Jurisprudence : Cass. civ. 3, 10-10-2024, n° 23-17.458, FS-B, Cassation

Cass. civ. 3, 10-10-2024, n° 23-17.458, FS-B, Cassation

A441159A

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Cass. civ. 3, 10-10-2024, n° 23-17.458, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/111963390-cass-civ-3-10102024-n-2317458-fsb-cassation
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Abstract

► Si l'existence d'un acte notarié constatant une usucapion ne peut, par elle-même, établir celle-ci, il appartient au juge d'apprécier la valeur probante des témoignages y relatés quant à l'existence d'actes matériels de nature à caractériser la possession invoquée.


CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 octobre 2024


Cassation partielle


Mme TEILLER, président


Arrêt n° 552 FS-B

Pourvoi n° B 23-17.458


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 OCTOBRE 2024


1°/ M. [W] [H],

2°/ Mme [Y] [M], épousAa [H],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° B 23-17.458 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2023 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige les opposant à la commune de [Localité 5], représenté par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en [Adresse 4], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Choquet, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de M. et Mme [Aa], de Me Haas, avocat de la commune de [Localité 5], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 septembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Choquet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Proust, conseiller doyen, Ab Ac, Ad, M. A, Mmes Pic, Oppelt, Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, Mmes Ae, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, M. Pons, Mme Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 4 avril 2023), M. et Mme [H] ont, par acte notarié du 13 décembre 2010, acquis de M. [F] une parcelle cadastrée section ZH n° [Cadastre 3].

2. Le 8 juin 2016, a été dressé par notaire un acte de notoriété acquisitive désignant M. et Mme [Aa] comme propriétaires de la parcelle voisine cadastrée section ZH n° [Cadastre 2].

3. La commune de [Localité 5] (la commune) a assigné M. et Mme [Aa] aux fins de voir annuler l'acte de notoriété et juger qu'elle est propriétaire de cette parcelle, en application de l'article 713 du code civil🏛.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [Aa] font grief à l'arrêt d'annuler l'acte de notoriété du 8 juin 2016 et de dire la commune fondée en sa demande présentée au titre de l'article 713 du code civil, alors « que si l'existence d'un acte notarié constatant une usucapion ne peut par elle-même établir celle-ci, les juges sont néanmoins tenus d'examiner si la preuve de la possession est rapportée par les éléments contenus dans cet acte ; que, pour justifier d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire pendant plus de trente ans, M. et Mme [Aa] se prévalaient notamment des deux témoignages contenus dans l'acte de notoriété du 8 juin 2016 ; qu'en retenant que la preuve d'une possession continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire pendant plus de trente ans n'était pas rapportée, sans rechercher si les deux témoignages contenus dans l'acte de notoriété du 8 juin 2016 ne permettaient pas d'établir une telle preuve, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 2261 et 2272 du code civil🏛🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles 2261 et 2272, alinéa 1er, du code civil :

5. Aux termes du premier de ces textes, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.

6. Aux termes du second, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans.

7. Il incombe à celui qui invoque le bénéfice de la prescription acquisitive de rapporter la preuve d'actes matériels de possession exercés pendant la durée prévue par le second de ces textes et revêtant les caractères exigés par le premier.

8. Si l'existence d'un acte notarié constatant une usucapion ne peut, par elle-même, établir celle-ci, il appartient au juge d'apprécier la valeur probante des témoignages relatés dans cet acte quant à l'existence d'actes matériels de nature à caractériser la possession invoquée.

9. Pour annuler l'acte de notoriété du 8 juin 2016 et juger que la commune est propriétaire de la parcelle cadastrée section ZH n° [Cadastre 2], l'arrêt retient que cet acte n'est confirmé par aucun autre élément, les autres pièces produites aux débats par M. et Mme [Aa] étant insuffisantes à établir une possession continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaires pendant plus de trente ans.

10. En se déterminant ainsi, sans analyser, comme il le lui était demandé, les témoignages contenus dans l'acte de notoriété du 8 juin 2016, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule l'acte de notoriété du 8 juin 2016, dit la commune de [Localité 5] fondée en sa demande présentée au titre de l'article 713 du code civil à l'égard de la parcelle cadastrée section ZH n° [Cadastre 2] et statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, l'arrêt rendu le 4 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne la commune de [Localité 5] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la commune de [Localité 5] et la condamne à payer à M. et Mme [H] la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix octobre deux mille vingt-quatre.

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