CONSEIL D'ETAT
Statuant au Contentieux
N° 135909
Mme ETRILLARD
Lecture du 12 Octobre 1994
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 9ème et 8ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 9ème sous-section, de la Section du Contentieux,
Vu l'arrêt du 11 mars 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R.81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les conclusions de Mme ETRILLARD dirigées contre le jugement du 22 novembre 1989 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 octobre 1984 du trésorier-payeur général de Loire Atlantique rejetant sa demande gracieuse en décharge de la responsabilité solidaire sur le fondement de laquelle il lui a été demandé paiement des cotisations à l'impôt sur le revenu dont son époux est redevable au titre des années 1979 et 1980 ;
Vu la requête, enregistrée le 13 février 1990 au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes, présentée pour Mme Marie-Françoise ETRILLARD, demeurant à La Houssoir, Saint Vincent des Landes, 44, représentée par Me Rossinyol, avocat, son mandataire ; Mme ETRILLARD demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 1989 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 octobre 1984 du trésorier-payeur général de Loire Atlantique en tant qu'elle a rejeté sa demande gracieuse en décharge de la responsabilité solidaire sur le fondement de laquelle il lui a été demandé paiement des cotisations à l'impôt sur le revenu dont son époux est redevable au titre des années 1979 et 1980 ; 2°) d'annuler pour excès de pouvoir le rejet de cette demande gracieuse ; 3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 4 000 F au titre de ses frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1685 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : "1- Chacun des époux lorsqu'ils vivent sous le même toit est solidairement responsable des impositions assises au nom de son conjoint au titre ... de l'impôt sur le revenu" et qu'aux termes de l'article L.247 du livre des procédures fiscales : "...L'administration peut ... décharger de leur responsabilité les personnes tenues au paiement d'impositions dues par un tiers..." ;
Considérant que Mme ETRILLARD demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 22 octobre 1984 par laquelle le trésorier-payeur général de Loire-Atlantique a rejeté sa demande gracieuse de décharge de la responsabilité qui lui incombait dans le paiement de cotisations d'impôt sur le revenu établies au nom de son époux au titre des années 1979 et 1980 pour un montant de 171 019 F ;
Considérant que si l'administration fait valoir qu'à la date de la décision litigieuse Mme ETRILLARD ne pouvait être considérée comme étant sans ressources dès lors qu'ayant commencé à travailler en 1980, elle a acquis à titre personnel une habitation en 1982, cette circonstance ne permettait pas à l'intéressée, qui, sans être contestée, soutient avoir financé cet achat à l'aide d'un emprunt et n'avoir pour seules ressources que son salaire d'infirmière, d'assumer la responsabilité solidaire, prévue par l'article 1685 précité du code général des impôts ; que dans ces circonstances, le trésorier-payeur général de Loire-Atlantique a commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant la demande en décharge de solidarité présentée par Mme ETRILLARD ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que Mme ETRILLARD est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 octobre 1984 en tant que cette décision a rejeté sa demande gracieuse en décharge de solidarité ;Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à Mme ETRILLARD la somme de 4 000 F qu'elle demande sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du 22 novembre 1989 du tribunal administratif de Nantes, en tant qu'il rejette la demande de Mme ETRILLARD tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du rejet de sa demande gracieuse en décharge de solidarité prononcé par la décision du 22 octobre 1984 du trésorier-payeur général de Loire-Atlantique et cette même décision, en tant qu'elle rejette cette même demande, sont annulés.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à Mme ETRILLARD la somme de 4 000 F.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Françoise ETRILLARD et au ministre du budget.