CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N°
378503
MINISTRE DES FINANCES ET DES COMPTES PUBLICS
c/ M. et Mme A.
M. Christian Fournier, Rapporteur
Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, Rapporteur public
Séance du 30 septembre 2015
Lecture du
14 octobre 2015
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la procédure suivante :
M. et Mme A. ont demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2003. Par un jugement n° 1010203 du 27 mars 2012, ce tribunal a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 12PA02087 du 17 mars 2014, la cour administrative d'appel de Paris, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A. à concurrence d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a accordé aux requérants la décharge du surplus des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en litige, ainsi que des pénalités correspondantes, et réformé le jugement du tribunal administratif en ce qu'il avait de contraire à cette décision.
Par un pourvoi enregistré le 24 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des finances et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler les articles 2 à 5 de cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. et Mme A. ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'un contrôle sur pièces, M. et Mme A. ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi qu'aux pénalités correspondantes, au titre de l'année 2003 ; que le ministre des finances et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 mars 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir constaté un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A. à concurrence d'un dégrèvement partiel de ces cotisations prononcé en cours d'instance, leur a accordé la décharge du surplus des cotisations en litige, ainsi que des pénalités correspondantes, et a réformé le jugement du tribunal administratif en ce qu'il avait de contraire ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due " ; qu'aux termes de l'article L. 189 du même code : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (en litige, au motif que le pli contenant la proposition de rectification devait être regardé comme leur ayant été notifié à la date du 2 janvier 2007, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit) " ;
3. Considérant qu'eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer sont droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable ; qu'il en va de même lorsque le pli n'a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l'a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la proposition de rectification relative à l'année 2003 a été adressée, par pli recommandé avec demande d'avis de réception, à la dernière adresse de M. et Mme A. connue de l'administration ; qu'en l'absence des intéressés, un avis de mise en instance du pli au bureau de poste dont ils relevaient a été déposé le 18 décembre 2006 ; que M. et Mme A. ont retiré ce pli le 2 janvier 2007, dans le délai de quinze jours prévu par la réglementation en vigueur du service des postes mais postérieurement à l'expiration, le 31 décembre 2006, du délai de reprise dont disposait l'administration au titre de l'année 2003 ; qu'il résulte de ce qui est dit au point 3 qu'en accueillant le moyen des contribuables tiré de la prescription des impositions demeurant. ; que, par suite, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à demander l'annulation des articles 2 à 5 de l'arrêt qu'il attaque ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme A. demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 2 à 5 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 17 mars 2014 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. et Mme A. au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à M. et Mme A., au motif que le pli contenant la proposition de rectification devait être regardé comme leur ayant été notifié à la date du 2 janvier 2007, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.