Jurisprudence : CE 3/8 ch.-r., 08-03-2023, n° 451725

CE 3/8 ch.-r., 08-03-2023, n° 451725

A77859HS

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:451725.20230308

Identifiant Legifrance : CETATEXT000047318513

Référence

CE 3/8 ch.-r., 08-03-2023, n° 451725. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/94205143-ce-38-chr-08032023-n-451725
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Abstract

Mots clés : redevances • assainissement • service rendu • contrepartie • prestation Dans un arrêt rendu le 8 mars 2023, le Conseil d'État applique les principes de redevance pour service rendu à la redevance particulière d'assainissement non collectif.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 451725⚖️


Séance du 10 février 2023

Lecture du 08 mars 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

L'association Les Spanqués a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les délibérations n° 2016-037 et n° 2016-038 du 14 avril 2016 et les délibérations n° 2017-039 et n° 2017-057 du 3 mars 2017 du conseil communautaire de la communauté de communes de la Terre de Randon, devenue Randon-Margeride à compter du 1er janvier 2017, les règlements du service public d'assainissement non collectif et la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours gracieux du 9 juin 2016. Par un jugement n° 1603161 du 27 novembre 2018, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 19MA00387 du 15 février 2021, la cour administrative d'appel de Marseille⚖️ a, sur appel de l'association Les Spanqués, annulé l'article 2 de ce jugement, les délibérations n° 2016-037 et n° 2016-038 du 14 avril 2016, la décision de rejet de son recours gracieux dans cette mesure et les délibérations n° 2017-039 et n° 2017-057 du 3 mars 2017 en tant qu'elles fixent le montant et les modalités d'appel de la redevance relative aux contrôles périodiques de fonctionnement des installations existantes et rejeté le surplus de ses conclusions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 avril et 15 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la communauté de communes Randon-Margeride demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de l'association Les Spanqués ;

3°) de mettre à la charge de l'association Les Spanqués la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Autret, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la communauté de communes Randon-Margeride et à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Les Spanqués ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 27 mars 2010, la communauté de communes de La Terre de Randon a créé un service public d'assainissement non collectif géré en régie. Ce service, qui a recours aux services d'un prestataire titulaire d'un marché public, exerce la mission obligatoire de diagnostic et de contrôle des installations d'assainissement non collectif et a décidé de ne pas prendre en charge les prestations d'entretien des installations. L'association Les Spanqués a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler les délibérations n° 2016-037 et n° 2016-038 du 14 avril 2016 et les délibérations n° 2017-039 et n° 2017-057 du 3 mars 2017 du conseil communautaire de la communauté de communes de la Terre de Randon, devenue Randon-Margeride à compter du 1er janvier 2017, les règlements du service public d'assainissement non collectif et la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours gracieux du 9 juin 2016. Par un jugement du 27 novembre 2018, ce tribunal a rejeté cette demande. La communauté de communes Randon-Margeride se pourvoit contre l'arrêt du 15 février 2021 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant que, sur appel de l'association Les Spanqués, il annule l'article 2 de ce jugement, les délibérations n° 2016-037 et n° 2016-038 du 14 avril 2016, la décision de rejet de son recours gracieux en tant qu'elle refuse d'annuler ces délibérations et les délibérations n° 2017-039 et n° 2017-057 du 3 mars 2017 en tant qu'elles fixent le montant et les modalités d'appel de la redevance relative aux contrôles périodiques de fonctionnement des installations existantes.

2. L'article L. 2224-12-3 du code général des collectivités territoriales🏛 prévoit que : " Les redevances () d'assainissement couvrent les charges consécutives aux investissements, au fonctionnement et aux renouvellements nécessaires à la fourniture des services, ainsi que les charges et les impositions de toute nature afférentes à leur exécution () ". Aux termes de l'article R. 2224-19 du même code : " Tout service public d'assainissement, quel que soit son mode d'exploitation, donne lieu à la perception de redevances d'assainissement établies dans les conditions fixées par les articles R. 2224-19-1 à R. 2224-19-11 ". L'article R. 2224-19-1 de ce code🏛 dispose que : " Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public compétent pour tout ou partie du service public d'assainissement collectif ou non collectif institue une redevance d'assainissement pour la part du service qu'il assure et en fixe le tarif () ". L'article R. 2224-19-5 du même code prévoit : " La redevance d'assainissement non collectif comprend une part destinée à couvrir les charges de contrôle de la conception, de l'implantation et de la bonne exécution et du bon fonctionnement des installations et, le cas échéant, une part destinée à couvrir les charges d'entretien de celles-ci. / La part représentative des opérations de contrôle est calculée en fonction de critères définis par l'autorité mentionnée au premier alinéa de l'article R. 2224-19-1 et tenant compte notamment de la situation, de la nature et de l'importance des installations. Ces opérations peuvent donner lieu à une tarification forfaitaire. / La part représentative des prestations d'entretien n'est due qu'en cas de recours au service d'entretien par l'usager. Les modalités de tarification doivent tenir compte de la nature des prestations assurées ". Aux termes de l'article R. 2224-19-10 du même code : " Le produit des redevances d'assainissement est affecté au financement des charges du service d'assainissement. / Ces charges comprennent notamment : / - les dépenses de fonctionnement du service, y compris les dépenses de personnel ; / - les dépenses d'entretien ; / - les charges d'intérêt de la dette contractée pour l'établissement et l'entretien des installations ; / - les charges d'amortissement des immobilisations ".

3. Une redevance pour service rendu doit essentiellement trouver une contrepartie directe dans la prestation fournie par le service ou, le cas échéant, dans l'utilisation d'un ouvrage public et, par conséquent, doit correspondre à la valeur de la prestation ou du service. Si l'objet du paiement que l'administration peut réclamer à ce titre est en principe de couvrir les charges du service public, il n'en résulte pas nécessairement que le montant de la redevance ne puisse excéder le coût de la prestation fournie. Il s'ensuit que le respect de la règle d'équivalence entre le tarif d'une redevance et la valeur de la prestation ou du service peut être assuré non seulement en retenant le prix de revient de ce dernier, mais aussi, en fonction des caractéristiques du service, en tenant compte de la valeur économique de la prestation pour son bénéficiaire. Dans tous les cas, le tarif doit être établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d'égalité entre les usagers du service public et des règles de la concurrence.

4. Il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour apprécier le respect de la règle d'équivalence entre le montant de la redevance d'assainissement non collectif perçue au titre du contrôle périodique des installations existantes et la valeur du service rendu aux usagers, la cour, après avoir estimé que le montant annuel de la redevance collectée auprès des usagers avait fortement progressé à partir de 2016, a jugé que la communauté de communes ne justifiait pas de cette augmentation, dès lors qu'elle ne faisait état d'aucun déficit au titre des années antérieures, qu'elle n'apportait pas d'explication justifiant les sommes importantes imputées à compter de 2016 au budget du service au titre de salaires du personnel, alors que les prestations de communication, d'information, de contrôle d'établissement d'un fichier informatique, de rédaction de rapports de synthèse et, jusqu'en juin 2017, de facturation, avaient été confiées au titulaire du marché public conclu pour l'exécution du service d'assainissement non collectif, et que ce montant était largement supérieur, chaque année à partir de 2016, aux frais acquittés par la collectivité en paiement des prestations fournies aux usagers. Elle en a déduit que les tarifs fixés par la délibération n° 2016-037 du 14 avril 2016 et la délibération n° 2017-039 du 3 mars 2017 ne trouvaient pas leur contrepartie directe dans le service rendu aux usagers et méconnaissaient les dispositions des articles R. 2224-19-5 et R. 2224-19-10 du code général des collectivités territoriales🏛.

5. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté de communes soutenait que le personnel qu'elle avait mis à disposition du service à partir de 2016 avait notamment pour tâche, non seulement de concevoir le marché public de prestation de service et d'organiser sa passation, mais aussi d'assurer le suivi de son exécution, d'identifier les installations d'assainissement, d'assurer une veille de la réglementation applicable aux diagnostics des installations, d'assurer une partie de la facturation, à tout le moins à compter de juin 2017, et d'assurer une partie de la gestion des relations avec les usagers. En ne recherchant pas si, compte tenu des dépenses de personnel restant ainsi à la charge de la communauté de communes, le montant des redevances demandées aux usagers était proportionné au regard de l'ensemble des charges du service et de la valeur économique de la prestation pour ses bénéficiaires, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la communauté de communes Randon-Margeride est fondée à demander l'annulation des articles 1er et 3 de l'arrêt qu'elle attaque.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Les Spanqués une somme à verser à la communauté de communes Randon-Margeride au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté de communes, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les articles 1er et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 février 2021 sont annulés.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté de communes Randon-Margeride et par l'association Les Spanqués au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la communauté de communes Randon-Margeride et à l'association Les Spanqués.

Délibéré à l'issue de la séance du 10 février 2023 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Pierre Collin, présidents de chambre ; M. Christian Fournier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, M. Pierre Boussaroque, conseillers d'Etat et M. Julien Autret, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 8 mars 2023.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :

Signé : M. Julien Autret

La secrétaire :

Signé : Mme Elsa SarrazinHOK4R0T5

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