Jurisprudence : CE 9 SS, 16-11-2011, n° 337454



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

337454

SOCIETE ARKEMA FRANCE

M. Matthieu Schlesinger, Rapporteur
Mme Claire Legras, Rapporteur public

Séance du 7 octobre 2011

Lecture du 16 novembre 2011

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème sous-section)


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 mars et 11 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE ARKEMA FRANCE, dont le siège est 420 rue d'Estienne d'Orves à Colombes (92700) ; la SOCIETE ARKEMA FRANCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09VE01859 du 29 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0607620 du tribunal administratif de Versailles du 9 avril 2009 en tant qu'il rejetait sa demande de réduction, par suite de l'exclusion de la valeur ajoutée des redevances de concession de marques lui appartenant, des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle avait été assujettie au titre des années 1999 et 2000 et, d'autre part, à la réduction des impositions correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la SOCIETE ARKEMA FRANCE,

- les conclusions de Mme Claire Legras, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gatineau, Fattaccini, avocat de la SOCIETE ARKEMA France ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SOCIETE ARKEMA FRANCE a acquitté des cotisations de taxe professionnelle relatives aux années 1999 et 2000 en intégrant au calcul de la valeur ajoutée des redevances rémunérant la concession à d'autres sociétés de marques dont elle est le propriétaire ; qu'elle a ensuite présenté une demande complémentaire de plafonnement de ces cotisations en fonction de la valeur ajoutée, au motif que celle-ci aurait dû être calculée en faisant abstraction de ces redevances, s'étant élevées à la somme de 29 988 970 euros au titre de l'année 1999 et à la somme de 29 983 368 euros au titre de l'année 2000 ; que le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de ces deux années par un jugement en date du 9 avril 2009 ; que la SOCIETE ARKEMA FRANCE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 29 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur : "La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée" ; qu'aux termes de l'article 1647 B sexies du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : "I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II. (.). / II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / D'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes, les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; / Et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. / Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, ou des loyers afférents à des biens, visés au a du 1° de l'article 1467, pris en location par un assujetti à la taxe professionnelle pour une durée de plus de six mois ou des redevances afférentes à ces biens résultant d'une convention de location-gérance, les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion. (.)" ;

Considérant que l'exercice d'une activité professionnelle non salariée, au sens des dispositions de l'article 1447 du code général des impôts, n'est caractérisé que si l'activité est régulière et repose sur la mise en œuvre de moyens matériels et humains ; que, lorsque l'exploitation d'une activité est concédée à un tiers, les revenus que la société concédante en tire sont le fruit d'une activité professionnelle, au sens de ces mêmes dispositions, dès lors que cette activité se rattache à son objet statutaire, pour lequel elle met en œuvre de manière régulière des moyens matériels et humains ou, si tel n'est pas le cas, si elle partage avec le concessionnaire les risques de l'exploitation ; qu'ainsi, en jugeant que le seul fait, pour une personne morale propriétaire de droits incorporels ou disposant du contrôle de l'exploitation de brevets, marques et autres droits incorporels, de concéder le droit d'exploiter ceux-ci à titre onéreux constituait une activité professionnelle, sans rechercher si l'une ou l'autre des conditions rappelées ci-dessus était remplie, la cour administrative d'appel de Versailles a entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, dès lors, la SOCIETE ARKEMA FRANCE est fondée à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE ARKEMA FRANCE d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 29 décembre 2009 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE ARKEMA FRANCE une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ARKEMA FRANCE et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Délibéré dans la séance du 7 octobre 2011 où siégeaient : M. Jean-Pierre Jouguelet, Président de sous-section, Président ; M. Jean de L'Hermite, Conseiller d'Etat et M. Matthieu Schlesinger, Auditeur-rapporteur.

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