Jurisprudence : CA Lyon, 05-04-2023, n° 21/01708, Expertise


N° RG 21/01708 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOIL


Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE au fond du 28 janvier 2021


RG : 19/03137


[N]


C/


S.A.R.L. SOCIETE DE DEPANNAGES THERMIQUES (S.D.T)


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


8ème chambre


ARRÊT DU 05 Avril 2023



APPELANT :


M. [Aa] [N]

[Adresse 9]

[Localité 8]


Représenté par Me Hervé BANBANASTE, avocat au barreau de LYON, toque : 1070


INTIMÉE :


La SOCIETE DE DEPANNAGES THERMIQUES ' SDT, Société à Responsabilité Limitée, au capital de 8 000 euros, immatriculée au RCS de Lyon, n° 309 685 477, dont le siège social est situé [Adresse 6], représentée par ses représentants légaux domiciliés es qualité audit siège


Représentée par Me Charlotte VARVIER de la SELARL LEGI 01, avocat au barreau d'AIN


* * * * * *


Date de clôture de l'instruction : 07 Décembre 2021


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 08 Février 2023


Date de mise à disposition : 05 Avril 2023



Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Karen STELLA, conseiller

- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller


assistés pendant les débats de Ab A, directrice des services de greffe judiciaires


A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Arrêt rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


* * * *



Exposé du litige


Selon devis en date du 1er octobre 2018, accepté le 26 novembre 2018, [Z] [N] a confié à la société de Dépannages Thermiques (ci-après SDT), la fourniture et la mise en service d'une pompe à chaleur avec centrale de traitement d'air sur le réseau de gaines préexistant pour sa maison située à [Adresse 9] dans le département de l'Ain, ce pour un montant de 20 281,64 €TTC.

Un acompte de 5 770 € a été versé à l'acceptation du devis.


La société SDT s'est engagée à exécuter la prestation dans un délai fixé à 3 mois à compter de la réception du devis signé, délai auquel étaient ajoutés les 14 jours correspondant au délai de rétractation. Les travaux devaient donc être réalisés au 12 mars 2019.


La mise en service de l'installation est intervenue le 28 mars 2019.


La société SDT a émis le 29 mars 2019 une facture portant sur le solde restant dû, soit la somme de 14 511,64 €, après déduction de l'acompte versé.


Cette facture n'étant pas réglée par [Z] [N], en dépit de plusieurs mises en demeure, la société SDT a assigné celui-ci, par exploit du 17 octobre 2019, devant le tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse aux fins de le voir condamner au paiement du solde de la facture ainsi qu'à des dommages et intérêts pour sa résistance abusive.


En défense, [Z] [N], arguant du dysfonctionnement du matériel installé, a sollicité la réfaction du contrat, le remboursement de l'acompte versé de 5 770 €, outre des dommages et intérêts, et subsidiairement la désignation d'un expert.


Par jugement du 28 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a :


Condamné [Z] [N] à payer à la société SDT la somme de 14 511,64 euros outre intérêts aux taux légal à 1,5 fois le taux d'intérêts légal à compter du 29 avril 2019 ;

Ordonné l'anatocisme des intérêts conformément à l'article 1343-2 du Code civil🏛 ;

Débouté [Z] [N] de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

Condamné [Z] [N] à payer à la société SDT la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile🏛 ;

Débouté [Z] [N] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné [Z] [N] aux entiers dépens ;

Ordonné l'exécution provisoire ;

Rejeté toutes autres demandes.


Le tribunal a notamment retenu, au visa des articles 1103 et 1352 du Code civil🏛🏛 :


que les travaux ont fait l'objet d'une réception sans réserves, qui doit être datée au 28 mars 2019, date du rapport de mise en service, mais que [Z] [N] est recevable à se prévaloir d'un défaut de conformité qui se serait révélé à l'usage ;


que [Z] [N] rapporte la preuve de l'existence d'un fonctionnement non optimal de la pompe à chaleur, dû au fait qu'elle a été posée sur un réseau de gaines préexistant vétuste ;


qu'il n'est pas pour autant fondé à solliciter la réfaction du contrat et le remboursement de l'acompte dès lors que le remplacement du réseau de gaines ne faisait pas partie des travaux confiés à la société STD ;


que la société SDT justifiant que les travaux contractuellement confiés ont été réalisés et produisant le rapport de mise en service ne faisant état d'aucune difficulté, signé par les parties, elle est bien fondée en sa demande en paiement ;


que la mauvaise foi de [Z] [N] n'étant pas établie, la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive de la société SDT doit être rejetée ;


que si les travaux ont été réceptionnés avec 16 jours de retard, la société SDT justifie que ce retard est du à un cas de force majeure, outre que [Z] [N] ne rapporte pas la preuve de l'imputabilité des dysfonctionnements allégués à la société SDT et qu'ainsi la demande de dommages et intérêts présentée par [Z] [N] ne peut prospérer.



Par acte régularisé par RPVA le 8 mars 2021, [Z] [N] a interjeté appel de l'intégralité des chefs de décision figurant au dispositif du jugement du 28 janvier 2021, dont il a repris les termes dans leur déclaration d'appel.


Aux termes de ses dernières conclusions régularisées par voie électronique le 7 juin 2021, [Z] [N] demande à la Cour de :


Vu les articles 1603 et suivants du Code civil🏛,


A titre principal :


Réformer le jugement entrepris,


Prononcer la réfaction du contrat liant les parties,


Condamner la société SDT au remboursement de la somme de 5 770 € au titre de l'acompte versé,


La condamner au paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts,


La condamner au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,


Débouter la société SDT de l'intégralité de ses prétentions.


A titre subsidiaire :


Désigner un expert aux fins de connaître l'origine des dysfonctionnements, les frais d'expertise reposant sur la société SDT ;


[Z] [N] fait valoir au préalable que contrairement à ce qu'a retenu la décision déférée, aucun procès-verbal de réception n'a été signé par lui et que le Tribunal a confondu le rapport de mise en service avec le procès-verbal de réception ;


Il ajoute qu'il a signifié à la société SDT des réserves par LRAR en date du 28 juin 2019, après avoir pu apprécier et constater les différents dysfonctionnements.


L'appelant soutient que la société SDT a manqué à ses obligations contractuelles et en premier lieu à son devoir de conseil, alors que :


elle s'est engagée à fournir l'équipement en l'adaptant sur l'existant, donc en posant un appareillage moderne sur une installation vétuste ;


qu'au titre de son devoir de conseil, elle aurait dû l'informer de cette difficulté, ce qu'elle n'a pas fait, ce qui lui aurait permis d'apprécier s'il convenait de procéder à l'installation en l'état ;


le manquement du vendeur à ses obligations d'information et de conseil peut justifier la résolution de la vente, au sens de l'article 1615 du Code civil🏛.


[Z] [N] fait valoir en second lieu que la société SDT a manqué à ses obligations contractuelles en délivrant une installation non conforme, en ce que :


l'installation vendue ne fonctionne pas correctement, ce dont il rapporte la preuve ;


ainsi, Monsieur [R], électricien, qui a examiné l'installation litigieuse, a relevé qu'elle n'avait pas été réalisée dans les normes et que comme les conduits n'avaient pas été changés, cela mettait le chauffage en défaut ;


il a donc pris attache avec la société Le Frigoriste, spécialisée dans ce type d'appareil, qui a relevé que l'installation ne pouvait pas avoir un bon fonctionnement, car le circuit des gaines était très vétuste et qu'il était impératif de remplacer le circuit de gaines et d'installer dans chaque pièce des registres motorisés commandés par un thermostat d'ambiance ;


le constat d'huissier qu'il produit confirme le fonctionnement ératique de l'installation, des fuites d'air et d'eau entraînant des dégradations et une température affichée différente de celle constatée.


Il en conclut qu'au regard de ces éléments, il est fondé à obtenir la réfaction du contrat et le remboursement de l'acompte versé et à titre subsidiaire à voir ordonner une expertise judiciaire confiée à un expert chauffagiste aux fins de déterminer l'origine des dysfontionnements, les frais d'expertise étant à la charge de la société STD.


Il soutient en dernier lieu, au visa de l'article 1611 du Code civil🏛, être fondé en sa demande de dommages et intérêts, alors que l'installation a été livrée avec plusieurs mois de retard, ce qui a repoussé son emménagement et en raison du préjudice qu'il subit du fait du dysfonctionnement de l'installation.


Aux termes de ses dernières conclusions régularisées par voie électronique le 2 septembre 2021, la société SDT demande à la Cour de :


Vu les articles 1103 et suivants, 1231-1 et suivants, 1241 et suivants du Code civil🏛🏛,

Vu l'article R. 224-44-3 du Code de l'environnement🏛,


Confirmer le jugement rendu le 28 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en toutes ses dispositions,


Y ajoutant,


Condamner [Z] [N] à lui payer la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts au titre de sa résistance abusive ;


Condamner [Z] [N] à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel ;


Débouter [Z] [N] de toutes demandes, fins et conclusions contraires.


Elle fait valoir en premier lieu que le retard allégué ne peut justifier la réfaction du contrat, voir le remboursement de l'acompte, dès lors qu'il ne porte que sur seulement quelques jours et surtout qu'il a pour origine un cas de force majeure, notamment des inondations ayant endommagé la centrale de traitement d'air qui avait été fabriquée en Italie, outre que [Z] [N] ne rapporte pas la preuve que ce retard de quelques jours lui a causé un préjudice, notamment pour emménager dans sa maison, alors que les travaux effectués se déroulaient au sous-sol et ne gênaient aucunement les autres entreprises.


Elle relève en outre que la pompe à chaleur était opérationnelle le 28 mars 2019 et que [Z] [N] ne s'est jamais plaint de dysfonctionnements, si ce n'est à la fin du mois de juin 2019, après réception des mises en demeure lui réclamant le solde de la facture, dans un contexte où le procès-verbal de réception est adressé au client avec la facture du solde, qui doit le retourner signé, ce dont [Z] [N] s'est abstenu.


Elle soutient en second lieu que l'installation qu'elle a réalisée était parfaitement opérationnelle, ce dont atteste le rapport de mise en service, qu'il n'existe aucun manquement aux règles de l'art et que [Z] [N] ne justifie d'aucun élément sérieux de nature à établir qu'elle ne fonctionnerait pas, alors que cette preuve lui incombe.


A ce titre, elle relève :


que dans tous les travaux de rénovation qu'elle effectue, elle inspecte le réseau de gaines et réutilise le réseau si aucune défaillance n'est constatée, ce qui a été le cas pour l'installation de [Z] [N] ;


que les constatations de Monsieur [Ac], électricien sollicité par [Z] [N], sont inopérantes, dès lors qu'il n'est pas spécialiste de ce type d'installation et qu'il procède par affirmation sans se livrer à aucune démonstration ;


que les préconisations de la société Le Frigoriste sont également contestables, puisqu'elles affirme qu'il doit être installé dans chaque pièce des registres motorisés commandés par un thermostat d'ambiance, ce qui est totalement contre-indiqué dans le type de centrale d'air qui a été installé chez [Z] [N] ;


-que s'agissant des constats opérés par l'huissier de justice, en application de l'article R. 224-44-3 alinéa 2 du Code de l'environnement, aucune maintenance n'est effectuée lors de la première année de mise en service et que l'installation datant de deux ans et demi et n'ayant jamais été entretenue par [Z] [N], il est normal qu'il existe de la rouille extérieure, ce qui ne nuit pas au fonctionnement.


Elle en conclut que [Z] [N] ne rapporte aucunement la preuve d'une défectuosité de l'installation, ajoutant qu'une expertise judiciaire n'a pas vocation à suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve.


Elle fait valoir en troisième lieu qu'il ne peut lui être reproché d'avoir manqué à son devoir de conseil, en ce que :


elle a bien vérifié que les gaines existantes étaient en bon état avant de commencer l'installation, à l'aide de fumigènes colorés mettant en évidence toutes dégradations ;

c'est [Z] [N], qui est entrepreneur dans le bâtiment et électricien et donc non profane en la matière, qui lui a demandé de vérifier les gaines existantes avant de prendre sa décision de les conserver ou non.


Elle ajoute que la demande de dommage et intérêts présentée par [Z] [N] n'est pas fondée, dès lors qu'il ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice, qu'elle est en revanche fondée à solliciter le paiement du solde de sa facture et des dommages et intérêts du fait de la résistance abusive dont a fait preuve l'appelant pour régler les sommes qu'il devait.


Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile🏛.



MOTIFS DE LA DÉCISION


1) Sur la demande en paiement de la société SDT et la demande de réfaction du contrat présentée par [Z] [N]


Selon l'article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.


En l'espèce, il est confirmé par les pièces versées aux débats :


qu'en date du 26 novembre 2018, [Z] [N] a accepté le devis qui avait été établi par la société SDT portant sur la fourniture et la mise en service d'une pompe à chaleur avec centrale de traitement d'air sur le réseau de gaines préexistant pour la maison dont il était propriétaire à [Localité 8], dans le département de l'Ain, ce pour un montant de


20 281,64 €TTC ;


que ce devis prévoyait un réglement de 30 % à la commande, soit 5 770 €, de 30 % au début des travaux et le versement du solde à la réception de la facture en fin de travaux ;


que [Z] [N] le jour de l'acceptation du devis a versé la somme de 5 770 € correspondant au montant de l'acompte de 30 %.


Il n'est en outre pas contesté que les travaux ont été réalisés au mois de mars 2019 et que le versement de 30 % qui était contractuellement prévu au début des travaux n'a pas été effectué, étant observé qu'il ne ressort pas des pièces produites qu'il a été réclamé par la société SDT.


Est versé aux débats un procès-verbal de réception, non daté et qui n'est pas signé par [Z] [N] et qui est donc inopérant.


En revanche, est produit un rapport de mise en service de l'installation, daté du 28 mars 2019, signé par l'installateur et [Z] [N] dont il ressort que l'installation a été mise en service au jour sus-visé et qu'elle ne présentait aucun dysfonctionnement.


Il n'est par ailleurs pas contesté qu'une facture correspondant au solde restant dû, après déduction de la facture d'acompte, soit 14 511,64 € a été établie par la société SDT le 29 mars 2019 et que ce solde n'a jamais été réglé par [Z] [N], en dépit des mises en demeure qui lui ont été adressées.


Dès lors que conventionnellement la prestation de la société SDT devait être soldée à la réception de la facture en fin de travaux, il est incontestable que [Z] [N] n'a pas respecté ses engagements contractuels et qu'il est redevable envers son co-contractant de la somme de 14 511,64 €.


Toutefois, [Z] [N] oppose être fondé à solliciter la réfaction du contrat aux regard de différents manquement de la société STD, tenant :


au retard pris dans l'exécution des travaux au regard du délai qui avait été convenu au contrat ;

au défaut de conseil de la société SDT qui a posé l'installation sur les gaines existantes, qui étaient vétustes et qui ne l'a pas averti de cette difficulté ;

au dysfonctionnement de l'installation.


Il sollicite ainsi le remboursement de l'acompte qu'il a versé, soit 5 570 €.


La réfection du contrat, telle que sollicitée par [Z] [N], est régie par les dispositions de l'article 1223 du Code civil🏛, selon lequel :


'Le créancier peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix.

S'il n'a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais'.


[Z] [N] ne peut donc se prévaloir, à l'appui de sa demande de réfaction du contrat, de dispositions sans rapport direct avec le texte précité, notamment des dispositions des articles 1615 et 1603 du Code civil, étant rappelé qu'au visa de l'article 12 du Code de procédure civile🏛, le juge peut rectifier la qualification juridique des faits donnée par le parties dès lors qu'elle est inexacte.


En l'espèce, il appartenait donc à [Z] [N], conformément aux dispositions de l'article 1223 du Code civil, dès lors qu'il n'avait pas intégralement réglé ce qui était dû à la société SDT, de notifier à celle-ci sa décision de réduire le prix, ce dans les meilleurs délais.


Or, force est de constater que [Z] [N], qui ne conteste pas avoir reçu la facture lui réclamant le solde restant dû qui lui a été envoyée le 29 mars 2019, s'est limité à envoyer le 28 juin 2019 à son contractant, en réponse à une mise en demeure de payer qui lui avait été adressée le 17 juin 2019 précédent, un courrier aux termes duquel il faisait état de griefs particulièrement généraux et ne sollicitait aucunement une réduction du prix.


La Cour observe en outre que, postérieurement à la mise en service de l'installation et durant trois mois après cette mise en service, [Z] [N] n'avait jamais fait état de griefs à l'encontre de la société SDT, avant qu'une mise en demeure ne lui réclame le solde qu'il restait à devoir et qu'il se limitait, dans son courrier du 28 juin 219 à demander à la société SDT de régulariser cette situation.


Par ailleurs, ce n'est que lorsqu'il a été assigné en paiement que [Z] [N] a formalisé une demande de réfaction du contrat.


Il en résulte que [Z] [N] n'a donc pas formé une demande de réduction du prix dans les meilleurs délais, conformément à ce que préconisent les dispositions de l'article 1223 du Code civil.


Enfin, [Z] [N] ne peut solliciter l'application des dispositions de l'article 1223 du Code civil et s'affranchir des conditions édictées par ces dispositions.


En conséquence, la Cour, mais pour les motifs précédemment exposés, confirme la décision déférée en ce qu'elle a condamné [Z] [N] la somme de 14 511,64 €, et y ajoutant rejette la demande de réfaction du contrat présentée par [Z] [N].


2) Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive présentée par la société SDT


Au visa de l'article 1241 du Code civil, la société SDT sollicite la somme de 1 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé le retard de paiement de [Z] [N].


La Cour observe (article 12 du Code de procédure civile) que, dès lors que les parties sont contractuellement liées, la société SDT ne peut solliciter des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle, seules les dispositions de l'article 1231-6 étant applicables en l'espèce, selon lesquelles :


'Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure.

Le créancier auquel son débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire'.


Or, en l'espèce, force est de constater que la société SDT ne démontre pas l'existence d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par [Z] [N] et causé par sa mauvaise foi.


La Cour en conséquence confirme la décision déférée qui a débouté la société SDT de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.


3) Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts présentée par [Z] [N]


[Z] [N] sollicite la somme de 10 000 € de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1611 du Code civil, aux motifs :


que l'installation litigieuse a été posée avec plusieurs mois de retard, repoussant d'autant son emménagement ;

qu'il a été mal conseillé et poussé à l'achat au mépris de ses intérêts ;

qu'il subit les dysfonctionnements d'un chauffage au fonctionnement aléatoire, les étés étant torrides à l'intérieur de la maison et les hivers glaciaux.


Or, l'article 1611 du Code civil, selon lequel le vendeur doit être condamné à des dommages et intérêts s'il résulte un préjudice pour l'acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu n'est pas applicable en l'espèce, les parties étant liées par un contrat d'entreprise et non par un contrat de vente d'une seule pompe à chaleur, étant rappelé que la prestation confiée à la société SDT s'est déroulée sur plusieurs jours et avait pour objet le remplacement d'un générateur d'air chaud fioul par un système de pompe à chaleur avec centrale de traitement d'air, avec exécution des raccordements hydrauliques et aérauliques.


Seules en l'espèce sont applicables les dispositions de l'article 1231-1 du Code civil, selon lesquelles :


'Le débiteur est condamné s'il y a lieu au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de son obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure'.


En l'espèce, [Z] [N] ne peut sérieusement soutenir que l'installation querellée a été posée avec plusieurs mois de retard alors qu'il ressort du contrat liant les parties et plus précisément du devis du 1er octobre 2018, accepté par [Z] [N] le 26 novembre 2018 que la société SDT devait exécuter sa prestation dans un délai fixé à 3 mois à compter de la réception du devis signé, délai auquel étaient ajoutés les 14 jours correspondant au délai de rétractation et que les travaux devaient donc être réalisés au plus tard le 12 mars 2019.


En revanche, il est exact que, dès lors qu'il n'est pas contesté que la mise en service de l'installation est intervenue le 28 mars 2019, il existe un retard de 16 jours au regard de ce qui était contractuellement convenu.


Pour autant [Z] [N], qui fait état d'un emménagement retardé, ne justifie d'aucun élément pour rapporter la preuve du préjudice allégué, dont l'existence ne peut être retenu que sur le fondement de ses seules allégations. Il ne peut donc être retenu d'inexécution contractuelle à ce titre.


[Z] [N] soutient par ailleurs avoir été mal conseillé, et subir des dysfonctionnements d'un chauffage au fonctionnement aléatoire.


A ce titre, il ressort de ses écritures qu'il reproche à la société SDT de l'avoir imparfaitement conseillé sur l'opportunité de procéder au raccordement de l'installation sur les gaines existantes, dont il soutient qu'elles étaient vétustes et inadaptées, ce qui pourrait être à l'origine du dysfonctionnement de son système de chauffage.


Pour en justifier, il produit une attestation de Monsieur [X] [R], électricien, datée du 11 septembre 2020, un courrier de la société Le Frigoriste du 14 septembre 2020 et un constat d'huissier réalisé le 28 avril 2021.


L'attestation de Monsieur [Ac], qui procède par affirmation et généralités et qui est dépourvue d'explications circonstanciées (la distribution d'insufflation par air ne fonctionne pas correctement et le débit d'air à l'étage est nul- les conduits n'ont pas été changés ce qui provoque le chauffage par défaut), ne peut emporter conviction.


En revanche, le courrier établi par la société Le Frigoriste, daté du 14 septembre 2020, est plus circonstancié.


Cette société liste de façon précise les problèmes qu'elle aurait constatés à l'occasion de la vérification de l'installation, à savoir :


aucun soufflage au bureau, dans la chambre d'amis et dans les deux mezzanines du 1er étage,

problème d'équilibrage de soufflage au rez-de-chaussée (salon, salle à manger et cuisine) et absence de registre de régulation,

pas de régulation d'air de soufflage dans la chambre des parents au rez-de-chaussée, et absence de registres motorisés régulation,

absence de calorifugeage des tubes au niveau du gainable et traces de rouille sur le ballon.


La société Le Frigoriste conclut que le circuit de gaines de l'installation est vétuste et qu'il ne permet pas de ce fait un bon fonctionnement de l'installation, qu'il doit être remplacé et qu'il est nécessaire de mettre dans chaque pièce des registres motorisés commandés par thermostat d'ambiance.


De son côté, le constat d'huissier établi le 28 avril 2021, qui a opéré des constatations dans chaque pièce de la maison, fait état notamment :


d'absence de flux d'air dans différentes pièces du sous-sol (pièce annexe), du rez-de-chaussée (salon) et du 1er étage (une des mezzanines)

plus globalement de températures inadéquates (pièces fraîches) en dépit du fonctionnement de l'installation.


La Cour en déduit :


que les éléments relevés par la société Le Frigoriste, dont les constats sont confirmés par ceux opérés par l'huissier de justice, sont révélateurs de possibles dysfonctionnements ;


que le diagnostic opéré par la société Le Frigoriste, qui retient qu'il était nécessaire de changer le réseau de gaine, trop vétuste, pour assurer un bon fonctionnement de l'installation, ne peut être écarté.


Contrairement à ce que soutient la société SDT, le fait que le rapport de mise en service de l'installation ne révèle aucun dysfonctionnement est inopérant, dès lors que ces dysfonctionnements ont pu se manifester à l'usage, notamment du fait d'une éventuelle vétusté de l'installation.


S'il est possible, comme l'intimée le relève, qu'en l'absence d'entretien, les filtres soient saturés de poussière, diminuant de ce fait le débit d'air, pour autant, la Cour observe que la société Le Frigoriste est intervenue le 14 septembre 2020, soit un peu moins d'un an et demi après l'achèvement de l'installation, et que la société SDT indique expressément dans ses écritures qu'en application des dispositions du Code de l'environnement, le premier entretien doit être effectué au plus tard deux ans après l'installation. On peut donc en déduire qu'une absence d'entretien à la date du 14 septembre 2020 ne peut être valablement opposée.


Dès lors, la Cour, au visa de l'article 143 du Code de procédure civile🏛, retient qu'il est justifié, avant dire droit sur la demande de dommages et intérêts pour inexécution contractuelle présentée par [Z] [N] et alors qu'elle ne dispose pas d'éléments techniques suffisants pour apprécier la réalité de l'inexécution contractuelle alléguée, (dysfonctionnement de l'installation) et donc pour se prononcer sur la demande de dommages et intérêts qui lui est présentée, de faire droit à la demande d'expertise judiciaire de l'appelant, la mission impartie à l'expert étant exposée au dispositif du présent arrêt.


Les frais de consignation de l'expertise doivent être mis à la charge de [Z] [N] dans l'intérêt duquel la mesure d'expertise est ordonnée et aux fins d'assurer sa bonne exécution.


4) Sur les demandes accessoires


Dans l'attente de l'exécution de la mesure d'expertise, la Cour réserve les demandes des parties relatives aux dépens et fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS


La Cour,


Sur le fond :


Confirme la décision déférée en ce qu'elle a condamné [Z] [N] à payer à la société SDT la somme de 14 511,64 euros intérêts aux taux légal à 1,5 fois le taux d'intérêts légal à compter du 29 avril 2019 et ordonné l'anatocisme des intérêts dus conformément à l'article 1343-2 du Code civil, et y ajoutant :


Rejette la demande de réfaction du contrat présentée par [Z] [N] ;


Confirme la décision déférée qui a débouté la société SDT de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.


Infirme la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise judiciaire présentée par [Z] [N] et :


Avant-dire-droit sur la demande de dommages et intérêts présentée par [Z] [N] au regard du dysfonctionnement de l'installation :


Ordonne une mesure d'expertise et commet pour y procéder :


Monsieur [Ad] [S]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Tél : [XXXXXXXX04] Fax : [XXXXXXXX02]

Port. : [XXXXXXXX03] Mèl : [Courriel 7]


Dit que l'expert aura pour mission de :


1- se faire communiquer tout document utile pour l'accomplissement de sa mission, notamment le devis de la société SDT du 1er octobre 2018, le rapport de mise en service de la société Panasonic du 28 mars 2019, le constat d'huissier du 28 avril 2021 et tout document relatif au descriptif et mesures de contrôle des travaux exécutés par la société SDT au titre de l'installation et la mise en service de la pompe à chaleur avec centrale de traitement d'air opérées au bénéfice de [Z] [N] ;


2- procéder à l'examen de l'installation litigieuse et des gaines auxquelles elle est raccordée et décrire leur état ;


3- dire si, à son avis, le fonctionnement de l'installation présente des anomalies et dans l'affirmative, les décrire et en expliquer les causes ;


4- plus précisément, donner son avis sur l'état de l'ensemble du circuit de gaines préexistant qui a été conservé, et sur la vétusté de ce circuit ;


5- dire si, à son avis, l'état de ce circuit de gaines justifiait qu'il soit changé pour assurer le bon fonctionnement de la pompe à chaleur avec centrale de traitement qui a été installée.


Dans l'affirmative :

- en expliquer les raisons ;

- indiquer les travaux nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de l'installation en les chiffrant sur la base des devis produits par les parties et en en précisant la durée.


6- donner son avis sur les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis, en termes de préjudice matériel et de préjudice de jouissance notamment ;


Dit que, pour exécuter la mission, l'expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du Code de procédure civile🏛🏛🏛🏛 ;


Dit que l'expert pourra s'adjoindre, si nécessaire, tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle de l'expertise et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport ;


Dit que l'expert devra communiquer un pré rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;


Dit que l'expert commis, après avoir donné un délai aux parties pour présenter leur observations éventuelles, présentera un rapport détaillé qui sera remis au greffe de la Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre civile, au plus tard le 31 janvier 2024, sauf prorogation expresse ;


Fixe à la somme de 3 000 euros, le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par [Z] [N] à la régie d'avances et de recettes de la Cour d'appel de Lyon au plus tard le 5 juillet 2023 ;


Dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;


Désigne Véronique Masson-Bessou, Conseiller à la 8ème chambre de la Cour d'appel de Lyon ou à défaut tout conseiller de cette chambre pour suivre le déroulement des opérations d'expertise ;


Dit que l'expert fera connaître sans délai son acceptation, qu'en cas de refus ou d'empêchement légitime, il sera pourvu à son remplacement ;


Dit que l'expert commencera ses opérations dès qu'il sera averti par le greffe que les parties ont consigné la provision mise à leur charge ;


Ordonnone le renvoi de l'affaire à l'audience de mise en état de la 8ème chambre de la Cour d'appel de Lyon du 8 avril 2024 pour conclusions des parties consécutivement au dépôt du rapport d'expertise, conclusions qui seront strictement limitées à la demande de dommages et intérêts de [Z] [N] au titre du dysfonctionnement de l'installation réalisée par la société SDT ;


Dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise, réservons la demande de dommages et intérêts de [Z] [N] ainsi que les demandes accessoires relatives aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.


LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Agir sur cette sélection :