COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 juin 2023
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 460 F-B
Pourvois n°
T 21-25.952
X 22-12.045 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 JUIN 2023
I - M. [R] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 21-25.952 contre un arrêt rendu le 16 décembre 2021 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 2), dans le litige l'opposant à la société Financière Wagram, société de participations financières de professions libérales à forme de société par action simplifiée (SPFPL), dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
II - La société Financière Wagram, société de participations financières de professions libérales à forme de société par action simplifiée (SPFPL), a formé le pourvoi n° X 22-12.045 contre le même arrêt rendu, dans le litige l'opposant à M. [R] [Y], défendeur à la cassation.
Le demandeur au pourvoi n° T 21-25.952 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
La demanderesse au pourvoi n° X 22-12.045 invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [Y], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Financière Wagram, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° T 21-25.952 et n° X 22-12.045 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Douai,16 décembre 2021), le 4 juin 2015, un « pacte entre associés et obligataires » a été conclu entre M. [Y], président et associé de la société d'exercice libéral par actions simplifiée GPF [Y] (la société [Y]), et les sociétés Financière Alma et Corpore + Aa Ab, aux droits desquelles sont venues respectivement les sociétés Financière Wagram (la société FW) et Ac.
3. Les statuts de la société [Y] comportent un article 2-9 intitulé « Exclusion pour manquement aux obligations professionnelles ».
4. Le pacte d'associés et d'obligataires stipule, en son article 14 C, qu'en cas de non-respect de l'un quelconque de ses engagements par l'une des parties, l'autre peut lui adresser une mise en demeure aux fins de respecter ses engagements et qu'à défaut de régularisation dans un délai de trente jours, la partie fautive s'engage irrévocablement, au choix de la partie victime de la défaillance, soit à acquérir la totalité des actions de la partie victime de la défaillance, soit à lui céder la totalité de ses propres actions.
5. Soutenant que M. [Ad] n'avait pas respecté ses obligations résultant de ce pacte, la société FW l'a assigné aux fins de le voir condamner à lui céder ses actions dans le capital de la société [Y].
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi n° T 22-25.952
6. En application de l'
article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi n° X 22-12.045
Enoncé du moyen
7. La société FW fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir ordonner l'exécution forcée du pacte du 4 juin 2015 et la mise en uvre des dispositions de son article 14 C et à voir condamner M. [Y] à lui céder les actions qu'il détient dans le capital de la société [Y], alors « que selon l'
article L. 227-15 du code de commerce🏛, toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle ; qu'en l'espèce, la clause 14 C du pacte d'associés du 4 juin 2015 stipulait qu'en cas de non-respect de l'un quelconque des engagements par l'une ou l'autre des parties, l'autre pourrait lui adresser une mise en demeure aux fins de respecter ses engagements, et qu'à défaut de régularisation dans un délai de trente jours, la partie fautive s'engageait irrévocablement, si la partie victime de la défaillance le sollicitait "soit à acquérir la totalité des actions de la partie victime de la défaillance, soit à lui céder la totalité de ses propres actions" ; que cette clause comportait ainsi une double promesse, de vente ou d'achat, un associé s'engageant envers l'autre, soit à lui acheter ses droits sociaux, soit à lui vendre les siens, à un prix convenu ; qu'en énonçant, pour retenir la nullité partielle de la clause, qu'elle contrevenait à la clause statutaire d'exclusion 2-9, laquelle n'avait pas trait à la cession des titres, mais régissait le cas d'exclusion d'un associé pour violation des règles de fonctionnement de la société, la cour d'appel a violé l'article L. 227-15 du code de commerce, ensemble l'
article 1134 du code civil🏛, dans sa rédaction applicable. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 227-15 du code de commerce :
8. Aux termes de ce texte, toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle.
9. Ce texte ne régissant pas l'exclusion d'un associé et la cession forcée de ses actions qui en résulte, la nullité qu'il prévoit vise uniquement à sanctionner la violation de toute clause statutaire ayant pour objet la cession d'actions librement consentie par leur titulaire.
10. Pour rejeter les demandes de la société FW tendant à l'exécution forcée du pacte d'associés et d'obligataires du 4 juin 2015 et à la mise en uvre des dispositions de son article 14 C et à voir condamner M. [Y] à lui céder les actions qu'il détient dans le capital de la société [Y], l'arrêt retient que l'article 14 C du pacte doit être déclaré nul en ce qu'il permet l'exclusion d'un associé dans des hypothèses et selon un processus qui contreviennent à l'article 2-9 des statuts.
11. En statuant ainsi, alors que l'article 2-9 des statuts ne concerne pas la cession des actions de la société [Y] mais régit le cas d'exclusion d'un associé pour violation des règles de fonctionnement, de sorte qu'il n'a pas pour objet de priver un associé de la faculté de conclure une promesse unilatérale de vente de ses actions consentie sous la conditions suspensive de la réalisation d'un événement qu'elle prévoit, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il rejette les demandes de la société Financière Wagram tendant à voir ordonner l'exécution forcée du pacte du 4 juin 2015 et la mise en uvre des stipulations de son article 14 C et à voir condamner M. [Y] à lui céder les 344 285 actions détenues dans le capital de la société GPF Clayes moyennant le prix de 328 497,73 euros, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du 180e jour suivant la signification de l'arrêt, et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'
article 700 du code de procédure civile🏛, l'arrêt rendu le 16 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par M. [Ad] et le condamne à payer à la société Financière Wagram la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.