Jurisprudence : Cass. soc., 19-06-2013, n° 10-21.351, F-D, Rejet

Cass. soc., 19-06-2013, n° 10-21.351, F-D, Rejet

A1842KHP

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:SO01126

Identifiant Legifrance : JURITEXT000027600961

Référence

Cass. soc., 19-06-2013, n° 10-21.351, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/8859958-cass-soc-19062013-n-1021351-fd-rejet
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SOC. PRUD'HOMMES MF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 19 juin 2013
Rejet
M. BLATMAN, conseiller le plus ancien faisant fonction de président
Arrêt no 1126 F-D
Pourvoi no Q 10-21.351
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par la société O'Clair transport, société à responsabilité limitée, dont le siège est Montfermeil,
contre l'arrêt rendu le 28 mai 2010 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant
1o/ à M. Ali Y, domicilié Neuilly-sur-Marne,
2o/ à la société Thermo trans logistique et transport du froid, société à responsabilité limitée, dont le siège est Bobigny cedex,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 22 mai 2013, où étaient présents M. Blatman, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Le Boursicot, conseiller rapporteur, Mme Goasguen, conseiller, M. Foerst, avocat général, Mme Bringard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Le Boursicot, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société O'Clair transport, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Y, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 mai 2010), que M. Y a été engagé le 29 novembre 2004 par la société Thermo trans logistique et transport du froid (ci-après société Thermo trans), en qualité de chauffeur-livreur ; qu'il a été placé en position d'arrêt maladie à compter du 22 février 2007 ; qu'il a reçu des bulletins de paie de la société O'Clair transport de janvier 2007 à août 2007, avec salaire néant à compter de mars 2007 ; que par lettre du 8 mars 2007, la société O'Clair transport lui a reproché d'être absent depuis le 22 février 2007 et a conclu à son licenciement ; que l'intéressé a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes à l'encontre des sociétés O'Clair transport et Thermo trans ;

Sur le premier moyen
Attendu que la société O'Clair transport fait grief à l'arrêt de la condamner in solidum avec la société Thermo trans, à payer diverses sommes à M. Y, alors, selon le moyen, que lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail d'un salarié d'une entreprise à une autre ne peut intervenir sans son accord exprès, lequel ne peut résulter de la seule poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, le salarié, qui se prévalait de ce principe, faisait valoir qu'il n'avait pas donné son accord au transfert de son contrat de la société Thermo trans à la société ...'Clair, de sorte que cette dernière ne pouvait être considérée comme son employeur ; qu'ayant constaté que l'accord de M. Y sur le transfert de son contrat de travail n'avait jamais été recherché, ce dont il résulte que son contrat de travail n'avait pu être transféré à la société ...'Clair et que la société Thermo trans était restée son seul et unique employeur, peu important que le salarié ait continué de travailler dans les conditions nouvelles, la cour d'appel, en décidant le contraire, a violé le texte susvisé ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la société ...' Clair transport assignait ses parcours de livraison quotidiens à M. Y, en contrôlait l'exécution, en sanctionnait les manquements, lui fournissait une rémunération attestée par des bulletins de salaires et lui avait adressé la lettre du 8 mars 2007 pour lui notifier la procédure de licenciement, la cour d'appel en a exactement déduit l'existence d'un lien de subordination de l'intéressé vis-à-vis de la société O'Clair transport ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a relevé que le transfert du contrat de travail du salarié avait été réalisé de manière occulte en dehors des prévisions de l'article L. 1224-1 du code du travail, par des sociétés que rapprochaient des connivences personnelles, a souverainement caractérisé un concert frauduleux entre elles ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen
Attendu que la société O'Clair transport fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Thermo trans, à payer au salarié les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compensatrice de préavis, conventionnelle de licenciement et des dommages-intérêts pour le préjudice distinct du licenciement, alors, selon le moyen
1o/ que l'absence injustifiée constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'occurrence, l'arrêt constate que le salarié, absent pour cause de maladie, n'a pas averti son nouvel employeur, la société ...'Clair, ni justifié des raisons de son absence ; qu'en retenant néanmoins que le licenciement du salarié n'était pas justifié, au motif inopérant que l'accord du salarié n'a jamais été recherché sur le transfert du contrat de travail, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;
2o/ qu'ayant constaté que la société O'Clair transport avait réglé le salaire de M. Y, qu'elle lui avait délivré des bulletins de paie et des feuilles de mission, ce dont il résulte que le salarié était informé du transfert de son contrat de travail à cette société et de la qualité d'employeur de cette dernière, la cour d'appel, en retenant le contraire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et elle a violé l'article L. 1232-1 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le salarié, qui justifiait avoir adressé les justificatifs de son arrêt maladie à la société Thermo trans, s'était trouvé confronté à une dualité d'employeurs, sans que son accord ait été recherché sur le transfert du contrat de travail et sans que l'information lui en ait été donnée, la cour d'appel, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, a décidé que les faits reprochés au salarié ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen
Attendu que la société O'Clair transport fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Thermo trans, à payer au salarié des dommages-intérêts pour le préjudice distinct du licenciement, alors, selon le moyen, que l'octroi de dommages-intérêts se cumulant avec l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse est subordonné à la caractérisation d'un abus de l'employeur dans les circonstances de la rupture ; que le seul fait pour une société, mise en cause par un salarié détaché en son sein, de contester sa qualité d'employeur de ce salarié, participe des droits de la défense et ne caractérise aucun abus dans les circonstances du licenciement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que le concert frauduleux et les agissements fautifs des deux sociétés avaient causé au salarié un préjudice matériel et moral distinct et a décidé de lui allouer des dommages-intérêts ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société O'Clair transport aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société O'Clair transport à payer à M. Y la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société O'Clair transport.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société O'Clair ..., in solidum avec la société Thermo Trans Logistique et Transport du froid, à payer à Monsieur Ali Y diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement, et de dommages intérêts pour le préjudice distinct du licenciement ;
AUX MOTIFS QU'il n'est pas justifié que la société Thermo Trans ait jamais mis fin au contrat de travail signé le 22 novembre 2004 ni qu'une telle rupture ait été à l'origine de Monsieur Y ; que ce dernier produit des bulletins de salaire jusqu'à la date du 31 octobre 2006 soit deux mois avant le début de la relation de travail avec la société O'Clair transport ; que les extraits K bis versés aux débats permettent de vérifier que Monsieur Amar ... a eu la qualité de gérant de la société Thermo trans jusqu'au 22 décembre 2004 et se trouve être actuellement co-gérant de la société O'Clair ... ; qu'à l'audience du 22 février 2010, tout en affirmant que Monsieur Y était exclusivement salarié de Thermo trans, Monsieur ... a admis à la barre que le salarié avait été repris par la société O'Clair transport parce qu'il avait des problèmes avec Thermo Trans ; qu'il s'ensuit que le contrat de travail de Monsieur Y a été transféré à la société O'Clair ... de manière occulte à la date du 1er janvier 2007, en dehors des prévisions de l'article L.1224-1 et pour un motif de simple convenance entre les deux personnes morales que rapprochaient des connivences personnelles attestées par la similitude des porteurs de parts et des gérants durant la vie sociale des deux entités, de sorte qu'un concert frauduleux apparaît caractérisé ;
ALORS QUE lorsque les conditions d'application de l'article L.1224-1 du Code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail d'un salarié d'une entreprise à une autre ne peut intervenir sans son accord exprès, lequel ne peut résulter de la seule poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, le salarié, qui se prévalait de ce principe, faisait valoir qu'il n'avait pas donné son accord au transfert de son contrat de la société Thermo Trans à la société ...'Clair, de sorte que cette dernière ne pouvait être considérée comme son employeur ; qu'ayant constaté que l'accord de Monsieur Y sur le transfert de son contrat de travail n'avait jamais été recherché, ce dont il résulte que son contrat de travail n'avait pu être transféré à la société ...'Clair et que la société Thermo Trans était restée son seul et unique employeur, peu important que le salarié ait continué de travailler dans les conditions nouvelles, la Cour d'appel, en décidant le contraire, a violé le texte susvisé.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société O'Clair Transport -à la supposer employeur-, in solidum avec la société Thermo Trans Logistique et Transport du froid, à payer à Monsieur Ali Y diverses sommes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement, et de dommages intérêts pour le préjudice distinct du licenciement ;
AUX MOTIFs QU'il résulte de la lettre de licenciement du 8 mars 2007 que celle-ci se borne à évoquer une absence injustifiée depuis le 22 février 2007 alors que le salarié justifie avoir été placé à cette date en arrêt maladie et avoir adressé les justificatifs utiles à la société Thermo trans ; que la société ...'Clair ne pourrait légitimement reprocher au salarié de ne pas lui avoir adressé la feuille d'arrêt maladie alors que le salarié se trouvait confronté à une dualité d'employeurs, son accord n'ayant jamais été recherché sur le transfert du contrat de travail, ni aucune information donnée à ce sujet ; que dans ces conditions, il y a lieu de décider que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
1o. ALORS QUE l'absence injustifiée constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en l'occurrence, l'arrêt constate que le salarié, absent pour cause de maladie, n'a pas averti son nouvel employeur, la société ...'Clair, ni justifié des raisons de son absence ; qu'en retenant néanmoins que le licenciement du salarié n'était pas justifié, au motif inopérant que l'accord du salarié n'a jamais été recherché sur le transfert du contrat de travail, la Cour d'appel a violé l'article L.1232-1 du Code du travail ;
2o. ALORS QU'ayant constaté que la société O'Clair ... avait réglé le salaire de Monsieur Y, qu'elle lui avait délivré des bulletins de paie et des feuilles de mission, ce dont il résulte que le salarié était informé du transfert de son contrat de travail à cette société et de la qualité d'employeur de cette dernière, la Cour d'appel, en retenant le contraire, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et elle a violé l'article L.1232-1 du Code du travail.
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société O'Clair Transport -à la supposer employeur-, in solidum avec la société Thermo Trans Logistique et Transport du froid, une somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice distinct du licenciement ;
AUX MOTIFS QU'au delà de la rupture du contrat de travail par la société Thermo Trans et de manière distincte du préjudice créé par le licenciement, les circonstances que le contrat a été transféré d'un employeur à l'autre de manière occulte ensuite d'un concert frauduleux et que, par la suite, les deux employeurs se soient mutuellement rejetés la responsabilité de la prise en charge des diligences à accomplir pour la prise en compte des arrêts maladie de M. Y et pour la délivrance des documents sociaux nécessaires à sa prise en charge au titre du chômage ont créé un préjudice matériel et moral à l'intéressé qui en sera indemnisé à concurrence d'une somme de 10.000 euros dont seront tenues in solidum les deux sociétés ;
ALORS QUE l'octroi de dommages intérêts se cumulant avec l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse est subordonné à la caractérisation d'un abus de l'employeur dans les circonstances de la rupture ; que le seul fait pour une société, mise en cause par un salarié détaché en son sein, de contester sa qualité d'employeur de ce salarié, participe des droits de la défense et ne caractérise aucun abus dans les circonstances du licenciement ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.

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