Jurisprudence : TA Nantes, du 17-07-2015, n° 1307841

TA Nantes, du 17-07-2015, n° 1307841

A8534NMZ

Référence

TA Nantes, du 17-07-2015, n° 1307841. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/25389176-ta-nantes-du-17072015-n-1307841
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Abstract

Dans onze jugements, le tribunal administratif de Nantes a rejeté, le 17 juillet 2015, les recours déposés contre les arrêtés préfectoraux autorisant la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) (TA Nantes, 17 juillet 2015, n°s 1307841, 1307843, 1307846, 1308221, 1400329, 1400343, 1400355, 1401285, 1401689, 1401692, 1410918).




N° 1307841

EUROPE ECOLOGIE LES VERTS PAYS DE LA LOIRE

Mme Ody, Rapporteur

M. Rivas, Rapporteur public

Audience du 18 juin 2015

Lecture du 17 juillet 2015

**RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS**
Le Tribunal administratif de Nantes

(6ème Chambre)



Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 octobre 2013 et 6 novembre 2014, l'organisation Europe Ecologie Les Verts Pays de la Loire demande au Tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2013 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement des voiries départementales et communales (RD 326, RD 15, VC1/VC12) sur le territoire des communes de Notre-Dame-des-Landes, Vigneux-de-Bretagne, Fay-de-Bretagne, Grandchamp-des-Fontaines et Treillières, dénommé " programme viaire ", conformément au plan général des travaux ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice d'incompétence ;

- le programme viaire est incompatible avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne 2010-2015 ;

- l'arrêté attaqué est illégal, faute pour le projet concerné de présenter une utilité publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2014, le préfet de la Loire-Atlantique, représenté par Me Rouhaud, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est irrecevable, à défaut pour la requérante de justifier d'un intérêt à agir ;

- aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2014, la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest, représentée par Me Duval, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, à défaut pour la requérante de justifier d'un intérêt à agir ;

- aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative🏛, de ce que la clôture d'instruction était susceptible d'intervenir à compter du 7 novembre 2014 avec effet immédiat.

Par une ordonnance du 9 décembre 2014, la clôture d'instruction a été prononcée avec effet immédiat.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004🏛 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements ;

- le décret n° 2010-1699 du 29 décembre 2010🏛 approuvant la convention passée entre l'Etat et la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest pour la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire - Montoir et le cahier des charges annexé à cette convention ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody, conseiller,

- les conclusions de M. Rivas, rapporteur public,

- et les observations de M. G, représentant la requérante, de Me Rouhaud, représentant le préfet de la Loire-Atlantique et de Me Duval, représentant la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest.

1. Considérant que, par un décret du 9 février 2008🏛, les travaux nécessaires à la réalisation du projet d'aéroport du Grand Ouest - Notre-Dame-des-Landes, de sa desserte routière, de voies nouvelles ou de recalibrage de voies existantes et des ouvrages d'assainissement ont été déclarés d'utilité publique ; qu'en application de la circulaire n° 92-71 du 15 décembre 1992 relative à la conduite des grands projets nationaux d'infrastructures, un dossier dit " des engagements de l'Etat - mesures en matière d'insertion du projet d'aéroport et de sa desserte routière " a été arrêté en avril 2009 ; que ce dossier présente les mesures prises par l'Etat pour améliorer l'insertion du projet dans l'environnement, parmi lesquelles figure la mise en place d'un système viaire cohérent dans le secteur entourant l'aéroport, concernant la RD 15 entre le bourg de Fay-de-Bretagne et la commune du Temple-de-Bretagne, la VC 1/VC 12 entre le bourg de Notre-Dame-des-Landes et la commune du Temple-de-Bretagne, le carrefour de la RD 326 avec la voie communale dite de Notre-Dame-des-Landes allant sur Treillières, ainsi que la RD 326 entre le rond-point de Curette et la RN 137 ; que, par une convention du 23 décembre 2010, approuvée par décret du 29 décembre suivant, l'Etat a consenti à la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest une délégation de service public portant, pour l'aérodrome de Notre-Dame-des-Landes, sur la conception, le financement, les acquisitions foncières, la construction, la mise en service ainsi que la mise en oeuvre du plan de gestion agro-environnemental, du droit de délaissement et des mesures d'accompagnement territorial (amélioration et rétablissements de voirie) ; que, par un courrier du 2 décembre 2011, la société Aéroports du Grand Ouest a demandé au préfet de la Loire-Atlantique d'organiser, d'une part, une enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique du programme d'évolution des voiries départementales et communales précédemment évoquées, dénommé " programme viaire " et, d'autre part, une enquête parcellaire préalable à la déclaration de cessibilité des immeubles nécessaires à la réalisation de l'opération envisagée ; que les deux enquêtes ont eu lieu conjointement du 21 juin au 23 juillet 2012, puis ont été prorogées jusqu'au 7 août 2012 ; que la commission d'enquête a rendu ses rapports et ses conclusions le 9 octobre suivant ; que par l'arrêté attaqué du 5 août 2013, le préfet de la Loire-Atlantique a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement des voiries départementales et communales (RD 326, RD 15, VC1/VC12) sur le territoire des communes de Notre-Dame-des-Landes, Vigneux-de-Bretagne, Fay-de-Bretagne, Grandchamp-des-Fontaines et Treillières, dénommé " programme viaire ", conformément au plan général des travaux ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense ;

En ce qui concerne la compétence du signataire :

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué a été signé par M. Aa, secrétaire général de la préfecture de la Loire-Atlantique, qui disposait d'une délégation de signature consentie par un arrêté du préfet de ce département en date du 29 juillet 2013, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Loire-Atlantique le 30 juillet suivant, à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions, avis, documents et correspondances administratives concernant l'administration de l'Etat, à l'exception des décisions de réquisition du comptable public, des décisions de réquisition de la force armée, des arrêtés de conflit et des décisions qui font l'objet d'une délégation à un chef de service dans le département ;

3. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le programme viaire a pour objet la réalisation de travaux de mise en sécurité et d'amélioration qualitative des voies locales existantes situées aux abords de la plate-forme aéroportuaire projetée que sont la RD 15, la VC1 / VC 12 et la RD 326 ; que, contrairement aux allégations de la requérante, le réaménagement de la VC 3, reliant les communes de Notre-Dame-des-Landes et de Grandchamp-des-Fontaines, rendu nécessaire par l'interruption des voies D 81, D 281 et D 42 en raison de la création de la plate-forme aéroportuaire ne figure pas dans le programme viaire litigieux ; que ni la circonstance que le ministre chargé de l'aviation civile aurait concédé à la société Aéroports du Grand Ouest la qualité d'expropriant ni l'article 65 du cahier des charges de la concession approuvée par le décret susvisé du 29 décembre 2010 n'ont pour effet de donner au programme viaire un intérêt national ; qu'en outre, l'emprise des travaux du programme viaire se situe exclusivement sur le territoire du département de la Loire-Atlantique ; que, dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique a pu valablement édicter l'arrêté du 29 juillet 2013 portant délégation de signature au profit du secrétaire général de la préfecture dudit département, en application des dispositions du décret susvisé du 29 avril 2004 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté comme manquant en fait ;

En ce qui concerne la compatibilité du programme viaire avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne 2010-2015 :

4. Considérant qu'aux termes du XI de l'article L. 212-1 du code de l'environnement🏛 : " Les programmes et les décisions administratives dans le domaine de l'eau doivent être compatibles ou rendus compatibles avec les dispositions des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux " ; que la déclaration d'utilité publique relative à un ouvrage routier n'a pas le caractère d'une décision administrative dans le domaine de l'eau au sens des dispositions précitées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les travaux déclarés d'utilité publique par l'arrêté litigieux du 5 août 2013 ne seraient pas compatibles avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne est inopérant ;

En ce qui concerne l'utilité publique du programme viaire :

5. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

6. Considérant que pour contester l'utilité publique du programme viaire, la requérante se borne à soutenir que le bilan coût / avantages de l'opération serait négatif, sans invoquer l'absence d'intérêt général, ni l'existence de conditions équivalentes permettant de ne pas recourir à l'expropriation ;

7. Considérant, en premier lieu, que s'agissant de la qualité de l'air, il ressort du dossier soumis à enquête publique, notamment des pages 323 à 326 de l'étude d'impact, que sont présentés les résultats de l'estimation des émissions futures des polluants réglementés et du gaz à effet de serre générés par le programme viaire - sans et avec aménagement de l'aéroport- mis en perspective avec les émissions actuelles, ainsi que l'analyse du coût financier de l'augmentation de la pollution atmosphérique liée à l'opération projetée, en pages 342 et 343 ; que si ce coût n'est pas visé dans le document spécifiquement destiné à évaluer le coût global du projet, il figurait toutefois de manière précise dans l'étude d'impact, de sorte que le public intéressé a pu disposer de l'information au cours de l'enquête publique ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que s'agissant de la qualité des sols, la requérante soutient que le programme viaire concerne une zone qui se situe en tête de bassin versant et porte atteinte à " l'équilibre biologique et à la qualité hydrologique de toute la région " ; qu'il est constant que l'étude d'impact présente, en pages 250 à 259, les impacts qualitatifs et quantitatifs du programme viaire sur les eaux souterraines et superficielles, ainsi que les mesures correctives envisagées, telles que la création de neuf bassins de rétention mis en place le long des voies concernées pour prévenir les risques de pollution ou encore le redimensionnement des ouvrages de franchissement des ruisseaux prévus avec des banquettes " petite faune " ; que la requérante allègue, sans toutefois l'établir, qu'à la destruction totale ou partielle de 137 parcelles s'ajoutent les terres touchées par l'urbanisation, corollaire de tout développement d'un réseau routier, et que le programme viaire contribue ainsi à l'artificialisation des sols et à la disparition des terres agricoles en France et en Pays de la Loire en particulier ; qu'il est constant que le programme viaire concerne une emprise de seulement 6 ha dont 3,13 ha de zones humides et a pour objet l'amélioration de la sécurité sur des voies existantes par l'élargissement de sections de chaussée, la création de giratoires, le redimensionnement de virages dangereux, la création de boviducs en dehors des zones humides, l'implantation d'une section de chemin agricole et de pistes cyclables ; que, dans ces conditions, les critiques de la requérante s'agissant de la qualité des sols ne sont pas fondées ;

9. Considérant, en troisième lieu, s'agissant de l'atteinte à des " zones d'intérêt exceptionnel ", qu'il ressort des pièces du dossier que les travaux concernant la VC 1 / VC 12 doivent avoir lieu sur l'emprise de la zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I " Bois et landes de Rohanne et des Fosses Noires " correspondant à un ensemble de landes, de bois et de bocages et sur l'emprise de la ZNIEFF de type II " Zone bocagère relictuelle d'Héric et Notre-Dame-des-Landes " correspondant à un plateau présentant un bocage humide relictuel typique très bien préservé, constitué de prairies naturelles fauchées et pâturées, de bosquets et de mares ; qu'il ressort cependant de l'étude d'impact que des mesures sont prévues pour la compensation des zones humides telles que la reconversion de peupleraies en mégaphorbiaies, prairies humides ou boisements alluviaux, la reconversion de terres arables en prairies naturelles, l'implantation de haies ou encore la recréation de quatre mares pour compenser la destruction de deux mares se situant à proximité des VC 1 / VC 12 ; que, par suite, le moyen tiré d'une atteinte excessive à des " zones d'intérêt exceptionnel " doit être écarté ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort du dossier d'enquête publique que le coût de la pollution atmosphérique a été analysé et présenté en pages 342 et 343 de l'étude d'impact ; qu'en outre, si le dossier prévoit, en page 330, que la faible probabilité que les travaux mettent à jour des vestiges impose de procéder à un diagnostic archéologique préalable, les mesures de préservation et les fouilles archéologiques de sauvegarde sont toutefois hypothétiques ; que, par suite, leur coût n'avait pas à être pris en compte dans l'estimation du coût du programme viaire ;


11. Considérant, en cinquième lieu, que la requérante ne saurait utilement critiquer le bilan coût / avantages du projet de plate-forme aéroportuaire à l'appui de ses conclusions dirigées contre la déclaration d'utilité publique concernant le programme viaire, ce dernier constituant un programme distinct ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante ne démontre ni que l'estimation des dépenses est manifestement sous-évaluée dans le dossier d'enquête publique ni que le caractère excessif des atteintes portées à l'environnement est susceptible de faire perdre au programme viaire son caractère d'utilité publique ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 5 août 2013 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a déclaré d'utilité publique le projet d'aménagement des voiries départementales et communales (RD 326, RD 15, VC1/VC12) sur le territoire des communes de Notre-Dame-des-Landes, Vigneux-de-Bretagne, Fay-de-Bretagne, Grandchamp-des-Fontaines et Treillières, dénommé " programme viaire ", conformément au plan général des travaux ; que, par suite, sa requête doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en outre, il ne paraît pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de l'Etat et de la société Aéroports du Grand Ouest les frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;


DECIDE :

Article 1er : La requête de l'organisation Europe Ecologie Les Verts Pays de la Loire est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Etat et la société Aéroports du Grand Ouest au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à l'organisation Europe Ecologie Les Verts Pays de la Loire, à la société Aéroports du Grand Ouest et au préfet de la Loire-Atlantique.


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