Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 09-10-2015, n° 371794, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 9/10 SSR, 09-10-2015, n° 371794, mentionné aux tables du recueil Lebon

A1175NTP

Identifiant européen : ECLI:FR:CESSR:2015:371794.20151009

Identifiant Legifrance : CETATEXT000031309597

Référence

CE 9/10 SSR, 09-10-2015, n° 371794, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/26539927-ce-910-ssr-09102015-n-371794-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

Jusqu'au 31 décembre 2009, le lieu des prestations de services visées au 1° de l'article 259 B, c'est-à-dire les cessions et concessions de droits d'auteurs, de brevets, de droits de licences, de marques de fabrique et de commerce, était réputé se situer en France lorsque le preneur était établi en France.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

371794

SOCIETE BAYER CROPSCIENCE

Mme Séverine Larere, Rapporteur
M. Frédéric Aladjidi, Rapporteur public

Séance du 23 septembre 2015

Lecture du 9 octobre 2015

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux


Vu la procédure suivante :

La société Bayer Cropscience a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002. Par un jugement n° 0603188 du 29 avril 2011, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11VE02690 du 13 juin 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société Bayer Cropscience contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 septembre et 2 décembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Bayer Cropscience demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la société Bayer Cropscience ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Rhône-Poulenc Agro, devenue Bayer Cropscience, a conclu, le 30 septembre 1998, avec les sociétés Celaflor GmbH et The Scotts Company, un contrat de services et de droit d'accès à la recherche et au développement prévoyant notamment la concession des droits de licence sur certains de ses produits à des fins de commercialisation, d'utilisation et de vente ; qu'estimant que le lieu des prestations objets de ce contrat n'était pas situé en France, elle n'a pas appliqué la taxe sur la valeur ajoutée au produit correspondant ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a estimé que les droits concédés avaient été acquis par la société de droit français Scotts France Holding et qu'en application de l'article 259 B du code général des impôts, le lieu des prestations correspondantes se trouvait, par suite, en France ; qu'elle a, en conséquence, assujetti la société Bayer Cropscience à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée que cette société a contestés ; que, par un jugement du 29 avril 2011, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ; que, par l'arrêt attaqué du 13 juin 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel dirigé contre ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts dans sa rédaction applicable jusqu'au 31 décembre 2009 : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle " ; qu'aux termes de l'article 259 B du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : / 1° Cessions et concessions de droits d'auteurs, de brevets, de droits de licences, de marques de fabrique et de commerce et d'autres droits similaires (.) / Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté. " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, jusqu'au 31 décembre 2009, le lieu des prestations de services visées au 1° de l'article 259 B était réputé se situer en France lorsque le preneur était établi en France ; qu'au sens et pour l'application de ces dispositions, le preneur s'entend de la personne qui est le bénéficiaire effectif de la prestation de service ;

3. Considérant, d'une part, que la cour a relevé qu'en vertu du contrat du 30 septembre 1998 mentionné au point 1, la société Rhône Poulenc Agro s'était engagée à concéder des droits incorporels aux " sociétés affiliées de Celaflor et aux autres sociétés affiliées de Scotts " et que la clause 4 de ce contrat, intitulée " Paiement par les filiales d'achat ", prévoyait qu'en contrepartie des droits d'accès qui leur étaient conférés, les " filiales d'achat " s'engageaient à en payer le prix, en quatre versements intervenant les 1er octobre des années 1999 à 2002 ; que, selon la définition donnée dans le préambule de ce contrat, l'expression de "sociétés affiliées " de Scotts désigne l'ensemble des sociétés du groupe Scotts, dont la société Scotts France Holding SARL fait partie ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des énonciations non contestées de l'arrêt attaqué qu'en application de ce contrat, la somme de 42 000 000 F (6 402 858, 72 euros) a été versée à la SA Rhône-Poulenc Agro, en deux versements, effectués le 1er octobre 2000 et le 1er octobre 2001, directement par la société Scotts France Holding SARL et que la somme de 3 201 429, 36 euros (21 000 000 F) lui a été versée, le 1er octobre 2002, par la société The Scotts Company, agissant pour le compte de cette dernière ; que les droits incorporels acquis en contrepartie du versement de ces sommes ont, par ailleurs, été inscrits à l'actif de la société Scotts France Holding SARL à leur valeur d'acquisition ;

5. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que la société Scotts France Holding SARL a été le bénéficiaire effectif d'une partie des droits concédés par la société Rhône-Poulenc Agro, dont elle a acquitté le prix auprès de cette dernière conformément aux stipulations du contrat de concession ; que c'est, par suite, sans erreur de droit et sans dénaturer les termes du contrat du 30 septembre 1998 que la cour en a déduit que cette société devait être regardée comme le preneur de la prestation en cause à hauteur des paiements effectués et que le lieu de cette prestation se trouvait, dès lors, en France ;

6. Considérant que la société Bayer Cropscience ne saurait utilement se prévaloir, à l'encontre de l'arrêt attaqué, au demeurant pour la première fois en cassation, des dispositions du V de l'article 256 du code général des impôts aux termes desquelles : " L'assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien, ou reçu et fourni les services considérés ", dès lors que ces dispositions, qui s'appliquent aux seuls assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée, n'étaient pas applicables à la société de droit américain The Scotts Company ;

7. Considérant, enfin, que les règles de territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée sont celles qui sont applicables à la date du fait générateur de cette taxe ; que, par suite, la circonstance, invoquée par la société requérante devant la cour, tirée de ce qu'à la date de la signature du contrat, soit en septembre 1998, les entités bénéficiaires des licences d'exploitation n'étaient pas encore précisément définies, était sans incidence sur le bien-fondé des impositions en litige qui ont été réclamées au titre de la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2002 ; que, dès lors, la circonstance que la cour a omis de répondre à cette argumentation n'affecte pas l'arrêt attaqué d'une irrégularité de nature à justifier son annulation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Bayer Cropscience n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que ses conclusions tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;



D E C I D E :

Article 1er : Le pourvoi de la société Bayer Cropscience est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Bayer Cropscience et au ministre des finances et des comptes publics.


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