Jurisprudence : CE 6/2 SSR, 20-02-1987, n° 60311

CE 6/2 SSR, 20-02-1987, n° 60311

A3218APU

Référence

CE 6/2 SSR, 20-02-1987, n° 60311. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/952989-ce-62-ssr-20021987-n-60311
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 60311

S.A.R.L. "Omnium de prévoyance d'études et de gestion"

Lecture du 20 Février 1987

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 27 juin 1984 et 26 octobre 1984 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la Société à responsabilité limitée "Organisme de prévoyance, d'études et de gestion d'assurances" (OPEGA), dont le siège est 55 quai de Bourbon à Paris (75004), représentée par Maîtres Huglo et Lepage, avocats à la Cour de Paris, à ce dûment mandatés par son gérant en service, et tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 26 avril 1984 du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale portant extension d'avenants à la convention collective nationale du personnel des cabinets d'avocats,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail, notamment ses articles L. 133-1 et suivants ;
Vu le code de la sécurité sociale, notamment ses articles L. 1 à L. 4 ;
Vu l'ordonnance n° 59-238 du 4 février 1959 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne, ensemble la loi n° 57-880 du 2 août 1957 autorisant le Président de la République à ratifier ledit traité et le décret n° 58-84 du 28 janvier 1958 portant publication de ce traité ;
Vu le décret n° 46-1378 du 8 juin 1946 ;
Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu : - le rapport de Mme Nauwelaers, Maître des requêtes, - les conclusions de M. E. Guillaume, Commissaire du gouvernement ;
Sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté d'extension :
Considérant que par arrêté du 13 avril 1984 du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, publié au Journal Officiel de la République française le 14 avril 1984, le directeur des relations du travail signataire de l'arrêté d'extension litigieux a reçu délégation dudit ministre à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions et au nom de celui-ci, tous actes, arrêtés, décisions et conventions, à l'exclusion des décrets ; que dès lors, le directeur des relations du travail a pu régulièrement signer au nom du ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale l'arrêté d'extension en date du 26 avril 1984 dont l'objet entrait bien dans ses attributions ; qu'en conséquence, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit être rejeté ;
Sur le moyen tiré de l'absence de reproduction de l'avis de la commission nationale de la négociation collective :
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne rend obligatoire la publication de l'avis motivé rendu par la commission nationale de la négociation collective avant la signature de l'arrêté d'extension d'une convention collective ou d'un avenant à celle-ci ni n'impose que cet avis soit annexé à l'arrêté et publié avec celui-ci ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence de reproducton de l'avis émis par la commission nationale de la négociation collective lors de l'intervention de l'arrêté d'extension litigieux doit être rejeté ;
Sur le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 133-17 du code du travail s'opposaient en l'espèce à l'utilisation de la procédure d'extension :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 133-17 de la section II (procédures d'extension et d'élargissement) du chapitre III du titre troisième du code du travail, "les dispositions de la présente section ne sont pas applicables... aux accords prévus à l'article 1er de l'ordonnance n° 59-238 du 4 février 1959 relative aux régimes complémentaires de retraites..." ; que le premier alinéa de l'article 1er de ladite ordonnance dispose que "les régimes complémentaires de retraite du personnel peuvent faire l'objet de stipulations dans les conventions collectives susceptibles d'être étendues conformément aux dispositions... du code du travail" ; que le second alinéa du même article précise que "indépendamment des dispositions de l'alinéa précédent, les accords ayant pour objet exclusif l'institution dans le cadre professionnel ou interprofessionnel de régimes complémentaires de retraites, ainsi que leurs avenants, peuvent être agréés par arrêté du ministre du travail et du ministre des finances et des affaires économiques, lorsqu'ils sont conclus entre organisations syndicales les plus représentatives d'employeurs et de salariés..." ;
Considérant que l'avenant n° 11, complété par l'avenant n° 11 bis, à la convention collective nationale du travail du 20 février 1979 régissant le personnel des cabinets d'avocats, qui a fait l'objet de l'extension prononcée par l'arrêté litigieux, a institué un régime complémentaire de prévoyance en matière d'assurance-décès et d'assurance-invalidité et non pas un régime complémentaire de retraite ; qu'ainsi il n'entrait pas dans le champ d'application de l'ordonnance du 4 février 1959 ; que si l'avenant n° 12 à la même convention, également étendu par l'arrêté litigieux, a créé des prestations se rattachant à un régime complémentaire de retraite, cet avenant se rapporte à la convention susvisée du 20 février 1979 qui n'avait pas pour objet exclusif l'institution d'un régime complémentaire de retraite ; que dès lors, il relevait du premier alinéa de l'article 1er de l'ordonnance du 4 février 1959, et non pas du second alinéa, seul visé par l'article L. 133-17 du code du travail ; qu'en conséquence l'ensemble des avenants étendus par l'arrêté litigieux échappait aux dispositions de l'article L. 133-17 du code du travail ;
Sur le moyen tiré de ce que l'avenant n° 11 complété par l'avenant n° 11 bis ne pouvait pas faire l'objet d'un arrêté d'extension sur le fondement de l'article L. 133-8 du code du travail :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 133-8 de la section II (procédure d'extension et d'élargissement) du chapitre II du titre troisième du code du travail, "à la demande d'une des organisations visées à l'article L. 133-1 ou à l'initiative du ministre chargé du travail, les dispositions d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel répondant aux conditions particulières déterminées par la section précédente, peuvent être rendus obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de ladite convention ou dudit accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la commission nationale de la négociation collective prévu à l'article L. 136-1" ; que si l'article L. 133-5 de la section première (conventions et accords susceptibles d'être étendus) du même chapitre indique les dispositions que doit contenir obligatoirement la convention de branche pour pouvoir être étendue, l'article L. 133-7 de ladite section précise que "la convention de branche susceptible d'extension peut également contenir, sans que cette énumération soit limitative", des dispositions concernant diverses autres questions, en particulier un régime complémentaire de retraite du personnel ; que l'avenant n° 11, complété par l'avenant n° 11 bis, à la convention collective nationale du travail du 20 février 1979 régissant le personnel des cabinets d'avocats, étendu par l'arrêté litigieux, a eu pour objet l'institution d'un régime complémentaire de prévoyance en matière d'assurance-décès et d'assurance invalidité ; que si ces matières ne sont pas incluses dans l'énumération contenue dans l'article L. 133-7 et ne constituent notamment pas un régime complémentaire de retraite, cette circonstance n'est pas de nature à exclure l'avenant en cause du champ d'application de la procédure d'extension prévue par l'article L. 133-8, l'article L. 133-7 disposant de façon expresse que l'énumération de matières qu'il comporte ne présente aucun caractère limitatif ; qu'en conséquence l'avenant n° 11 précité, complété par l'avenant n° 11 bis, pouvait régulièrement bénéficier de la procédure d'extension définie par les articles L. 133-8 et suivants du code du travail ;
Sur le moyen tiré de ce que l'avenant n° 11 complété par l'avenant n° 11 bis ne pouvait pas faire l'objet d'un arrêté d'extension en raison de l'illégalité de ses dispositions :
Considérant que la société requérante soutient que c'est en méconnaissance du principe général de la liberté de la concurrence, et en violation des dispositions de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 relative aux prix ainsi que du traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne interdisant les conventions et pratiques empêchant ou restreignant le jeu de la concurrence, que l'avenant n° 11, même complété par l'avenant n° 11 bis, à la convention collective nationale du travail du 20 février 1979 régissant le personnel des cabinets d'avocats a établi un monopole au bénéfice de la caisse de retraite du personnel des avocats et des avoués près les Cours d'appel (CREPA) pour la gestion du régime complémentaire de prévoyance en matière d'assurance-décès et d'assurance-invalidité qu'il a créé ;
Considérant que la légalité d'un arrêté ministériel prononçant l'extension d'une convention collective de travail ou d'un avenant à celle-ci est nécessairement subordonnée à la validité de la convention ou de l'avenant en cause ; que lorsqu'une contestation sérieuse s'élève sur ladite validité, la juridiction administrative, compétemment saisie d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté ministériel d'extension est, eu égard au caractère de contrat de droit privé que présente la convention collective ou l'avenant, tenue de renvoyer à l'autorité judiciaire l'examen de cette question préjudicielle ;
Considérant que le moyen ci-dessus analysé et qui commande la solution du litige soumis au Conseil d'Etat soulève une contestation sérieuse ; qu'il y a lieu, dès lors, pour le Conseil d'Etat de surseoir à statuer sur la requête jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle dont s'agit ;
Article 1er : Il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur la question de savoir si l'avenant n° 11 en date du 8 juin 1983 et l'avenant n° 11 bis en date du 8 février 1984 à la convention collective nationale du travail en date du 20 février 1979 régissant le personnel des cabinets d'avocats ont pu valablement confier la gestion du régime complémentaire de prévoyance en matière d'assurance-décès et d'assurance-invalidité qu'ils ont créé à la seule caisse de retraite du personnel des avocats et des avoués près les Cours d'appel (CREPA).
Article 2 : Dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, la société requérante devra justifier de ses diligences à l'effet de saisir de la question dont s'agit la juridiction compétente.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société à responsabilité limitée "Organisme de prévoyance, d'étude et de gestion d'assurances" (OPEGA) et au ministre des affaires sociales etde l'emploi.

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