Jurisprudence : TA Montpellier, du 24-02-2015, n° 1500620

TA Montpellier, du 24-02-2015, n° 1500620

A0015NEB

Référence

TA Montpellier, du 24-02-2015, n° 1500620. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23783946-ta-montpellier-du-24022015-n-1500620
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Abstract

Une candidature ne peut être écartée au seul motif qu'elle ne pouvait justifier avoir exécuté un marché antérieur équivalent au marché en cause, rappelle le tribunal administratif de Montpellier dans un jugement rendu le 24 février 2015 (TA Montpellier, 24 février 2015, n° 1500620).




N° 1500620

SARL Philip Frères

M. Alfonsi

Juge des référés

Audience du 23 février 2015

Ordonnance du 24 février 2015

**RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
**
Le Tribunal administratif de Montpellier,

Le juge des référés



Vu la requête, enregistrée par télécopie le 7 février 2015, régularisée et complétée le 9 février 2015 sous le n° 1500620, présentée pour la SARL Philip Frères, dont le siège est sis BP 40, Parc d'activités l'Institut, 34270 Saint Mathieu de Tréviers, par la SCP d'avocats Lévy-Balzarini-Sagnes-Serre ;

La SARL Philip Frères demande au juge des référés :

1°) d'enjoindre à la commune de Montpellier de produire le rapport d'analyse des offres se rapportant à la procédure de passation du marché public à bons de commande d'entretien des fontaines de la ville lancée par avis public d'appel à la concurrence publié le 18 novembre 2014 ;

2°) de suspendre et d'annuler toutes les décisions qui se rapportent à la passation de ce marché ;

3°) d'enjoindre à la commune de Montpellier de procéder à une nouvelle étude des candidatures et des offres ;

4°) de condamner la commune de Montpelier à lui payer une somme de 1.500 euros au titre de l'article 1.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- qu'elle a déposé une offre pour le marché d'entretien des fontaines de la ville de Montpellier ; que sur les trois entreprises qui ont fait acte de candidature, seule celle de la société V éolia Eau a été retenue ;

- qu'elle a été informée, par courrier du 30 janvier 2015, que sa candidature n'avait pas été retenue en raison, d'une part, de l'absence des habilitations électriques UTE C 18-510 et, d'autre part, de références fournies portant uniquement sur des travaux d'espaces verts, de nettoiement et de collecte de déchets ;

- qu'elle a demandé, par courrier du 30 janvier 2015, la communication des avantages et caractéristiques et les montants estimatifs des offres retenues ainsi que le tableau comparatif détaillé des notes et l'ensemble des procès-verbaux de la commission d'appel d'offres ; que ce courrier est demeuré sans réponse ;

- qu'elle a fourni, conformément aux exigences du règlement de la consultation, la liste des services effectués au cours des trois dernières années, qui démontre qu'elle possède l'expérience et les qualités requises pour l'exécution du marché ;

- qu'en toute hypothèse, sa candidature ne pouvait être écartée au seul motif qu'elle ne pouvait justifier avoir exécuté un marché antérieur équivalent au marché en cause, ainsi que le prévoient expressément les dispositions de l'article 52 du code des marchés publics ;

- que le rejet de sa candidature pour un tel motif, alors qu'elle possède les capacités techniques et professionnelles requises, constituent à la fois une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ;

- que le respect de la norme UTE C 18-510 est un critère d'appréciation de la valeur technique des offres, mais ne peut être érigé en critère d'appréciation de la validité des candidatures ; qu'elle avait précisé, dans son offre, que les équipes chargées des interventions possèdent une habilitation "risques électriques et leur prévention" en application du décret du 14 novembre 1998 et du recueil UTE C 18-510, de type H0-B0-V, en précisant à la rubrique "moyens humains" de son offre la liste des membres de son personnel titulaires de l'habilitation électrique ; que le pouvoir adjudicateur ne pouvait écarter sa candidature au motif que les documents exigés pour l'appréciation des candidatures se trouvait par erreur avec ceux relatifs à l'offre elle-même alors surtout que, son offre ayant été examinée, la commune ne pouvait ignorer que les habilitations exigées étaient produites ;

- que la commune aurait dû, eu égard notamment à la circonstance que seule a été retenue la candidature de la société Véolia Eau qui se trouvait ainsi assurée d'emporter le marché alors même que son offre n'était pas la plus économiquement avantageuse, demander aux candidats de compléter leur offre comme le lui permet l'article 52 du code des marchés publics ;

- qu'en ne lui notifiant le rejet de sa candidature qu'après l'examen des offres et non immédiatement comme le prévoit l'article 80 du code des marchés publics, le pouvoir adjudicateur a méconnu la procédure ;

Vu, enregistré le 19 février 2015, le mémoire en défense présenté pour la commune de Montpellier par Me Meneau, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Philip Frères à lui payer une somme de 2.000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative🏛 ;

La commune de Montpellier fait valoir :

- que, contrairement à ce que soutient la société requérante, son offre n'a pas été examinée dès lors que l'analyse des pièces à fournir pour la candidature a montré qu'elle n'avait pas produit les documents relatifs à la certification UTE 18-510 ; qu'une telle omission lui faisait obligation d'écarter sa candidature sans examiner son offre ; que c'est pour des raisons pratiques que la notification des décisions de rejet des candidatures ou des offres ne se fait aux candidats évincés qu'après l'établissement du rapport d'analyse des offres ;

- que l'article 52 n'impose pas au pouvoir adjudicateur de demander aux candidats de compléter leur dossier, mais n'institue qu'une simple faculté ; qu'elle n'a pas souhaité, en l'espèce, user de cette faculté qui aurait eu pour effet de rallonger inutilement la procédure de passation du marché en cause ;

- que c'est de façon régulière qu'il a pu être exigé des candidats qu'ils justifient d'une qualification au stade de la candidature ; que l'absence de production des pièces demandées place le pouvoir adjudicateur en situation de compétence liée pour rejeter une candidature ; qu'en l'espèce, la qualification demandée était parfaitement justifiée au regard des exigences du marché ;

- qu'en outre, les justifications et références produites par la société Philip Frères ne fait pas apparaître qu'elle possèderait les qualifications requises pour intervenir dans un environnement comportant des risques électriques ;

- qu'en outre, il était indispensable que la société apporte des éléments établissant qu'elle possède les compétences spécifiques de la maîtrise de l'eau, rappelées de façon très précise par le CCIP pour le traitement de bassins et de fontaines avec lesquels le public est en contact ; que les compétences reconnues de cette société dans l'entretien des cours d'eau naturels ne permet pas de pallier l'absence de justification concernant le marché qui porte sur des infrastructures spécifiques ;

Vu, enregistré le 23 février 2015, le mémoire présenté pour la SARL Philip Frères, qui persiste, par les mêmes moyens, dans ses précédentes conclusions ;

Elle soutient, en outre :

- que le règlement de la consultation, qui était entaché d'une erreur matérielle en ce qu'il mentionnait la norme UTE C 18-51 au lieu de la norme UTE C 18-510, était ambigu en ce qu'il faisait état d'une qualification "souhaitée" et non d'une qualification "exigée" ; qu'un simple souhait ne peut être regardé comme manifestant une exigence ni, par suite, comme permettant au pouvoir adjudicateur d'écarter une candidature au motif du non respect d'un simple souhait exprimé dans le règlement de la consultation ;

- que, contrairement à ce que tente de faire croire la commune, l'UTE C 18-510 n'est pas une qualification, mais un simple guide ; qu'en réalité, la commune ne souhaitait pas une "qualification UTE C 18-510", mais le respect de la norme NF C 18-510, qui est une habilitation ;

Vu, enregistré le 23 février 2015, le mémoire présenté par la société Véolia Eau, qui précise qu'elle n'a pas d'observation particulière à faire valoir ;

Vu, enregistré le 23 février 20 15, le mémoire présenté pour la commune de Montpellier qui persiste dans ses conclusions par les mêmes moyens ;

Vu la décision du 25 août 2014 par laquelle le président du tribunal a désigné M. Alfonsi, vice-président, comme juge des référés ;

Vu les pièces jointes à la requête ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code du travail🏛
;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à l'audience ;

Après avoir présenté son rapport à l'audience publique du 23 février 2015 et entendu :

- les observations de Me De Aranjo et de Me Gonzales pour la SARL Philip Frères ;

- les observations de Me Meneau pour la commune de Montpellier ;

- et les observations de M. Aa, responsable juridique de la société Véolia Eau ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L.551-1 du code de justice administrative🏛 : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, ou la délégation d'un service public. Il Le juge est saisi avant la conclusion du contrat." ;

2. Considérant que par sa requête susvisée, la SARL Philip Frères doit être regardée comme demandant l'annulation de la procédure de passation du marché public à bons de commande d'entretien des fontaines de la ville lancée par avis public d'appel à la concurrence publié le 18 novembre 2014 ;

3. Considérant qu'il résulte des termes mêmes du courrier adressé le 30 janvier 2015 à la SARL Philip Frères par le pouvoir adjudicateur que pour écarter la candidature de cette société, la commune de Montpellier s'est fondée sur la circonstance, d'une part, que n'avaient pas été fournies les "habilitations électriques UTE C 18-510" et, d'autre part, que les seules références présentées à l'appui de son dossier de candidature ne concernaient que les "travaux d'espaces verts, de nettoiement et de collecte des déchets" ;

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte des informations recueillies au cours de l'audience publique que le pouvoir adjudicateur, qui ne conteste pas que parmi les pièces produites à l'appui de sa candidature par la société requérante, figurait la liste des membres de son personnel titulaires de l'habilitation H0B0V leur permettant de travailler en environnement électrique basse et haute tension selon les prescriptions de sécurité de la norme NF C 18-510 a, en réalité, entendu reprocher à la SARL Philip Frères de n'avoir pas produit les habilitations elles-mêmes, dont ni le règlement de la consultation, qui se limitait à préciser en son article 4.1 : "qualifications souhaitées : UTE C 18- 510", ni aucun autre document de la consultation ne permettait de comprendre qu'elles devaient être fournies à l'appui du dossier de candidature ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 52 du code des marchés publics : "(...) Les candidatures qui n'ont pas été écartées (...) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. // L'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier l'élimination d'un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d'examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats. (...)" ; que l'argumentation, au demeurant peu étayée, développée au cours de l'audience publique par la commune de Montpellier, selon laquelle la SARL Philip Frères, au-delà de l'absence de références relatives à des marchés similaires, n'avait pas justifié disposer des capacités techniques suffisantes pour exécuter les prestations objet du marché, ne permet pas de valider le seul motif porté à la connaissance de cette dernière société par le courrier mentionné au point 3, fondé expressément et exclusivement sur la production de références ne correspondant pas à des prestations similaires à celles faisant l'objet du marché litigieux alors, au surplus, qu'il n'est nullement établi que, comme elle tente de le faire valoir ex post, la commune aurait réellement procédé à l'examen, auquel elle était tenue de se livrer, des capacités professionnelles, financières et techniques de la société requérante ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Philip Frères est fondée à soutenir qu'en écartant sa candidature pour les motifs susmentionnés, la commune de Montpellier a manqué aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui s'imposaient à elle et que ces manquements ont été susceptibles de la léser en faisant obstacle à l'examen de son offre ; qu'il y a lieu, par suite, d'annuler la procédure de passation du marché litigieux dans son ensemble ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Montpellier à payer à la SARL Philip Frères une somme de 1.200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que la SARL Philip Frères, qui n'est pas partie perdante, soit condamnée à rembourser à la commune de Montpellier les frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance ;


ORDONNE :

Article 1er : La procédure de passation du marché public à bons de commande d'entretien des fontaines de la ville organisée par la commune de Montpellier est annulée.

Article 2 : La commune de Montpellier paiera à la SARL Philip Frères une somme de 1.200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Montpelier tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Philip Frères, à la commune de Montpellier et à la société Véolia Eau.


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