS DU NOIREAU
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté et assisté de Me Stéphane PIEUCHOT, avocat au barreau de CAEN
S.A.S. ITM ALIMENTAIRE OUEST
N° SIRET : 452 534 415
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Me Jean-Jacques SALMON, avocat au barreau de CAEN,
assistée de Me Bruno CRESSARD, avocat au barreau de RENNES
INTERVENANTE VOLONTAIRE :
S.E.L.A.R.L. AJIRE administrateur judiciaire de la SAS DU NOIREAU
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 5]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Stéphane PIEUCHOT, avocat au barreau de CAEN
DEBATS : A l'audience publique du 03 octobre 2022, sans opposition du ou des avocats, Mme COURTADE, Conseillère, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme COLLET, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
Mme VELMANS, Conseillère,
ARRÊT prononcé publiquement le 15 décembre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'
article 450 du code de procédure civile🏛 et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
La SAS DU NOIREAU a conclu un contrat d'enseigne avec la société ITM ENTREPRISES aux termes duquel elle s'est engagée à exploiter un fonds de commerce sous l'enseigne INTERMARCHE.
La SAS DU NOIREAU est notamment approvisionnée par la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST.
Par jugement du 11 avril 2018, le tribunal de commerce de Caen a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la SAS DU NOIREAU.
Le 7 juin 2018, la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST a déclaré sa créance au passif de la procédure collective pour un montant de 1 831 057,41€ à titre chirographaire en vertu de factures impayées.
Parallèlement, la SAS DU NOIREAU a mentionné sur la liste remise au mandataire judiciaire une créance d'un montant de 1 626 170,11€.
La créance de la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST a été contestée par la SAS DU NOIREAU dans son intégralité.
Par ordonnance du 1er décembre 2020, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Caen a :
- ordonné l'admission définitive de la créance de la société ITM ALIM OUEST pour la somme de 1 626 170,11€ à titre chirographaire ;
- invité le créancier à saisir un arbitre ou une cour arbitrale pour statuer sur la somme de 204 887,41€ ;
- passé les dépens en frais privilégiés de la procédure collective.
Par déclaration du 11 décembre 2020, la SAS DU NOIREAU a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 20 juin 2022, la SAS DU NOIREAU demande de :
- Infirmer l'ordonnance entreprise
Et statuant à nouveau,
A titre principal et avant toute défense au fond
Vu l'
article R. 624-5 du code de commerce🏛- Constater que les contestations soulevées et que la question de l'admission des créances déclarées au passif de la société DU NOIREAU par la société ITM ALIMENTAIRE OUEST échappent au pouvoir juridictionnel de la cour d'appel statuant avec les mêmes attributions que celles du juge-commissaire
- Prononcer un sursis à statuer jusqu'à l'aboutissement de la procédure d'arbitrage
A titre subsidiaire
Vu les dispositions de l'
article 1353 du Code civil🏛,
- Rejeter du passif de la société DU NOIREAU les créances déclarées par la société ITM ALIMENTAIRE OUEST
- Condamner la société ITM ALIMENTAIRE OUEST à lui payer des dommages-intérêts d'un montant équivalant à la créance déclarée au passif par la société ITM ALIMENTAIRE OUEST
En toute hypothèse,
- Condamner la société ITM ALIMENTAIRE OUEST à lui payer une indemnité de 4.500€ en vertu de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
- La condamner aux entiers dépens
- Accorder à la SELARL [N] ET ASSOCIES représentée par Maître [R] [N], le bénéfice du droit de recouvrement direct instauré par l'
article 699 du Code de Procédure Civile🏛.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 16 juin 2022, la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST demande à la cour de :
A titre principal
- Confirmer la décision du juge commissaire et admettre la créance de la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST au passif de la société DU NOIREAU à hauteur de 1 626 170 .11 €
- Infirmer la décision du Juge Commissaire « Invitant le créancier à saisir un arbitre ou une cour arbitrale pour statuer sur la somme de 204 887.41 € » et se déclarer compétente
- Réformer en conséquence la décision du juge commissaire concernant le solde et admettre la créance de la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST au passif de la société DU NOIREAU à hauteur de 1 831 057.41 €.
A titre subsidiaire,
- Confirmer la décision du juge commissaire et admettre la créance de la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST au passif de la société DU NOIREAU à hauteur de 1 626 170 .11 €
- Infirmer la décision du Juge Commissaire « Invitant le créancier à saisir un arbitre ou une cour arbitrale pour statuer sur la somme de 204 887.41 € » de se déclarer compétente et renvoyer le créancier à saisir le Tribunal de Commerce de Caen.
Sur la demande reconventionnelle
' A titre principal
Vu l'
article 1448 du code de procédure civile🏛 Se déclarer incompétent pour traiter de la demande reconventionnelle et inviter la société DU NOIREAU à mieux se pourvoir.
' A titre subsidiaire,
La déclarer irrecevable et infondée
' Condamner la société DU NOIREAU à payer à la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST la somme de 5000 € au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ' Condamner la société DU NOIREAU aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 26 janvier 2021, la SELARL AJIRE ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS DU NOIREAU demande de lui donner acte de son intervention volontaire visant à voir donner adjonction aux demandes formulées par la SAS DU NOIREAU dans le cadre de la procédure d'admission des créances.
Par ordonnance du 8 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a, au visa de l'
article 909 du code de procédure civile🏛, déclaré Me [H], mandataire judiciaire de la SAS DU NOIREAU irrecevable à conclure.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 septembre 2022.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
Il convient de donner acte à la SELARL AJIRE ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS DU NOIREAUde son intervention volontaire sur la procédure.
I. Sur la demande de réouverture des débats
Par une note en délibéré déposée le 12 octobre 2022, le conseil de la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture et la réouverture des débats pour permettre la communication officielle des pièces jointes à sa déclaration de créance.
Elle fait valoir qu'elle n'a pas communiqué ces pièces devant la cour par suite d'une erreur matérielle et que cette difficulté a été soulevée seulement oralement par la SAS DU NOIREAU.
Par courrier déposé le 14 octobre 2022, le conseil de la SAS DU NOIREAU s'oppose à cette demande, indiquant qu'il appartenait à son confrère de communiquer ses factures avant la clôture de l'instruction.
L'
article 132 du code de procédure civile🏛 dispose que la partie qui fait état d'une pièce s'oblige à la communiquer à toute autre partie à l'instance et que cette communication doit être spontanée.
Par ailleurs, la cour ne peut statuer que sur les pièces produites en appel conformément aux dispositions de l'
article 906 du code de procédure civile🏛.
La SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST ne justifie d'aucun motif légitime l'ayant empêchée de communiquer l'ensemble de ses pièces, étant rappelé qu'elle a disposé d'un délai de plus de 18 mois pour y procéder avant la clôture.
En conséquence, sa demande de rabat de l'ordonnance de clôture et de réouverture des débats est rejetée.
II. Sur la demande de sursis à statuer sur l'admissionde la créance liée à l'existence d'une contestation sérieuse
La cour d'appel, saisie d'un recours contre une décision du juge-commissaire statuant en matière de vérification des créances, statue avec les pouvoirs de celui-ci.
La cour considère que la discussion soulevée par la SAS DU NOIREAU relativement à la preuve de la créance invoquée par la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST ne constitue pas une contestation sérieuse au sens de l'
article L 624-2 du code de commerce🏛 nécessitant un débat devant le juge du fond et qu'elle relève donc du pouvoir juridictionnel du juge-commissaire.
Quant à l'allégation par la SAS DU NOIREAU d'une créance réciproque de dommages et intérêts liée à un manque de bonne foi de l'intimée dans l'exécution de la convention, susceptible de se compenser avec la créance déclarée, elle ne s'analyse pas en une contestation dès lors qu'elle ne porte pas sur l'existence, le montant ou la nature de la créance déclarée par la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST.
Au vu de ces éléments, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer sur l'admission de la créance ni de renvoyer les parties à saisir le tribunal arbitral.
III. Sur le fond
Selon l'
article L 110-3 du code de commerce🏛, à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
Il incombe à la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST de justifier de l'existence et du montant de sa créance, cette preuve conditionnant l'admission de sa créance.
La SAS DU NOIREAU étant une société commerciale, la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST peut librement prouver que les marchandises dont elle réclame le paiement ont bien été commandées et livrées.
L'appelante soutient que la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST est défaillante pour démontrer la réalité des livraisons invoquées, en l'absence de justificatifs sur le processus commande/livraison/facturation.
A l'appui de sa demande d'admission, la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST se fonde notamment sur les relations d'affaires qui existent entre les parties depuis plusieurs années, les factures qu'elle a émises et l'absence de protestation de l'appelante à leur réception.
Faute de production des factures en appel, la cour n'est pas en mesure de les analyser ni de les retenir comme élément de preuve, peu important qu'elles aient été communiquées en première instance ainsi qu'au mandataire judiciaire.
C'est encore vainement que l'intimée se prévaut de l'inscription de sa créance par la SAS DU NOIREAU sur la liste des créanciers remise au mandataire judiciaire.
Cette liste ne s'analyse pas en une reconnaissance de dette.
Elle constitue, en vertu de l'article L 622-24 al 3 du code de commerce, seulement une présomption de déclaration en faveur du créancier mais ne saurait dispenser celui-ci de la preuve de sa créance.
La relation d'affaires entre les parties n'empêche pas l'appelante de contester la facturation litigieuse.
Quant aux documents comptables relatifs à la SAS DU NOIREAU, ils sont insuffisants à établir le bien-fondé de la créance alléguée.
Aucun élément ne permet de déterminer les dates de livraison, la nature, la quantité et le montant des marchandises prétendûment fournies.
Au vu de ces observations, il convient de rejeter la demande d'admission de la créance déclarée par la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST, le jugement étant infirmé de ce chef.
Il ne relève pas de la compétence juridictionnelle du juge-commissaire dans le cadre de l'admission des créances, ni de la cour statuant sur appel d'une ordonnance du juge-commissaire, de statuer au fond sur des demandes reconventionnelles de dommages et intérêts.
Par suite, la demande subsidiaire de dommages et intérêts présentée par la SAS DU NOIREAU est déclarée irrecevable.
IV. Sur les demandes accessoires
La SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST succombant, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de débouter les parties de leur demande au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
DONNE acte à la SELARL AJIRE ès qualités d'administrateur judiciaire de la SAS DU NOIREAU de son intervention volontaire sur la procédure ;
DEBOUTE la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de réouverture des débats;
INFIRME l'ordonnance entreprise ;
DIT n'y avoir lieu à surseoir à statuer sur l'admission de la créance ni à renvoyer les parties à saisir le tribunal arbitral ;
REJETTE la créance déclarée par la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST à hauteur de 1 831 057,41€ à titre chirographaire en vertu de factures impayées ;
DECLARE irrecevable la demande de dommages et intérêts formée par la SAS DU NOIREAU ;
DEBOUTE les parties de leur demande au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛 ;
CONDAMNE la SAS ITM ALIMENTAIRE OUEST aux dépens de première instance et d'appel avec droit de recouvrement direct au profit des avocats constitués en la cause qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
N. LE GALL F. EMILY