ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
CONSEIL D'ETAT
Statuant au contentieux
N° 204999
M. AMORETTI
M. Salesse, Rapporteur
Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement
Séance du 23 mai 2001
Lecture du 15 juin 2001
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux,
(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 10ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 février 1999 et 23 juin 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Rinaldo Mario AMORETTI, demeurant 34, rue Guynemer à Paris (75006) ; M. AMORETTI demande que le Conseil d'Etat
1°) annule l'arrêt du 8 décembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 12 décembre 199 du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1986 ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) le décharge desdites impositions ;
3°) condamne l'Etat à lui payer une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Salesse, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. AMORETTI,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13, 83 et 156 du code général des impôts que les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires sont celles qui, au cours de ladite année, ont été mises à la disposition du contribuable, soit par voie de paiement, soit par voie d'inscription à un compte courant sur lequel l'intéressé a opéré, ou aurait pu, en droit ou en fait, opérer un prélèvement au plus tard le 31 décembre ;
Considérant que la cour a relevé que l'administration fiscale a rapporté aux revenus de M. AMORETTh pour la détermination de l'assiette de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1986, la somme de 814 386 F que la société Conforglace, dont il était le président-directeur-général, avait déclaré avoir versée à son profit, et que cette somme avait été portée au cours de l'année 1986 au crédit du compte courant détenu par lui dans les écritures de la société, puis laissée à la disposition de cette dernière par une décision à laquelle M. AMORETTI n'avait pu, eu égard à ses fonctions de dirigeant, que participer de façon déterminante, que la cour a relevé en outre, que M. AMORETTI, en invoquant une série d'événements postérieurs à l'année 1986, n'établissait ni qu'il était dans l'incapacité juridique de prélever la somme avant le 31 décembre 1986, ni que la situation de trésorerie de la société Conforglace aurait rendu tout prélèvement financièrement impossible ; qu'en déduisant de ces faits, qu'elle a souverainement appréciés sans les dénaturer, que la somme litigieuse devait être retenue, au titre de l'année 1986, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu de M. AMORETTI, en application des dispositions précitées, la cour n'a pas méconnu lesdites dispositions ni entaché son arrêt d'une contradiction de motifs ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
"Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour (...) assurer le paiement des impôts (...)" ; qu'il résulte des termes mêmes de cet article que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat partie au protocole additionnel de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement des impôts ; que l'imposition des sommes mises à la disposition d'un contribuable ne saurait être regardée comme portant par elle-même atteinte au respect des biens au sens de l'article 1er de ce protocole ; qu'ainsi les dispositions précitées du code général des impôts n'ont ni pour objet ni pour effet de porter au droit de propriété une atteinte prohibée par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention ; que ce motif, qui répond à un moyen soulevé tant devant la cour administrative d'appel que devant le Conseil d'Etat, et qu'il y a lieu de substituer au motif erroné, tiré du caractère inopérant de ce moyen, retenu par la cour administrative d'appel, justifie le dispositif de l'arrêt qu'elle a rendu ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. AMORETTI n'est pas fondé à demander que cet arrêt soit annulé ;
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. AMORETTI la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. AMORETTI est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Rinaldo Mario AMORETTI et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.