SOC. PRUD'HOMMES FB
COUR DE CASSATION
Audience publique du 26 juin 2013
Rejet
M. BÉRAUD, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président
Arrêt no 1179 F-D
Pourvoi no Y 12-15.387
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme Nadine Z.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 décembre 2011.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant
Statuant sur le pourvoi formé par Mme Nadine Z, divorcée Z, domiciliée Besançon,
contre l'arrêt rendu le 29 mars 2011 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), dans le litige l'opposant
1o/ à M. Fabrice Z, domicilié Velesmes-Essarts, exerçant sous l'enseigne APS sécurité,
2o/ à M. Pascal Y, domicilié Lons Le Saunier cedex, pris en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de M. Fabrice Z,
3o/ à l'AGS CGEA de Nancy, dont le siège est Nancy cedex,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 mai 2013, où étaient présents M. Béraud, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Lambremon, M. Struillou, conseillers, Mme Becker, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Béraud, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de Mme Z, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 29 mars 2011) que M. Z exerçant sous l'enseigne APS sécurité, placé en redressement judiciaire le 10 avril 2008, employant Mme W en qualité d'assistante de direction, après avoir adressé à cette salariée des lettres constatant son absence lors de l'entretien préalable à un licenciement pour motif économique et lui proposant un reclassement dans un emploi d'opératrice en télésurveillance ainsi que son adhésion à une convention de reclassement personnalisé, et répondu à la demande de précision de la salariée se disant intéressée par le reclassement proposé, lui a, par lettre du 23 juillet 2008, notifié son licenciement économique en lui rappelant que, si elle acceptait la proposition de reclassement, la procédure deviendrait sans objet ;
Attendu que Mme W fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à ce qu'il soit jugé qu'elle a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique dépourvu de cause réelle et sérieuse et tendant à ce que des sommes versées à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d'indemnité de licenciement, de rappel de salaire, de congés payés y afférents, de rappel de prime de panier et d'indemnité compensatrice de congés payés soient fixées à l'égard du redressement judiciaire de M. Z, alors, selon le moyen
1o/ que le licenciement est un acte unilatéral qui ne peut être notifié au salarié sous condition résolutoire de son acceptation expresse de la proposition de reclassement ; qu'en jugeant que l'acceptation par la salariée de la proposition de reclassement qui lui avait été faite dans la lettre de notification de son licenciement pour motif économique avait eu pour effet de réputer son licenciement nul et non avenu, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1231-4 du code du travail, ensemble l'article 3 de la convention no 158 de l'OIT ;
2o/ que le licenciement est un acte unilatéral que l'employeur ne peut rétracter sans l'accord exprès du salarié concerné ; que la rétractation ne peut dès lors intervenir avant que la décision de licenciement ne soit ferme et définitive ; qu'en considérant que l'existence du licenciement pouvait être subordonnée au refus de la salariée de la proposition de reclassement, la cour d'appel n'a pas fait précéder la rétractation d'une décision de licenciement ferme et définitive et partant a violé les articles L. 1231-1, L. 1231-4, L. 1232-2, L. 1233-2, L. 1233-4, L. 1233-15, et L. 1233-16 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
3o/ que les recherches et les offres de reclassement du salarié dont le licenciement pour motif économique est envisagé doivent être faites avant la date du licenciement ; qu'en considérant que l'employeur avait pu formuler une offre de reclassement dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-4 et L. 1232-1 du code du travail ;
4o/ que Mme W faisait valoir que son licenciement, notifié le 23 juillet 2008 soit postérieurement au placement en redressement judiciaire de son employeur le 10 juin 2008, était intervenu sans autorisation du juge-commissaire et en déduisait que celui-ci était privé de cause réelle et sérieuse ; que faute d'avoir répondu à ce moyen déterminant des écritures de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'au titre de son obligation de reclassement l'employeur doit proposer au salarié les emplois disponibles au moment où il manifeste sa volonté de mettre fin au contrat de travail en notifiant la lettre de licenciement, d'autre part, qu'il peut offrir au salarié la faculté de remettre en cause ce licenciement par l'acceptation des propositions de reclassement interne contenues dans cette lettre ;
Et attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que la lettre de licenciement contenait une proposition de reclassement au sein de l'entreprise, précisait qu'en cas d'acceptation de cette proposition le licenciement deviendrait sans objet, et constaté que l'intéressée avait accepté expressément ce reclassement, c'est à bon droit qu'elle en a déduit que la salariée n'avait pas été licenciée ; que le moyen, inopérant en sa quatrième branche et critiquant un motif surabondant en sa deuxième, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme W aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour Mme W.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame W de ses demandes tendant à ce qu'il soit dit et jugé qu'elle a fait l'objet d'un licenciement pour motif économique dépourvu de cause réelle et sérieuse et à tendant à ce que des sommes versées à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d'indemnité de licenciement, de rappel de salaire, de congés payés y afférents, de rappel de prime de panier et d'indemnité compensatrice de congés payés soient fixées à l'égard du redressement judiciaire de Monsieur Z ;
AUX MOTIFS QUE il résulte des termes de la lettre de licenciement pour motif économique en date du 23 juillet 2008 adressée à Mme Nadine WZ, que son licenciement lui a été notifié sous condition résolutoire de l'acceptation expresse par celle-ci de la proposition de reclassement qui lui avait été faite le 1er juillet 2008 sur un poste d'opératrice de télésurveillance ; que cette modalité, pour inhabituelle qu'elle soit, n'est pas contraire aux dispositions légales, étant rappelé que le caractère définitif de la notification du licenciement ne fait pas obstacle à la rétractation de celui-ci, dès lors que le salarié a donné son accord ; que tel est précisément le cas en l'espèce, puisqu'en réponse à ladite lettre de licenciement, Madame W a par courrier du 20 juillet 2008, indiqué qu'elle acceptait le poste de reclassement proposé aux conditions indiquées dans la lettre du 1er juillet 2008, et était disposé à l'occuper dès que son état de santé le lui permettrait ; que cette acceptation expresse, claire et non équivoque, privait ipso facto le licenciement de tout effet, conformément à la volonté exprimée par l'employeur, lequel ne pouvait se voir imposer a posteriori une décision de rupture que la salariée l'avait autorisé à rétracter par son acceptation sans réserve ; que celle-ci ne peut sérieusement se prévaloir de la mention "préavis à compter du 25 juillet 2008" figurant sur son seul bulletin de salaire de juillet qui a été établi vraisemblablement avant la réception de son acceptation, alors que cette mention a disparu des bulletins de salaire d'août et septembre 2008 et que l'employeur lui a confirmé par courrier du 22 septembre 2008 que l'acceptation de l'offre de reclassement avait mis un terme immédiat à la procédure de licenciement, conformément aux termes de la lettre de rupture ; que l'absence de mention de son contrat de travail dans l'acte de cession de sa clientèle de télésurveillance consenti par Mr Fabrice Z au profit de la société Kheops Sécurité le 29 octobre 2010, ne saurait davantage être invoquée comme preuve de la rupture de son contrat de travail à la date du 26 juillet 2008, le cédant déclarant conserver à son service les salariés intervenant sur l'activité de télésurveillance et supporter la charge de toute réclamation de leur part en suite de la cession ; que le licenciement est réputé nul et non avenu ;
AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE le 17 juin 2008, la société APS SÉCURITÉ a adressé un courrier recommandé avec accusé réception à Madame Z en vue d'un entretien préalable à un licenciement économique lié à la mise en redressement judiciaire, fixé le 30 juin 2008 ; que Madame Z ne s'est pas présenté à l'entretien préalable ; que le 30 juin 2008, la société APS SÉCURITÉ a adressé deux courriers recommandés avec avis de réception à Madame Z, l'un pour lui signifier son absence, l'autre pour lui proposer le reclassement envisagé ainsi que l'envoi du formulaire de CRP ; que le 7 juillet 2008, Madame Z a informé la société APS SÉCURITÉ qu'elle était intéressée par le poste proposé pour le reclassement et a demandé un complément d'information relatif à l'emploi proposé ; que le 8 juillet 2008, l'employeur répond point par point aux demandes de Madame Z ; que l'employeur étant sans réponse de la part de Madame Z, il lui a adressé un courrier le 23 juillet 2008 en lui indiquant qu'il était amené à procéder à son licenciement économique en lui rappelant toutefois, qui si elle acceptait la proposition de reclassement, la procédure deviendrait sans objet ; que le 29 juillet 2008, Madame Z a adressé un courrier recommandé avec avis de réception, précisant qu'elle acceptait la proposition de reclassement et qu'elle informerait la société APS SÉCURITÉ que dès que son état de santé lui permettrait une reprise de son activité professionnelle ;
1/ ALORS QUE le licenciement est un acte unilatéral qui ne peut être notifié au salarié sous condition résolutoire de son acceptation expresse de la proposition de reclassement ; qu'en jugeant que l'acceptation par la salariée de la proposition de reclassement qui lui avait été faite dans la lettre de notification de son licenciement pour motif économique avait eu pour effet de réputer son licenciement nul et non avenu, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1 et L. 1231-4 du code du travail, ensemble l'article 3 de la convention no158 de l'OIT ;
2/ ALORS QUE le licenciement est un acte unilatéral que l'employeur ne peut rétracter sans l'accord exprès du salarié concerné ; que la rétractation ne peut dès lors intervenir avant que la décision de licenciement ne soit ferme et définitive ; qu'en considérant que l'existence du licenciement pouvait être subordonnée au refus de la salariée de la proposition de reclassement, la cour d'appel n'a pas fait précéder la rétractation d'une décision de licenciement ferme et définitive et partant a violé les articles L. 1231-1, L. 1231-4, L. 1232-2, L. 1233-2, L. 1233-4, L. 1233-15, et L. 1233-16 du code du travail, ensemble l'article 1134 du code civil ;
3/ ALORS QUE les recherches et les offres de reclassement du salarié dont le licenciement pour motif économique est envisagé doivent être faites avant la date du licenciement ; qu'en considérant que l'employeur avait pu formuler une offre de reclassement dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-4 et L. 1232-1 du code du travail ;
4/ ALORS QUE Madame W faisait valoir que son licenciement, notifié le 23 juillet 2008 soit postérieurement au placement en redressement judiciaire de son employeur le 10 juin 2008, était intervenu sans autorisation du juge commissaire et en déduisait que celui-ci était privé de cause réelle et sérieuse ; que faute d'avoir répondu à ce moyen déterminant des écritures de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en méconnaissance de l'article 455 du code de procédure civile.