Jurisprudence : Cass. civ. 1, 02-12-2015, n° 14-26.835, F-P+B+I, Cassation sans renvoi

Cass. civ. 1, 02-12-2015, n° 14-26.835, F-P+B+I, Cassation sans renvoi

A2717NYB

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2015:C101392

Identifiant Legifrance : JURITEXT000031574925

Référence

Cass. civ. 1, 02-12-2015, n° 14-26.835, F-P+B+I, Cassation sans renvoi. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/27530652-cass-civ-1-02122015-n-1426835-fp-b-i-cassation-sans-renvoi
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Abstract

Un avocat commis d'office ne peut, de sa propre initiative, dispenser son client d'exercer son droit de présenter ses observations dans le cadre de la contestation d'une mesure de prolongation de maintien en rétention administrative, estime la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 2 décembre 2015 (Cass. civ. 1, 2 décembre 2015, n° 14-26.835, F-P+B+I).



CIV. 1 CF
COUR DE CASSATION
Audience publique du 2 décembre 2015
Cassation sans renvoi Mme BATUT, président
Arrêt n 1392 F P+B+I Pourvoi n G 14-26.835 Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. Z.
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 4 décembre 2014.
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant

Statuant sur le pourvoi formé par M. Z Z, domicilié Paris Les Lilas,
contre l'ordonnance rendue le 22 mai 2014 par le premier président de la cour d'appel de Paris (juge des libertés et de la détention), dans le litige l'opposant
1 / au préfet de police de Paris, domicilié Paris cedex 04,
2 / au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié Paris cedex 01, défendeurs à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 novembre 2015, où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Gargoullaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Bignon, conseiller doyen, Mme Nguyen, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Gargoullaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Vincent et Ohl, avocat de M. Z, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par un premier président, et les pièces de la procédure, que M. Z, de nationalité malienne, en situation irrégulière en France, a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français et a été placé en rétention administrative le 15 mai 2014 à 19 heures 25 ; que saisi par le préfet, le 21 mai suivant à 8 heures 30, un juge des libertés et de la détention a prolongé cette mesure pour une durée de vingt jours par une ordonnance rendue le 21 mai à 16 heures 57 ;

Sur la première branche du moyen unique
Vu les articles L. 552-1, L. 552-2 et R. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le principe du respect des droits de la défense ;
Attendu que, pour confirmer cette décision, l'ordonnance, après avoir constaté qu'à l'heure où elle aurait dû comparaître devant le juge des libertés et de la détention, la personne en rétention se trouvait encore au tribunal administratif de Paris pour une durée qui n'a pas pu être précisée à ce magistrat, retient que l'ignorance de celui-ci quant aux délais de présentation de cette personne devant lui constituait une circonstance insurmontable justifiant que l'affaire soit appelée à l'audience, nonobstant son absence ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser un obstacle insurmontable empêchant le juge des libertés et de la détention d'entendre la personne en rétention, dans le délai imparti pour statuer qui n'expirait que le lendemain à 8 heures 30, soit plus de 15 heures après le moment de sa décision, le premier président a violé les textes et le principe susvisés ;
Et sur la deuxième branche du moyen
Vu les articles L. 552-1, L. 552-2 et R. 552-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le principe du respect des droits de la défense ;
Attendu que, pour statuer comme elle le fait, l'ordonnance énonce encore que l'avocat commis d'office a consenti à l'évocation du dossier et accepté de représenter M. Z en renonçant à toute contestation susceptible de surgir de cette façon de procéder, que le manquement prétendu de ce conseil ne suffit pas à vicier la décision entreprise, et qu'il ne saurait, dans ces circonstances, être reproché à l'administration de ne pas s'être désistée de sa saisine pour en formuler immédiatement une nouvelle, étant vraisemblable qu'une telle stratégie n'aurait pas manqué d'être mise en cause ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'avocat commis d'office ne pouvait, de sa propre initiative, dispenser son client d'exercer son droit de présenter ses observations, le premier président a violé les textes et le principe susvisés ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
Attendu que les délais de rétention étant écoulés, il ne reste rien à juger ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l' autre grief
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 22 mai 2014, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour M. Z.
En ce que l'ordonnance attaquée confirme l'ordonnance du 20 mai 2014 à 16 h 57 du juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de Paris ordonnant la prolongation du maintien de M. Z Z dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 20 jours, soit jusqu'au 9 juin à 19 h 25 ;
Aux motifs que le 20 mai 2014 à 8 h 30, le Préfet de police a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la mesure de rétention administrative de Adama Z ; que la période initiale de rétention de 5 jours expirait le même jour à 19 h 25 tandis que le magistrat devait rendre sa décision avant le 21 mai à 8 h 30 ; Considérant qu'à l'heure où il aurait dû comparaître devant le juge des libertés et de la détention, l'étranger se trouvait encore au tribunal administratif de Paris pour une durée qui n'a pas pu être précisée à ce magistrat ; Que l'avocat commis d'office a consenti à l'évocation du dossier et a accepté de représenter Adama Z en renonçant à toute contestation susceptible de surgir de cette façon de procéder que le manquement prétendu de ce conseil ne suffit pas à vicier l'ordonnance rendue ; Qu'il ne saurait, dans ces circonstances, être reproché à l'administration de ne pas s'être désistée de sa saisine pour en formuler immédiatement une nouvelle, étant vraisemblable qu'une telle stratégie n'aurait pas manqué d'être mise en cause ; Qu'enfin, l'ignorance du juge quant aux délais de présentation devant lui du retenu constitue une circonstance insurmontable qui a justifié que l'affaire soit traitée dans les circonstances contestées, peu important que selon ce qui est soutenu par le retenu, ce dernier soit arrivé au palais de justice peu de temps après qu'ait été rendue l'ordonnance dont il est relevé appel ; Que le moyen pris de la méconnaissance des droits de la défense sera écarté ;
Alors, d'une part, que l'exposant a été convoqué à l'audience du juge des libertés et de la détention dans l'après-midi du 20 mai 2014 et qu'il n'a pu comparaître à 16 h 33 étant alors présent devant le Tribunal Administratif de Paris pour soutenir sa contestation de la décision d'éloignement ; que le juge des libertés et de la détention a alors considéré être " dans une situation d'absence insurmontable " ; que cependant il est constant et il résulte des propres énonciations de l'ordonnance confirmative attaquée que le délai de 24 h 00 imparti au juge des libertés et de la détention pour statuer n'expirait que le 21 mai à 8 h 30 de sorte que le 20 mai à 16 h 57, heure à laquelle il a statué, le juge des libertés et de la détention pouvait suspendre son audience pour permettre à l'intéressé d'être entendu ; que par suite en retenant l'existence d'un " obstacle insurmontable " le Premier Président a violé les articles L.552-1 L.552-9 et R.552-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le principe du respect des droits de la défense ;
Alors, d'autre part, qu'en retenant qu'un Avocat commis d'office lui " donne son accord pour représenter son client et renonce à toutes contestations pouvant résulter de cette façon de faire " quand, l'Avocat ainsi commis d'office ne pouvait, de sa propre initiative, dispenser son client d'exercer son droit fondamental de présenter ses observations, le juge des libertés et de la détention et ensuite le Premier Président confirmant cette décision ont derechef violé les textes précités et le principe du respect des droits de la défense.
Alors enfin qu'en l'absence de toute précision sur la date et l'heure de notification de l'ordonnance de prolongation du 20 mai 2014 à 16 h 57, alors que la rétention prenait fin le 20 mai 2014 à 19 h 25, il apparaît que la rétention manque de base légale dans la mesure où il est impossible de déterminer si la prolongation a été notifiée à l'intéressé le 20 mai 2014 avant 19 h 25, fin de la rétention ; qu'ainsi, le Premier Président a violé les articles L.552-1 et R.552-10 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que le principe du respect des droits de la défense.

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