Jurisprudence : Cass. civ. 1, 01-03-2023, n° 21-10.186, F-D, Cassation

Cass. civ. 1, 01-03-2023, n° 21-10.186, F-D, Cassation

A57119GM

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:C100136

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047268964

Référence

Cass. civ. 1, 01-03-2023, n° 21-10.186, F-D, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/93721110-cass-civ-1-01032023-n-2110186-fd-cassation
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CIV. 1

MY1


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er mars 2023


Cassation


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 136 F-D

Pourvoi n° F 21-10.186


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 1ER MARS 2023


M. [D] [J], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-10.186 contre l'arrêt rendu le 6 octobre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Selon Rê, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [J], de la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maitre, avocat de la société Selon Rê, et l'avis de Mme Cazaux-Charles, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 6 octobre 2020), le 20 août 2012, M. [Aa] a consenti à la société Wattsol, qui exerce une activité de pose et d'exploitation d'équipements photovoltaïques, une promesse de bail emphytéotique portant sur la toiture d'un bâtiment, sous diverses conditions suspensives devant être réalisées au plus tard le 20 août 2013. L'acte stipulait au profit de chacune des parties une faculté de dédit, à charge pour la partie souhaitant en user de verser à l'autre une indemnité de 3 000 euros, outre le remboursement des frais engagés pour la réalisation de l'opération.

2. Le 6 avril 2013, la société Wattsol a transféré à la société Selon Rê (la société) en cours de constitution, représentée par M. [E], la propriété du projet d'installation d'équipements photovoltaïques incluant la promesse de bail emphytéotique.

3. La centrale photovoltaïque a été mise en service au cours du mois de novembre 2013.

4. Se plaignant de divers désordres, M. [J] s'est opposé à la régularisation par acte authentique du bail emphytéotique et a mis en demeure la société de quitter les lieux. Celle-ci a mis en demeure M. [Aa] de payer l'indemnité de dédit et de rembourser les frais engagés pour la réalisation de l'opération.

5. Par requête du 5 janvier 2017, M. [J] a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour que soit constatée la caducité de la promesse et ordonnée l'expulsion de la société.


Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. M. [J] fait grief à l'arrêt d'écarter l'application des dispositions du code de la consommation, alors « qu'un contrat de consommation s'entend de tout contrat passé entre un professionnel et un consommateur ou non-professionnel, quels que soient sa forme et son support ; que M. [Aa] a conclu avec la société Wattsol une promesse de bail emphytéotique pour l'installation de panneaux photovoltaïques à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité professionnelle ; qu'en énonçant que M. [Aa], qui sollicitait le bénéfice des dispositions du code de la consommation, ne pouvait prétendre bénéficier des règles protectrices instituées par le code de la consommation, même s'il est acquis qu'il n'a pas poursuivi un but professionnel, la cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 121-1 (ancien article L. 120-1), L. 221-1 (ancien article L. 121-21), L. 212-1 (ancien article L. 132-1) et L. 218-2 (ancien article L. 137-2) du code de la consommation. »


Réponse de la Cour

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation🏛, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016🏛 :

7. Le premier alinéa de ce texte dispose que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

8. Pour écarter l'application des dispositions du code de la consommation, l'arrêt retient que le contrat de bail d'immeuble ne constitue pas un contrat de consommation, même s'il est acquis que M. [Aa] n'a pas poursuivi un but professionnel.

9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un déséquilibre significatif qu'une clause du contrat aurait pour objet ou pour effet de créer au détriment de M. [Aa], non-professionnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


Et sur le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

10. M. [J] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes en constatation de la caducité de la promesse de bail emphytéotique, en paiement de dommages et intérêts et en libération et remise en état des lieux loués sous astreinte, alors :

« 2°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'acte de transfert de la promesse de bail emphytéotique du 6 avril 2013 a été conclu pour le compte de la société en cours de constitution par M. [E] et non par Mme [E] ; qu'en retenant, pour écarter la caducité de la promesse de bail, que son transfert par le protocole du 6 avril 2013 avait été régularisé par Mme [E] représentant la société en cours de création, qui a déclaré avoir reçu tous pouvoirs à cette fin et que cet engagement a été expressément repris par la personne morale, dont la présidence a été confiée à la signataire de la promesse, laquelle a été spécialement habilitée à signer le bail emphytéotique portant sur la toiture de l'immeuble appartenant à M. [Aa], la cour d'appel a violé le principe faisant obligation au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

3°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que les statuts de la société ne font aucune mention de l'engagement de reprise de la promesse de bail emphytéotique pris le 6 avril 2013 par M. [E] pour la société en cours de constitution ; que cet engagement de reprise ne figurait pas non plus dans l'état des actes repris annexés auxdits statut ; qu'en retenant, pour écarter la caducité de la promesse de bail qu'il résulte des statuts versés au dossier que l'engagement de transfert de la promesse de bail emphytéotique a été expressément repris par la personne morale, la cour d'appel a violé le principe faisant obligation au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis. »


Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

11. Pour rejeter la demande de caducité de la promesse de bail emphytéotique, l'arrêt retient qu'il résulte des statuts de la société que l'acte de transfert de la propriété du projet d'installation d'équipements photovoltaïques incluant la promesse de bail emphytéotique a été expressément repris par la personne morale, dont la présidence a été confiée à la signataire de la promesse.

12. En statuant ainsi, alors que la société était représentée par M. [E] lors de la signature de l'acte de transfert et que ni ses statuts ni son annexe ne font mention de cet acte, la cour d'appel a violé le principe susvisé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Selon Rê aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par la société Selon Rê et la condamne à payer à M. [Aa] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [D] [J].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [D] [J] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR écarté l'application des dispositions du code de la consommation dans un litige relatif à une promesse de bail emphytéotique l'opposant à un professionnel ;

ALORS QU'un contrat de consommation s'entend de tout contrat passé entre un professionnel et un consommateur ou non-professionnel, quels que soient sa forme et son support ; que M. [Aa] a conclu avec la société Wattsol une promesse de bail emphytéotique pour l'installation de panneaux photovoltaïques à des fins n'entrant pas dans le cadre de son activité professionnelle ; qu'en énonçant que M. [Aa], qui sollicitait le bénéfice des dispositions du code de la consommation, ne pouvait « prétendre bénéficier des règles protectrices instituées par le code de la consommation, même s'il est acquis qu'il n'a pas poursuivi un but professionnel » (p. 14), la cour d'appel a violé par refus d'application les articles L. 121-1 (ancien article L. 120-1), L. 221-1 (ancien article L. 121-21), L. 212-1 (ancien article L. 132-1) et L. 218-2 (ancien article L. 137-2) du code de la consommation.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

M. [D] [J] fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué de l'AVOIR débouté de ses demandes en constatation de la caducité de la promesse de bail emphytéotique, en paiement de dommages et intérêts et en libération et remise en état des lieux loués sous astreinte ;

1°) ALORS QUE la reprise des engagements souscrits au nom d'une société en formation avant la signature de ses statuts ne peut résulter que de l'état des actes accomplis avec indication de l'engagement en résultant pour la société, qui doit être annexé aux statuts, ou d'une décision non équivoque prise par les associés, la reprise ne pouvant pas être implicite ; qu'en décidant que le bénéfice de la promesse de bail emphytéotique accordée par M. [Aa] au profit de la société Wattsol avait été valablement transféré, par acte du 6 avril 2013, à la société Selon Rê, qui pouvait donc en poursuivre l'exécution, sans avoir constaté la reprise de cet engagement dans un état annexé aux statuts du 26 juin 2013 ou l'existence d'une décision non équivoque prise par les associés, la cour d'appel a violé les articles L. 210-6 du code de commerce🏛 et 6 du décret no 78-704 du 3 juillet 1978 ;

2°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que l'acte de transfert de la promesse de bail emphytéotique du 6 avril 2013 a été conclu pour le compte de la société Selon Rê en cours de constitution par M. [Ab] [E] et non par Mme [K] [E] ; qu'en retenant, pour écarter la caducité de la promesse de bail, que son transfert par le protocole du 6 avril 2013 avait « été régularisé par Mme [K] [E] représentant la société Selon Rê en cours de création, qui a déclaré avoir reçu tous pouvoirs à cette fin » et que cet engagement « a été expressément repris par la personne morale, dont la présidence a été confiée à la signataire de la promesse, laquelle a été spécialement habilitée à signer le bail emphytéotique portant sur la toiture de l'immeuble appartenant à M. [Aa] » (p. 14), la cour d'appel a violé le principe faisant obligation au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

3°) ALORS QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que les statuts de la société Selon Rê ne font aucune mention de l'engagement de reprise de la promesse de bail emphytéotique pris le 6 avril 2013 par M. [Ab] [E] pour la société en cours de constitution ; que cet engagement de reprise ne figurait pas non plus dans l'état des actes repris annexés auxdits statut ; qu'en retenant, pour écarter la caducité de la promesse de bail qu' « il résulte des statuts versés au dossier que l'engagement [de transfert de la promesse de bail emphytéotique] a été expressément repris par la personne morale [la société Selon Rê] » (p. 14), la cour d'appel a violé le principe faisant obligation au juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis.

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