Demanderesse à la tierce opposition formée contre une décision rendue le 19 septembre 2023 par le Cour d'Appel de BORDEAUX,
ET:
Monsieur Luc MAISON agissant en qualité d’ayant droit de monsieur Aa A décédé le 27 aout 2022 et à titre personnel, né le … … … à … (…), … … … … … …
Cour d’Appel de Bordeaux Arrêt du 20 juin 2024
Juridiction Premier Président N° RG 23/05540 - N° Portalis
DBVJ-V-B7H-NRGK
Monsieur Marc MAISON agissant en qualité d’ayant droit de monsieur Aa A décédé le 27 aout 2022 et à titre personnel, né le … … … à … (…), … … … … … … … …
Madame Ab C veuve A agissant en qualité d’ayant droit de son défunt époux Aa A
née le … … … à … (…), … … … … … … … … … …
absents,
représentés par Me Thierry WICKERS membre de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
S.E.L.A.S. DEFIS AVOCATS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social 5 Avenue de la République - 33200 BORDEAUX
représentée par Me Raphaël MONROUX membre de la SCP HARFANG AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE
Défendeurs,
A rendu publiquement l’arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue devant nous, assistées de Séverine Roma, Greffière, en audience publique, le 26 Mars 2024 et qu’il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus désignés, lequel a été prorogé au 20 juin 2024, ce dont les parties ont été avisées.
Faits, procédure et prétentions :
Par ordonnance du 4 mars 2022, le juge taxateur du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- déclaré recevable la contestation formée par M. Aa A à l'encontre de la décision du greffier vérificateur du 27 août 2021,
- déclaré irrecevable l'intervention volontaire de M. Luc MAISON et de M. Marc MAISON,
- déclaré prescrits les frais afférents aux décisions antérieures au mois de septembre 2016 pour un montant de 117,01 € T.T.C.,
- déclaré justifiés et bien fondés le surplus des frais réclamés par Maitre FLEURY-SELAS FPF AVOCATS,
- annulé, par conséquence, le certificat de vérification des dépens du 27 août 2021 n°21/114,
et, statuant à nouveau, a :
- taxé, en conséquence, à la somme de 65.047,76 € T.T.C. les frais de Maitre Arnaud FLEURY - SELAS FPF AVOCATS au titre de l'instance enrôlée sous le numéro RG16/05503 ayant donné lieu au jugement rendu parle tribunal de grande instance de Bordeaux
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le 10 juillet 2018;
- débouté les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- condamné M. Aa A aux entiers dépens de l'instance.
Mme Ab C veuve MAISON, M. Luc MAISON, M. Marc MAISON, agissant en qualité d'ayants droits de Monsieur Aa A, décédé le 27 août 2022, M. Luc MAISON, et M. Marc MAISON (ci-après les consorts A) ont relevé appel de cette décision.
Par arrêt du 19 septembre 2023, la cour a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de Mme Ab C veuve MAISON, Mrs Luc et Marc MAISON ès qualités d'ayant droits de M. Aa A ;
- déclaré recevable en ses demandes la SELAS DEFIS AVOCATS venant aux droits de la SELAS FPF AVOCATS ;
- infirmé la décision déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevables les interventions volontaires de Mrs Luc MAISON et Marc MAISON ;
Statuant à nouveau,
- déclaré recevables les interventions volontaires de Mrs Luc MAISON et Marc MAISON ;
- déclaré recevable l'appel des consorts A ;
- pour le surplus confirmé l'ordonnance de taxe du 4 mars 2022 ;
- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum les appelants aux dépens.
La SELAS FPF AVOCATS a fait tierce opposition à cette décision, et, aux termes de ses conclusions développées oralement à l'audience, demande à la cour de :
- déclarer recevable sa tierce opposition ;
La déclarant bien fondée :
- réformer la décision du 19 septembre 2023 et dire sans droit ni titre la société DEFIS AVOCATS à prétendre au bénéfice de l'ordonnance de taxe du 4 mars 2022 arrêtant à la somme de 65.164,77 € le montant de l’état de frais dû par les consorts A,
- lui allouer le bénéfice de l’ordonnance de taxe du 4 mars 2022 arrêtant à la somme de 65.164,77 € le montant de l’état de frais dû par les consorts A,
- déclarer l’arrêt à intervenir opposable aux consorts MAISON,
- condamner la SELAS DEFIS AVOCATS à lui payer 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- dire ce que de droit au titre des dispositions de l'
article 32-1 du code de procédure civile🏛.
La société soutient que :
- son action est recevable, la créance litigieuse ayant été émise et invoquée à hauteur de cour d’appel en fraude de ses droits,
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- qu’elle dispose d’un moyen propre à faire avaloir, dès lors qu’elle n’a jamais consenti aux conclusions de Me PUYBARAUD indiquant que DEFIS AVOCATS venait aux droits de FPF Avocats,
- que la créance litigieuse, émise par Maître FLEURY lorsqu'il était associé et Directeur général de FPF AVOCATS, n'apparaît pas en comptabilité,
- qu’à aucun moment, Maître Arnaud FLEURY n’a informé son co-associé Ac X de l’émission de l’état de frais, pas plus que le fait que les consorts A contestaient un état de frais,
- qu’il ne l’a pas davantage informé de la décision du 4 mars 2022, par laquelle le Tribunal a validé l’état de frais pour un montant de 65.047,76 €,
- que la SELAS DEFIS AVOCATS n'est cessionnaire que du droit de présentation de la clientèle d’affaires matérialisé par la liste des dossiers annexés au protocole, et qu’il en résulte que les créances attachées aux dossiers objet de la liste annexée au protocole demeurent acquises au cédant,
- que même si ce client avait pu être valablement cédé, il n’en demeure pas moins que cela ne pouvait pas emporter le transfert des créances existant sur ce client au profit de DEFIS AVOCATS,
- que les dossiers et clients transmis à DEFIS AVOCATS ne permettent pas à DEFIS AVOCATS de se considérer comme titulaire d’une créance existant sur le client concerné, dès lors que FPF AVOCATS en était titulaire avant la cession de clientèle,
- qu’ au jour de leur départ, la créance avait déjà été émise par FPF AVOCATS, ce qui la rendait exigible,
- qu’une cession de clientèle n'emporte jamais la cession des créances du cédant au profit du cessionnaire, sauf accord exprès des parties et notification de la cession au débiteur en application de l’
article 1690 du code civil🏛.
La société DEFIS AVOCATS demande à la cour de :
- déclarer FPF AVOCATS irrecevable à former tierce opposition à l’arrêt du 19 septembre 2023,
- débouter FPF AVOCATS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- en tant que de besoin débouter les consorts A de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.
-Condamner FPF AVOCATS à lui payer une indemnité de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La société DEFIS AVOCATS soutient que :
- la société FPF AVOCATS qui était partie à la procédure, a été régulièrement convoquée et s'est désintéressée de la procédure,
- dès lors qu’il est établi que FPF AVOCATS était informée de l’existence de la procédure de taxation avant et après la cession de clientèle, il n’y a eu aucune fraude dans le cadre de l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 19 septembre 2023, et la tierce opposition est irrecevable,
-la société FPF AVOCATS qui n’est ni créancière ni ayant-cause n’a pas de moyens qui lui sont propres à faire valoir,
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- le dossier MAISON figurait bien dans la liste des dossiers repris dans le cadre de la cession de clientèle du 30 septembre 2022,
- sur le fond, le contrat de cession du fonds conclu entre FPF et DEFIS prévoit le transfert de la clientèle actuelle et future telle que listée en annexe, de sorte qu'il y a donc bien eu un accord pour que les dossiers figurant en annexe 3.1 soient transférés et exploités par DEFIS AVOCATS en contrepartie du versement du prix de cession
- la créance n’était ni certaine ni exigible, tant que le processus n’est pas allé jusqu’à son terme, raison pour laquelle aucune facture n’a été émise avant l’issue de la procédure de taxe, et que ce n’est donc que par l’arrêt du 19 septembre 2023 que la créance a été fixée par la Cour d’Appel de Bordeaux, soit postérieurement à la cession de la branche d'activité,
- lors de la cession, il n’a été laissé à FPF AVOCATS que les créances figurant dans la liste des factures impayées annexées à l’acte de cession, et toute créance résultant des dossiers suivis par Me Arnaud FLEURY et Me Emmanuelle GERARD DEPREZ ne figurant pas dans cette liste, leur demeure acquise.
Les consorts A demandent à la cour de statuer ce que de droit sur les demandes dont elle est saisie, de déclarer, en toute hypothèse les demandeurs irrecevables à remettre en cause la décision, sauf en ce qu’elle a déclaré la société DEFIS AVOCATS sans droit ni titre, et la condamnation de la partie qui succombera aux entiers dépens et 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
Selon les dispositions de l'
article 583 du code de procédure civile🏛, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque.
Les créanciers et les autres ayants cause d'une partie peuvent toutefois former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres.
En l’espèce, l'arrêt du 19 septembre 2023 a été rendu entre les consorts A et la “SELAS DEFIS AVOCATS venant aux droits de la SELAS FPF AVOCATS dont Maître Arnaud FLEURY est membre prise en la personne de son représentant légal”, de sorte que c'est à juste titre que la société FPF AVOCATS fait valoir qu’elle n’était pas partie à hauteur d’appel, seule la société DEFIS AVOCATS ayant cette qualité.
La société DEFIS ne peut d’ailleurs sans se contredire invoquer la qualité de partie de la société FPF AVOCATS devant la juridiction du premier président tout en affirmant que ladite société s'est déchargée de cette procédure au bénéfice de la SELAS DEFIS AVOCATS, laquelle s’est substituée à elle dans le procès.
Bien plus, la société FPF produit aux débats un échange d'e-mails entre Me PETIT et Me FLEURY dont il ressort que Me PETIT ayant transféré à Me FLEURY la convocation de la société FPF
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devant la cour d’appel à la suite du recours des consorts A, Me FLEURY lui a répondu le 13 février 2023 : “Je te remercie de cette convocation envoyée par erreur à FPF AVOCATS. J'avais connaissance de cette date et je fais évidemment le nécessaire, s'agissant d’un de mes dossiers sur la liste. Tu n’as donc pas à t'en inquiéter.”
La société DEFIS AVOCATS ne peut pas plus soutenir que la société FPF ne dispose pas d’un intérêt à agir rendant irrecevable son action, alors que, précisément, la société FPF agit pour faire reconnaître son droit à obtenir le paiement à son profit des dépens taxés, et que la société DEFIS AVOCATS est, au terme de la décision critiquée, seule créancière des sommes allouées.
Le conflit d'intérêt existant entre la société FPF et la SELAS DEFIS AVOCATS empêche enfin de considérer que la première était représentée à l'audience devant la cour, ce d’autant que le conseil de la société DEFIS AVOCATS devant la cour, dans un courrier du 10 janvier 2024 versé aux débats, précise qu’il occupait dans le cadre de cette procédure dans l'intérêt de Me Arnaud FLEURY, lequel était alors associé de DEFIS AVOCATS.
La société FPF disposant de la qualité de tiers et d’un intérêt à agir, son action est recevable.
Sur le fond, il résulte de l’article 1690 du Code civil qu'en l'absence de clause expresse, la cession d'un fonds libéral n'emporte pas de plein droit celle des obligations dont le vendeur pouvait être tenu en vertu d'engagements initialement souscrits par lui ni celle des créances qu'il détenait antérieurement à la cession.
En l’espèce, aucune clause du contrat de cession conclu le 30 septembre 2022 ne contient une telle clause.
C’est donc à juste titre que la société demanderesse fait valoir que DEFIS AVOCATS ne peut pas, en conséquence, recouvrer à son profit les créances antérieures à la cession, faute d’en avoir été expressément désignée comme cessionnaire.
En revanche, contrairement à ce que soutient la société DEFIS AVOCATS, il ne peut se déduire de l'acte de cession que seules les créances figurant dans la liste des factures impayées annexées à l'acte de cession restent acquises à FPF, dès lors qu'aucune clause de cet acte n’exclut expressément la possibilité pour le cédant de faire valoir ses droits sur les créances nées antérieurement à la cession.
L'article 12 “propriété — jouissance” aux termes duquel “Le CESSIONNAIRE a la propriété de la clientèle vendue et en a la jouissance à compter du 4 octobre 2022" n’interdit pas plus à FPF le droit d’obtenir le règlement des créances nées au profit du Cabinet avant la cession, le point de départ de la jouissance consentie à DEFIS étant fixé au 4 octobre 2022, et le fait que le dossier “MAISON" figure dans la liste des clients cédés par FPF à
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Y ne peut pas plus exclure le paiement au profit de FPF des sommes dues par les consorts A antérieurement à la cession.
Par ailleurs, ainsi que le soutient à bon droit la société DEFIS AVOCATS, la créance de la société FPF à l’encontre des consorts A dans le cadre de la procédure de vérification des dépens n’était ni certaine ni exigible tant qu’une décision définitive n’était pas intervenue sur ce point. Dès lors, aucune facture ne pouvait être inscrite en comptabilité, faute de certitude de la créance de la société FPF, et celle-ci n’est pas fondée à faire grief à Me FLEURY de n’avoir pas fait figurer cette créance en compatibilité.
Cependant, quand bien même l’état de frais ne pouvait figurer dans la comptabilité de la société FPF avant l’issue de la procédure de taxation, qui a rendu la créance certaine et exigible, la SELAS FPF, conformément à l’
article 704 du code de procédure civile🏛, a nécessairement remis aux parties un compte détaillé de sa créance, conforme aux règles régissant les droits de l’avocat dans le cadre des différentes procédures judiciaires, et plus particulièrement dans le cadre de l'instance ayant abouti au jugement du 10 juillet 2018 de partage judiciaire, lequel a donné lieu au calcul d’un droit proportionnel.
Le principe même de la créance était en conséquence acquis avant la cession, même si son quantum faisait l’objet d’une contestation.
En outre, la demande de vérification de créances accompagnée de l’état de frais produit aux débats a été déposée au greffe par “Maître FLEURY- SELAS FPF AVOCATS”, le 27 août 2021 à l'issue des procédures dans lesquelles FPF était intervenu pour le compte des consorts A, de sorte que FPF était, dès l’issue des desdites procédures, créancière d’une créance de dépens, dont seul le quantum restait à déterminer.
Le débat sur le déséquilibre de l’économie de la cession est indifférent à la solution du présent litige, ce d’autant que Me FLEURY est seul responsable de l’omission de cette créance, pourtant acquise à FPF, au moment de la négociation du prix de cession.
De l’ensemble de ces éléments, il ressort que seule la SELAS FPF AVOCATS est créancière des émoluments taxés, et il convient de faire droit à la tierce opposition, réformer la décision du 19 septembre 2023 et dire sans droit ni titre la société DEFIS AVOCATS à prétendre au bénéfice de l'ordonnance de taxe du 4 mars 2022 arrêtant à la somme de 65.164,77 € le montant de l’état de frais dû par les consorts A, et d’allouer à la société d'exercice libéral par actions simplifiée FPF AVOCATS le bénéfice de l'ordonnance de taxe du 4 mars 2022 arrêtant à la somme de 65.164,77 € le montant de l’état de frais dû par les consorts A.
La présente décision sera déclarée opposable aux consorts A.
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Il convient, en équité, de condamner la société DEFIS AVOCATS à payer à la SELAS FPF et aux consorts A à chacun la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; que la demande présentée sur le même fondement par la société DEFIS AVOCATS , qui succombe, sera en revanche rejetée, et elle supportera seule les dépens.