Jurisprudence : CE 10 SS, 14-10-2011, n° 314159



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

314159

M. MICHEL

M. Aurélien Rousseau, Rapporteur
M. Julien Boucher, Rapporteur public

Séance du 7 septembre 2011

Lecture du 14 octobre 2011

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème sous-section)


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 mars et 11 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Louis MICHEL, demeurant 14, avenue du Maréchal Joffre à La Celle-Saint-Cloud (78170) ; M. MICHEL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 06VE01111 du 28 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 14 mars 2006 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à la réduction de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1998, d'autre part, à lui accorder une réduction de 146 000 euros de l'imposition précitée, enfin, à prononcer la restitution de cette imposition, majorée des intérêts moratoires visés à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Aurélien Rousseau, Auditeur,

- les observations de la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de M. MICHEL,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, avocat de M. MICHEL ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. MICHEL, qui était directeur salarié chargé des relations internationales, des technologies de l'information et des techniques numériques de la société Dassault Electronique, a été licencié le 12 novembre 1998 ; qu'une transaction a été conclue le 26 novembre 1998 entre M. MICHEL et son employeur, prévoyant le versement des sommes de 927 176, 25 francs à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 124 075, 39 francs à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, de 3 060 345 francs en application de la convention collective des ingénieurs et cadres et de 1 530 172, 50 francs à titre de dommages et intérêts ; que M. MICHEL n'a déclaré, au titre de l'impôt sur le revenu pour 1998, que les deux premières de ces sommes ; que l'administration après avoir admis le caractère non imposable de l'indemnité de 3 060 345 francs, a regardé la dernière indemnité de 1 530 172, 50 francs comme représentative, dans sa totalité, de salaires imposables comme tels, alors que M. MICHEL a estimé que cette indemnité avait le caractère de dommages-intérêts non imposables ; que M. MICHEL demande l'annulation de l'arrêt en date du 28 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, confirmant le jugement du 14 mars 2006 du tribunal administratif de Versailles, a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre de l'année 1998 par suite de la réintégration, dans le montant de ses traitements et salaires imposables, de l'indemnité de 1 530 172, 50 francs ;

Considérant qu'aux termes de l'article 79 du code général des impôts : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. " ; qu'une indemnité versée à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail ne peut être regardée comme ayant le caractère de dommages et intérêts non imposables que si elle a pour objet de compenser un préjudice autre que celui résultant de la perte d'un revenu ;

Considérant en premier lieu qu'en tenant compte, pour apprécier si l'indemnité transactionnelle de 1 530 172, 50 francs compensait d'autres préjudices subis du fait du licenciement que la perte d'un revenu, de l'ensemble des indemnités versées au contribuable à l'occasion de son licenciement, notamment de l'indemnité conventionnelle de 3 060 345 francs, la cour, qui n'était liée ni par les qualifications données à ces indemnités par les parties, ni par le fait que cette dernière indemnité avait été versée en application d'une convention collective, n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant en deuxième lieu que, contrairement à ce que soutient le requérant, la cour, pour juger que l'indemnité conventionnelle réparait l'ensemble des préjudices autres que la perte de revenus et que l'indemnité transactionnelle, qui ne pouvait donc couvrir que la perte de revenus, avait été réintégrée à bon droit dans le revenu imposable de M. MICHEL, a porté sur les éléments qui lui étaient soumis une appréciation qui n'est pas entachée d'erreur de droit ; qu'elle n'a notamment pas déduit que l'indemnité transactionnelle réparait des pertes de revenus de la circonstance que l'administration avait décidé de ne pas imposer l'indemnité conventionnelle ;

Considérant en troisième lieu d'une part qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'indemnité de 3 060 345 francs versée au requérant en application de la convention collective était légalement ou de par l'intention des parties exclusivement destinée à ne compenser qu'une perte de revenus, d'autre part que la cour n'était pas liée par la qualification de dommages et intérêts donnée par les parties à l'indemnité transactionnelle ; qu'en jugeant que l'indemnité conventionnelle réparait les préjudices autres que les pertes de revenus, lesquelles étaient couvertes par l'indemnité transactionnelle, la cour n'a donc pas commis d'erreur de droit ;

Considérant en quatrième lieu que l'évaluation du préjudice relatif à la perte pour le salarié licencié de la possibilité d'augmenter ses droits à la retraite relève de l'appréciation globale et souveraine faite par les juges du fond des préjudices non pécuniaires ; que, par suite, la cour, qui n'était pas tenue d'écarter explicitement le calcul proposé par le requérant de ses droits virtuels à la retraite, a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger, par un arrêt suffisamment motivé, qu'il résultait de l'instruction que l'indemnité conventionnelle couvrait également la perte de chance de M. MICHEL d'augmenter ses droits à la retraite ;

Considérant en cinquième et dernier lieu que le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en refusant de prendre en compte la perte par le requérant du bénéfice de contrats d'assurance invalidité-décès n'est pas assorti de précisions suffisantes pour permettre d'en apprécier le bien fondé ; que l'appréciation souveraine qu'a fait la cour de l'absence d'intention des parties de prendre en compte ce chef de préjudice est insusceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. MICHEL n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt contesté ; que son pourvoi doit, par suite, être rejeté, ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de M. MICHEL est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Louis MICHEL et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Délibéré dans la séance du 7 septembre 2011 où siégeaient : M. Thierry Tuot, Président de sous-section, Président ; M. François Séners, Conseiller d'Etat et M. Aurélien Rousseau, Auditeur-rapporteur.

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