SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Les trois sociétés appelantes appartiennent au groupe Sony réputé notamment dans l'industrie du jeu vidéo, depuis 1994, pour ses consoles de jeux de la série PlayStation. Ces consoles de jeux sont vendues avec des manettes dénommées DualShock.
La société japonaise Sony Interactive Entertainment Inc (Sony) indique détenir plusieurs brevets se rapportant à ces manettes et notamment :
- le brevet européen n°0 867 212 (EP 212) intitulé «Dispositif d'actionnement de machines de jeu» désignant notamment la France déposé le 11 avril 1997 et délivré le 23 juin 2004,
- le brevet européen n°0 834 338 (EP 338) intitulé «Module de commande pour appareil de jeu vidéo» désignant notamment la France déposé le 30 septembre 1997 et délivré le 31 mars 2004,
- le brevet européen n°1 331 974 (EP 974) intitulé «Système informatique constitué d'une pluralité de terminaux de mise en œuvre et d'un processeur» désignant notamment la France déposé le 1er août 2001 et délivré le 28 décembre 2005.
La société anglaise Sony Interactive Entertainment Europe Limited (Sony Europe) est titulaire de licences exclusives accordées par la société Sony sur lesdits brevets. Elle vend en France les produits qui en sont issus à la société française Sony Interactive Entertainment France SA (Sony France) qui est distributrice exclusive pour le territoire français.
La société Subsonic immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lyon depuis 2008 a pour objet social déclaré «la conception, la fabrication, l'achat et la vente de tous produits ou accessoires en relation avec les jeuxvidéo ou électroniques ainsi que tous jouets ou articles de loisir».
Elle commercialise notamment des manettes compatibles avec les différentes versions des consoles PlayStation.
Les parties ont signé un protocole transactionnel le 10 novembre 2014, aux termes duquel la société Subsonic acceptait « de cesser de vendre, produire, distribuer, faire de la publicité et/ou provoquer la production, vente, distribution et publicité de manettes ou tout autre produit utilisant les « symboles cassés » ou tout autre signe similaire aux marques détenues par la société Sony à partir du 2 mai 2014 » et cette dernière accordait à la société Subsonic « une période de grâce, sans royautés et non extensible de 10 mois pour vendre dans le Territoire le stock existant ». Le protocole mentionnait le droit des marques sans faire état du droit des brevets.
Le 20 octobre 2016, la société Subsonic a saisi l'autorité de la concurrence, aux fins de voir sanctionner les comportements de la société Sony pouvant être qualifiés selon elle, de vente liée en vue d'évincer les concurrents. Cette dénonciation est actuellement toujours en cours d'instruction.
Saisis sur requête par la société Sony, les tribunaux de grande instance de Düsseldorf le 15 août 2016 et de Munich le 9 août 2016, ont fait droit à une demande d'interdiction provisoire d'importation, d'offre et de vente en Allemagne de la manette Subsonic Pro 5 Controller compatible avec la PlayStation 4.
Puis, la société Sony a fait procéder en France, par huissiers de justice, d'une part à un procès-verbal constat, le 25 novembre 2016, sur le site internet de la société Subsonic et d'autre part à des procès-verbaux de constat d'achat les 30 novembre et 8 décembre 2016 sur le site de ventes Aa.
Elle a ensuite fait réaliser des opérations de saisie-contrefaçon les 19 et 20 décembre 2016 au siège social de la société Subsonic suivant autorisation accordée par une ordonnance présidentielle en date du 14 décembre 2016.
Les sociétés Sony ont ensuite, par acte du 19 janvier 2017 fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, la société Subsonic en contrefaçon de plusieurs revendications des brevets précités.
Le jugement du tribunal de judiciaire du 4 septembre 2020 dont appel a':
- dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces n°1.9, 1.9.1, 1.9.2 et 1.9.3 produites par les demanderesses,
- déclaré les sociétés Sony et Sony Europe Limited irrecevables en leur action en contrefac'on des brevets européens EP 212, EP 338 et EP 974,
- déclaré la société Sony France recevable en son action en concurrence déloyale,
- débouté la société Sony France de l'intégralité de ses demandes,
- condamné la société Sony à payer à la société Subsonic la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des opérations de saisie contrefaçon des 19 et 20 décembre 2016,
- débouté la société Subsonic du surplus de ses demandes ;
- condamné in solidum les sociétés Sony et la Sony France à payer à la société Subsonic la somme de 100.000 euros au titre des dispositions de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- condamné les sociétés Sony, Sony Europe et Sony France aux dépens.
Les sociétés Sony ont interjeté appel dudit jugement par déclaration du 11 septembre 2020 demandant l'annulation du jugement pour non respect du contradictoire et sa réformation de chefs du dispositifs expressément visés.
Par leurs dernières conclusions les sociétés Sony sollicitent de la cour de':
- Annuler le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 4 septembre 2020 ;
Dans l'hypothèse où la cour ne prononcerait pas l'annulation ou si la cour statue compte-tenu de l'effet dévolutif :
- Réformer ce jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce que le tribunal a jugé la société Sony France recevable en ses demandes et rejeté certaines des demandes reconventionnelles de la société Subsonic et statuant à nouveau :
- Rejeter la demande en nullité de la cession des brevets EP 212, EP 338 et EP 974 comme irrecevable, ou à tout le moins mal fondée ;
- Dire les sociétés Sony recevables en leurs demandes ;
- Déclarer la société Subsonic irrecevable à demander en cause d'appel la nullité des revendications n°6, 8, 13, 14, 16 à 38, 40 et 41 du brevet EP 338 et des revendications n°1 à 10, 14 à 17 et 19 à 24 du brevet EP 974 qui ne lui sont pas opposées, ou à tout le moins la déclarer mal-fondée ;
- Rejeter les demandes en nullité des revendications n°1 à 11 du brevet EP 212, des revendications 1 à 5, 7, 9 à 12, 15 et 39 du brevet EP 338 et des revendications n°11, 12, 13 et 18 du brevet EP 974 ;
- Juger que les manettes de la société Subsonic compatibles avec les consoles de jeux PS3 et PS4, portant notamment les références suivantes :
PRO5 Sport controller ;
PRO5 controller wireless édition Camo ;
PRO5 controller Ab & Ac ;
PRO5 controller ' licence officielle Paris Saint-Germain ;
PRO5 Manette pour PS4 ' licence officielle Olympique Lyonnais ;
Wired controller ;
PRO controller wireless Gangsta ;
Wireless controller ;
One Piece Wired controller ;
POCKET PRO controller Fluo Touch ;
NARUTO wireless controller ;
PRO controller Ab Ad ;
PRO controller Ab & Ac ;
PRO controller Camo Edition ;
PRO Football controller ;
ACE controller ;
ACE Champion Edition ;
ACE Football ;
Manette sans fil Football 2016 ;
Manette pour PS3 ' licence officielle Paris Saint-Germain ;
Manette pour PS3 ' licence officielle Lille Olympique Sporting Club ;
reproduisent le dispositif d'actionnement objet des revendications n°1 à 10 du brevet EP 212 de la société Sony et constituent un moyen se rapportant à un élément essentiel de la machine de jeu objet de la revendication n°11 de ce même brevet ;
- Juger que les manettes de la société Subsonic compatibles avec les consoles de jeux PS3 et PS4 portant notamment les références suivantes :
PRO5 Sport controller ;
PRO5 controller wireless édition Camo ;
PRO5 controller Ab & Ac ;
PRO5 controller ' licence officielle Paris Saint-Germain ;
GATOR CLAW filaire ;
PRO5 Manette pour PS4 ' licence officielle Olympique Lyonnais ;
PRO controller wireless Gangsta ;
One Piece Wired controller ;
POCKET PRO controller Fluo Touch ;
NARUTO wireless controller ;
PRO controller Ab Ad ;
PRO controller Ab & Ac ;
PRO controller Camo Edition ;
PRO Football controller ;
ACE controller ;
ACE Champion Edition ;
ACE Football ;
Manette pour PS3 ' licence officielle Paris Saint-Germain ;
Manette pour PS3 ' licence officielle Lille Olympique Sporting Club ;
reproduisent le module de commande objet des revendications n°1 à 5, 7, 9 à 12, 15 et 39 du brevet EP 338 de la société Sony, ou constituent un moyen se rapportant à un élément essentiel du module de commande de machine objet de ces revendications ;
- Juger que les manettes de la société Subsonic compatibles avec les consoles de jeux PS4 portant notamment les références suivantes :
PRO5 Sport controller ;
PRO5 controller wireless édition Camo ;
PRO5 controller Ab & Ac ;
PRO5 controller ' licence officielle Paris Saint-Germain ;
reproduisent le dispositif de terminal ou constituent un moyen se rapportant à un élément essentiel du dispositif de terminal objet des revendications n°11, 12 et 13 du brevet EP 974 de la société Sony et constituent un moyen se rapportant à un élément essentiel du système de communication objet de la revendication n°18 de ce même brevet;
Juger que la société Subsonic a commis des actes de contrefaçon des revendications précitées des brevets EP 212, EP 338 et EP 974 en important, offrant, vendant, livrant et détenant, en France, les manettes précitées ;
Enjoindre la société Subsonic d'avoir à communiquer, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai de 30 jours suivant signification de l'arrêt à intervenir, une attestation de ses commissaires aux comptes précisant les quantités mensuelles de manettes :
reproduisant les revendications n°1 à 11 du brevet EP 212 et/ou les revendications n°1 à 5, 7, 9 à 12, 15 et 39 du brevet EP 338, commandées, importées, commercialisées, livrées en France ou depuis la France, et la marge sur coûts variables annuelle qui en est résultée, depuis le 19 janvier 2012 jusqu'à la date d'expiration respective des brevets ;
reproduisant les revendications n°11, 12, 13 et 18 du brevet EP 974, commandées, importées, commercialisées, livrées en France ou depuis la France, et la marge sur coûts variables annuelle qui en est résultée, depuis le 19 janvier 2012 jusqu'à la date de signification de l'arrêt à intervenir ;
Se réserver de liquider les astreintes ordonnées conformément aux dispositions de l'
article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution🏛 ;
- Condamner la société Subsonic à réparer le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon, qui sera fixé après communication par la société Subsonic des informations relatives à la masse contrefaisante et aux bénéfices réalisés, et dès à présent à verser, à titre de provision :
d'une part, à la société Sony la somme de 347 211 euros ;
et d'autre part, aux sociétés Sony Europe et Sony France SA la somme de 50.000 euros chacune ;
- Ordonner la publication, par extraits, de l'arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues professionnels, français ou étrangers, au choix des sociétés Sony et aux frais de la société Subsonic, à concurrence de 5 000 euros HT par publication, ainsi que sur la page d'accueil des sites Internet http://www.subsonic.com et http://www. pro5controller .com, pendant une durée d'un mois ;
- Rejeter la demande de condamnation in solidum des sociétés Sony à payer à la société Subsonic une somme de 100.000 euros pour procédure abusive ;
- Condamner la société Subsonic à payer aux sociétés Sony une somme de 100.000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société Subsonic aux entiers dépens et dire qu'ils seront recouvrés conformément à l'
article 699 du code de procédure civile🏛.
Par ses dernières conclusions la société Subsonic demande à la cour de':
- débouter les sociétés Sony de leurs demandes ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
' déclaré les sociétés Sony et Sony Europe irrecevables en leur action en contrefaçon des brevets EP 212, EP 338 et EP 974, au besoin par substitution de motifs,
' débouté la société Sony France de l'intégralité de ses demandes,
' condamné la société Sony à payer à la société Subsonic la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des opérations de saisie contrefaçon des 19 et 20 décembre 2016 ;
' condamné in solidum les société Sony.et Sony France à payer à la société Subsonic la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
' condamné les sociétés Sony aux dépens.
- l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau, prononcer la nullité de la partie française des brevets européens EP 212, EP 338 et EP 974 en l'intégralité de leurs revendications,
Subsidiairement
- prononcer la nullité :
' des revendications n°1 à 11 de la partie française du brevet EP 212
' des revendications n°1 à 5, 7, 9 à 12, 15 et 39 de la partie française du brevet EP 338
' des revendications n°11, 12, 13 et 18 de la partie française du brevet EP 974
Très subsidiairement
- prononcer la nullité de la cession des brevets EP 212, EP 338 et EP 974, et à tout le moins de la cession de la partie française desdits brevets européens,
En tout état de cause
- déclarer les sociétés Sony irrecevables leurs demandes, et subsidiairement les en débouter,
- condamner in solidum les sociétés Sony à payer la somme de 100.000 euros à titre indemnitaire pour procédure abusive,
- condamner in solidum les sociétés Sony à payerà la société Subsonic la somme de 225.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les sociétés Sony in solidum les sociétés Sony aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Subsonic, sur interrogation de la cour, a précisé à l'audience que les demandes présentées en annulation des revendication des brevets EP 212, EP 338 et EP 974 l'étaient à titre subsidiaire à sa demande principale de confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables les actions en contrefaçon des sociétés Sony et Sony France, ainsi que constaté par la note d'audience de la greffière.
Sur la demande d'annulation du jugement
Les sociétés Sony font valoir que les premiers juges en retenant d'une part que les tests des manettes Subsonic achetées sous constats d'huissier et effectués par les conseils en propriété industrielle sont dénués de force probante et d'autre part que l'une des caractéristiques du brevet européen EP 212 n'est pas reproduite dans la manette, faute de preuve suffisante, sans recueillir les observations des sociétés Sony ont violé le principe du contradictoire.
Elles sollicitent en conséquence l'annulation du jugement entrepris.
Néanmoins et ainsi que le font pertinemment valoir les intimées, le juge peut prendre en
considération des faits que les parties n'ont pas spécialement invoqués au soutien de leur
prétention et qui font partie du débat contradictoire. Il leur appartient de vérifier la force probante des pièces qui sont régulièrement communiquées au débat et d'apprécier au vu des éléments du débat l'existence ou la non existence de la contrefaçon alléguée.
La demande d'annulation du jugement entrepris sera dès lors rejetée.
Il sera ainsi examiné les demandes d'infirmation du jugement étant observé qu'il n'est plus formé en cause d'appel de demande de rejet de pièces écartée par les premiers juges.
Sur la recevabilité à agir de la société japonaise Sony en contrefaçon des brevets
Le brevet EP 212 a été déposé conjointement par une société japonaise dénommée Sony Computer Entertainment Inc et par une société Sony Corporation le 11 avril 1997 sous priorité japonaise du 11 octobre 1996. Il a été délivré le 23 juin 2004 à la seule société Sony Computer Entertainment Inc du fait d'une cession intervenue à son profit de la quote-part de la société Sony Corporation. Il a expiré le 11 avril 2017.
Cette même société, Sony Computer Entertainment Inc, a déposé, le 30 septembre 1997, sous deux priorités japonaises des 1er octobre 1996 et 22 avril 1997, le brevet EP 338 délivré le 31 mars 2004. Il a expiré le 30 septembre 2017.
Elle a également déposé le 1er août 2001 le brevet EP 974, sous priorité japonaise du 27 octobre 2000 délivré le 28 décembre 2005. Il a expiré le 27 octobre 2020.
Ces trois brevets européens désignent la France.
La société Sony expose que':
- la société Sony Computer Entertainment Inc (SCEI) qui a déposé les brevets a changé de dénomination sociale le 1er avril 2010, pour s'appeler «SNE Platform Inc»,
- à la même date, une nouvelle entité a été créée, issue d'une division de la société SNE Platform Inc fraîchement renommée : cette nouvelle entité a pris la dénomination «Sony Computer Entertainment Inc.» (la nouvelle société SCEI),
- la branche d'activités regroupant les consoles de jeux (y compris les consoles PlayStation 3 et 4) et leurs accessoires, ainsi que l'ensemble des droits de propriété intellectuelle associés, ont été transférés de la société SNE Platform Inc., soit l'ancienne société SCEI, à la nouvelle société SCEI, dans le cadre d'une transmission universelle de patrimoine, en application de l'article 764 alinéa 1 du code des sociétés japonais.
Pour en justifier, elle a produit en première instance un projet de plan de cession daté du 24 février 2010 (pièces Sony 1.9.2, 1.9.3 et 1.9.7) et une attestation datée du 8 décembre 2017 de l'avocat japonais de la société Sony, M. [P] (pièces Sony 1.9, 1.9.1 et 1.9.4) que les premiers juges avaient considérés insuffisants à établir la réalité de la scission absorption telle qu'elle était alléguée.
En cause d'appel, les société Sony arguent d'une scission création et versent au débat':
- une attestation du cabinet d'avocats japonais Nagashima, Ono and Tsunematsu qui indique avoir entre décembre 2009 et juin 2010 conseillé et représenté légalement les sociétés SCEI dans le cadre des opérations de scission-création et d'enregistrement de cette scission-création. La scission-création a été approuvée par l'assemblée générale des actionnaires de la SCEI le 30 mars 2010 et a pris effet au 1er avril 2010 date de l'enregistrement de la constitution de la nouvelle société auprès des autorités japonaises.
L'attestation précise que la scission-création telle que prévue par le droit japonais consiste pour une société à transférer à une société nouvellement créée tout ou partie de ses droits et obligations concernant ses activités et que la cession des «actifs immobilisés» mentionnée dans le projet de scission inclut, selon le droit japonais, les brevets relatifs aux activités cédées (pièce Sony 1.30.2).
- l'approbation du projet de scission-création par le conseil d'administration de la société SCEI en date du 24 février 2010 (pièce Sony 1.30.3).
- l'approbation du projet de scission-création par l'assemblée générale de la société SCEI le 30 mars 2010 (pièce Sony 1.30.6).
- une attestation du directeur général de la nouvelle société SCEI (précédemment directeur général de l'ancienne société SCEI) en date du 6 décembre 2011 (pièce Sony 1.31.2).
Au vu de ces éléments , la cour retient que la preuve est bien rapportée de la transmission au 1er avril 2010 à la société nouvelle SCEI, dénommée à la présente procédure société Sony, de la titularité des brevets EP 212, EP 338 et EP 974.
Il ressort des éléments produits au débat et non contestés par les parties que les formalités d'inscription au Registre National des Brevets (RNB) tenu par l'INPI du transfert des dits brevets EP 212, EP 338 et EP 974 n'ont été réalisées que le 13 août 2018, soit plus de 18 mois après la délivrance de l'assignation devant le tribunal.
L'
article L.613-9 du code de la propriété intellectuelle🏛 dispose que':
«Tous les actes transmettant ou modifiant les droits attachés à une demande de brevet ou à un brevet doivent, pour être opposables aux tiers, être inscrits sur un registre, dit Registre national des brevets, tenu par l'Institut national de la propriété industrielle.
Toutefois, avant son inscription, un acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits après la date de cet acte, mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l'acquisition de ces droits.
Le licencié, partie à un contrat de licence non inscrit sur le Registre national des brevets, est également recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le propriétaire du brevet afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre».
Ainsi, la demande en contrefaçon formée par le cessionnaire d'un droit de propriété industrielle n'est pas recevable tant que l'acte juridique emportant transfert du droit n'a pas fait l'objet d'une inscription au registre national concerné. Incontestablement titulaire du droit, le cessionnaire n'a cependant en effet, avant cette date, pas de droits opposables aux tiers et notamment aux tiers supposés contrefacteurs qui ne sont pas visés par l'exception prévue au second alinéa.
Cet article a vocation à s'appliquer, comme en l'espèce, lorsque le brevet en cause est constitué par la partie française d'un brevet européen ou lorsque le transfert du droit procède, non d'une cession isolée, mais d'une opération juridique plus vaste telle une cession de fonds de commerce, un apport partiel d'actif ou une fusion entre sociétés. Il signifie que l'acte juridique de transfert du droit n'est pas opposable aux tiers tant qu'il n'a pas été inscrit au registre et, dès lors, le cessionnaire, nouveau titulaire du brevet, ne peut se prévaloir de cette qualité dans ses rapports avec les tiers, autrement dit leur opposer ses droits, avant la date d'accomplissement de cette formalité.
La société Sony n'était pas, au jour de l'assignation introductive d'instance recevable, à agir en contrefaçon sur le fondement des brevets EP 212, EP 338 et EP 974 au sens des
articles 31 et 32 et 122 du code de procédure civile🏛🏛🏛.
Si, comme le prévoit l'
article 126 du code de procédure civile🏛, la fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée en cours d'instance, cette régularisation ne peut avoir effet que pour les actes commis postérieurement à l'inscription opérée.
La société Sony qui n'était pas titulaire d'un droit opposable aux tiers doit en conséquence être déclarée irrecevable à agir sur le fondement de la contrefaçon de la partie française de ses brevets EP 212, EP 338 et EP 974 pour tous les actes commis antérieurement au 13 août 2018.
Or les faits poursuivis, constatés en 2016 par constats d'huissier de justice et saisie-contrefaçon sont antérieurs à l'inscription opérée en août 2018, étant au surplus observé que les brevets EP 212 et EP 338 ont expiré en 2017.
Ainsi, le dispositif du jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré la société Sony irrecevable en son action en contrefaçon des brevets européens EP 212, EP 338 et EP 974.
Sur la recevabilité à agir de la société anglaise Sony Europe en contrefaçon des brevets
La société Sony Europe fonde son action en contrefaçon des brevets EP 212, EP 338 et EP 974 sur sa qualité de licencié exclusif et la possibilité qui lui est donnée par le troisième alinéa de l'article L.613-9 du code de la propriété intellectuelle ci-dessus reproduit d'intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par le propriétaire du brevet.
Les premiers juges ont à juste titre retenu que l'action de la société Sony étant déclarée irrecevable, celle de la société Sony Europe doit l'être également.
Le jugement sera dès lors également confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de la société Sony Europe.
Sur la recevabilité à agir de la société française Sony France sur le fondement de la concurrence déloyale
La recevabilité de la société Sony France à agir sur le fondement de la concurrence déloyale à l'encontre de la société Subsonic retenue par les premiers juges n'est pas contestée en cause d'appel de sorte que ce chef du dispositif est irrévocable.
Sur le bien fondé de l'action en concurrence déloyale
La cour observe que la société Sony France n'articule aucun grief à l'encontre de la société Subsonic distinct des actes invoqués à l'appui des griefs de contrefaçon des brevets EP 212, EP 338 et EP 974.
Elle fait état de la jurisprudence selon laquelle le distributeur exclusif peut agir en concurrence déloyale contre le contrefacteur sans avoir à faire la preuve de faits distincts, les actes de contrefaçon suffisant à caractériser la faute de l'
article 1240 du code civil🏛 et intervenir aux côtés du titulaire du brevet pour obtenir réparation du préjudice propre subi du fait de la faute civile que constituent, à son égard, les actes de contrefaçon, qui introduisent une distorsion indue dans le jeu de la concurrence normale.
Or, il résulte de ce qui précède que les demandes de la société Sony fondées sur la contrefaçon des brevets européens invoqués ont été considérées irrecevables.
Dès lors, la société Sony France ne pourra qu'être déboutée de sa demande fondée sur la concurrence déloyale.
Ainsi, le dispositif du jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Sony France de l'intégralité de ses demandes.
Sur l'abus constitué par les opérations de saisie-contrefaçon
La société Sony a obtenu par ordonnance présidentielle l'autorisation de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon par huissier de justice qui ont été effectuées sur deux jours les 19 et 20 décembre 2016. Elle a obtenu ladite autorisation sans avoir fait état de la cession non publiée au RNB et indique seulement avoir fait le choix ultérieurement de retirer des débats le procès-verbal de saisie-contrefaçon ainsi obtenue.
Pour autant, l'obtention de l'ordonnance présidentielle dans de telles conditions et la poursuite sur deux jours d'opération de saisie-contrefaçon est fautive au sens de l'
article 1240 du code de procédure civile🏛 et a engendré un préjudice de désorganisation important pour la société Subsonic augmenté par la période choisie, au mois de décembre alors qu'il s'agit de manettes de jeux.
La condamnation prononcée à ce titre à l'encontre de la société Sony à hauteur de 10.000 euros par le jugement entrepris doit dès lors être confirmée.
Sur la demande incidente d'abus de procédure
La société Subsonic demande l'infirmation du jugement qui l'a déboutée de sa demande fondée sur l'abus de procédure .
Pour autant, les sociétés Sony ont pu se méprendre sur l'étendue de leurs droits et la recevabilité de leurs actions et il n'est pas démontré l'existence d'une particulière mauvaise foi ou malice dans l'exercice des actions en contrefaçon et concurrence déloyale engagées par les sociétés Sony.
Le jugement qui a débouté la société Subsonic de ce chef sera également confirmé.
Sur les frais et dépens
Le jugement sera aussi confirmé en ses condamnations prononcées aux dépens de première instance et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles seront condamnées au dépens d'appel et à verser une somme complémentaire de 100.000 euros pour les frais irrépétibles d'appel.