Jurisprudence : CE Contentieux, 09-05-2001, n° 231076, M. et Mme DELIVET

CE Contentieux, 09-05-2001, n° 231076, M. et Mme DELIVET

A7148ATW

Référence

CE Contentieux, 09-05-2001, n° 231076, M. et Mme DELIVET. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/996275-ce-contentieux-09052001-n-231076-m-et-mme-delivet
Copier
ARRÊT DU CONSEIL D'ETAT
CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

Cette décision sera mentionnée dans les tables du Recueil LEBON

N° 231076

M. et Mme DELIVET

Me SAMZUN

M. Delion, Rapporteur
M. Austry, Commissaire du gouvernement

Séance du 25 avril 2001
Lecture du 9 mai 2001



REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Le Conseil d'Etat statuant au contentieux,

(Section du contentieux, 3e et 8e sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3e sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 7 mars 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. et Mme DELIVET, demeurant 16, avenue Jeanne Léger à Le Chesnay (78150), assistés de Me SAMZUN, demeurant 2, Passage Roch Immeuble Thémis à Versailles (78009), liquidateur judiciaire des époux DELIVET ; M. et Mme DELIVET demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du 9 février 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté leur requête enregistrée le 23 janvier 2001 au greffe de ce tribunal tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de la décision du 21 décembre 2000 par laquelle le maire de la commune du Chesnay a refusé d'ordonner l'interruption des travaux entrepris par leur voisin M. Mabrouki sur un terrain sis 18 avenue Jeanne Léger ;

2°) d'ordonner ladite suspension ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune du Chesnay d'examiner d'urgence la demande d'interruption des travaux présentée par M. et Mme DELIVET le 4 décembre 2000 ;

4°) de condamner la commune du Chesnay à leur verser une somme de 15 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme, notamment ses articles L. 480-2, R. 421-32 et R. 600-1 ;

Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 521-1. L. 761-1 et L. 821-1 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Delion, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de M. et Mme DELIVET et de Me SAMZUN, agissant en qualité de liquidateur, de Me Le Prado, avocat de la commune du Chesnay et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Benazzouz Mabrouki,
- les conclusions de M. Austry, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le maire de la commune du Chesnay a refusé, par décision du 21 décembre 2000, de faire droit à la demande de M. et Mme DELIVET, en date du 4 décembre 2000, tendant à ce qu'il ordonne l'interruption des travaux de construction effectués par leur voisin, M. Mabrouki, au motif que ces travaux n'avaient pas été entrepris avant la péremption, le 6 octobre 2000, du permis de construire accordé à ce dernier ; que M. et Mme DELIVET, assistés de Me SAMZUN, en qualité de liquidateur, se pourvoient en cassation contre l'ordonnance du 9 Février 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté leur requête tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de la décision susmentionnée du maire de la commune du Chesnay ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de cette décision » ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant que pour refuser d'ordonner la suspension de la décision susmentionnée, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a estimé que les travaux entrepris par M. Mabrouki sur son terrain pouvaient, compte tenu de leur importance, être regardés comme constitutifs d'un commencement de travaux au sens de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme ;

Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés et notamment d'un procès-verbal établi par huissier de justice le 30 novembre 2000, qu'il n'existait à cette date, sur l'ensemble du terrain, pas de travaux apparents, de matériels ou même d'engins de chantier ; qu'en outre, un procès-verbal d'implantation de la construction, en date du 3 octobre 2000. mentionnait qu'à cette date proche de la date de péremption du permis de construire l'implantation de la construction était seulement matérialisée par des piquets de bois ; que, dans ces conditions, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a dénaturé les pièces de la procédure ; que, par suite, son ordonnance en date du 9 février 2001 doit être annulée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.821-1 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen invoqué par M. et Mme DELIVET à l'encontre de la décision du 21 décembre 2000 du maire de la commune du Chesnay et tiré de la péremption du permis de construire délivré à M. Mabrouki est de nature à créer un doute sérieux quand à la légalité de cette décision ; que, d'autre part, le maintien des dispositions en cause permettant l'édification sans permis d'une construction, la condition posée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative relative à l'urgence doit être regardée comme remplie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de prononcer la suspension de la décision attaquée et d'assortir le prononcé de cette suspension d'une injonction consistant, dans les circonstances de l'espèce, à enjoindre au maire de la commune du Chesnay d'ordonner l'interruption des travaux entrepris par M. Mabrouki jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête en annulation de M. et Mme DELIVET, enregistrée le 23 janvier 2001 au greffe du tribunal administratif de Versailles ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que lorsqu'il exerce ou refuse d'exercer le pouvoir d'interrompre des travaux, qui lui est attribué par l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme, le maire agit, en toute hypothèse. en qualité d'autorité administrative de l'Etat ; que, dans ces conditions, la commune du Chesnay ne saurait être condamnée à payer à M. et Mme DELIVET la somme qu'ils demandent, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. et Mme DELIVET qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, soient condamnés à verser à M. Mabrouki et, en tout état de cause, à la commune du Chesnay, les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du 9 février 2001 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles est annulée.

Article 2 : L'application de la décision du maire du Chesnay en date du 21 décembre 2000 est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune du Chesnay d'ordonner l'interruption des travaux entrepris par M. Mabrouki jusqu'à ce qu'il ait été statué en premier ressort sur la requête en annulation de M. et Mme DELIVET, enregistrée le 23 janvier 2001 au greffe du tribunal administratif de Versailles.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme DELIVET est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune du Chesnay et de M. Mabrouki tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme DELIVET, à Me SAMZUN, à M. Mabrouki, au maire de la commune du Chesnay et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.

Agir sur cette sélection :