Jurisprudence : Cass. com., 01-03-2023, n° 21-14.787, FS-B, Cassation

Cass. com., 01-03-2023, n° 21-14.787, FS-B, Cassation

A17939GI

Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2023:CO00158

Identifiant Legifrance : JURITEXT000047304344

Référence

Cass. com., 01-03-2023, n° 21-14.787, FS-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/93635223-cass-com-01032023-n-2114787-fsb-cassation
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Abstract

Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe qu'une société mère a, lorsqu'elle cède les parts qu'elle détient dans le capital social d'une filiale en état de cessation des paiements, l'obligation de s'assurer, avant la cession, que le cessionnaire dispose d'un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de cette filiale


COMM.

CH.B


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er mars 2023


Cassation partielle sans renvoi


M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 158 FS-B

Pourvoi n° H 21-14.787


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER MARS 2023


1°/ M. [G] [V], domicilié [… …],

2°/ M. [P] [Y], domicilié [… …],

3°/ M. [UT] [D], domicilié [… …],

4°/ M. [A] [E], domicilié [… …],

5°/ M. [W] [Z], domicilié [… …],

6°/ M. [R] [F], domicilié [… …],

7°/ M. [J] [A], domicilié [… …],

8°/ M. [T] [M], domicilié [… …],

9°/ Mme [HA] [U], domiciliée [Adresse 7],

10°/ M. [N] [B], domicilié [… …],

11°/ M. [IA] [X], domicilié [… …],

12°/ M. [PE] [X], domicilié [… …],

13°/ M. [B] [C], domicilié [… …],

14°/ M. [UN] [I], domicilié [… …],

15°/ M. [O] [OO], domicilié [… …],

16°/ M. [C] [VD], domicilié [… …],

17°/ M. [Aa] [HP], domicilié [… …],

18°/ M. [Ab] [OE], domicilié [… …],

19°/ M. [OJ] [VN], domicilié [… …],

20°/ M. [S] [IF], domicilié [… …],

21°/ Mme [OZ] [VY], … [… …],

22°/ M. [X] [HF], domicilié [… …],

23°/ M. [VT] [HK], domicilié [… …],

24°/ M. [B] [IP], domicilié [… …],

25°/ M. [Y] [AV], domicilié [… …],

26°/ M. [Z] [IK], domicilié [… …],

27°/ M. [UN] [CL], domicilié [… …],

28°/ M. [AG] [GV], domicilié [… …],

29°/ M. [NO] [UN], domicilié [… …],

30°/ M. [NU] [WT], domicilié [… …],

ont formé le pourvoi n° H 21-14.787 contre l'arrêt rendu le 4 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Volkswagen Aktiengesellschaft, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 31] (Allemagne),

2°/ à M. [K] [H], domicilié [… …] (…), pris en qualité de mandataire liquidateur de la société International Corporate Investors GmbH (ICI), anciennement dénommée Erlensee 2 VV GmbH,

3°/ à la société Erlensee 2 VV GmbH, dont le siège est [Adresse 32] (Allemagne),

4°/ à la société Prevent Dev GmbH, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 33] (Allemagne),

5°/ à la société Prevent TWB GmbH & Co.Kg, société de droit allemand, dont le siège est [Adresse 34] (Allemagne),

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ducloz, conseiller, et de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de
MM. [V], [Y], [D], [E], [Z], [F], [A], [M], [B], [IA] [X], [PE] [X], [C], [I], [OO], [VD], [HP], [OE], [VN], [IF], [HF], [HK], [IP], [AV], [IK], [CL], [GV], [UN] et [WT] et de Ac [Ad] et [VY], de la SCP Alain Bénabent, avocat des sociétés Prevent Dev GmbH et Prevent TWB GmbH & Co.Kg, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Volkswagen Aktiengesellschaft, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 janvier 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Ducloz, conseiller corapporteur, Mme Comte, conseiller référendaire corapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Ac AH, Champalaune, Michel-Amsellem, M. Calloch, conseillers, Mmes Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire🏛, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 février 2021), la société Rioglass France, devenue la société Prevent Glass, était détenue par la société de droit allemand Prevent Dev GmbH (la société Prevent Dev). Elle avait une activité de production de verre automobile et avait notamment comme client la société Volkswagen Aktiengesellschaft (la société Volkswagen).

2. Le 18 octobre 2011, la société Prevent Dev a cédé la totalité des actions qu'elle détenait dans le capital social de la société Prevent Glass à la société de droit allemand Erlensee 2 VV GmbH (la société Erlensee), devenue la société International Corporate Investitors GmbH. La société Prevent TWB GmbH & Co. KG (la société Prevent TWB), filiale de la société Prevent Dev, était partie à l'acte de cession.

3. La société Prevent Glass a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 21 novembre 2011 et 9 mai 2012, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 31 juillet 2011.

4. Le 30 mai 2012, le mandataire liquidateur a licencié l'ensemble des salariés de la société Prevent Glass.

5. M. [V] et vingt-neuf autres salariés de la société Prevent Glass (les salariés) ont saisi la juridiction prud'homale aux fins de voir dire leur licenciement sans cause réelle et sérieuse.

6. Ces mêmes salariés ont assigné les sociétés Prevent Dev, Prevent TWB, Volkswagen et Erlensee en paiement, in solidum, de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de leur emploi.

7. La société Volkswagen a interjeté appel du jugement ayant accueilli ces demandes et les sociétés Prevent Dev et Prevent TWB ont formé appel incident.


Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande des salariés de condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts, et sur le deuxième moyen, ci-après annexés

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter la demande des salariés de condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts

Enoncé du moyen

9. Les salariés font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts, alors :

« 2°/ que constitue une faute le fait, pour une société mère, de céder à un repreneur une filiale en état de cessation des paiements sans s'assurer préalablement que le plan de reprise présenté par ce repreneur comprend des mesures appropriées au regard de la situation économique et financière de cette filiale et de nature à soustraire la filiale à cet état de cessation des paiements pour éviter, au moins à court terme, l'ouverture d'une procédure collective ; qu'en se bornant à constater que le repreneur était en mesure de financer les investissements nécessaires au développement de nouveaux outils industriels grâce à des ressources qu'il avait présentées comme provenant de fonds de petites et moyennes entreprises industrielles allemandes et que la stratégie de ce repreneur consistait à obtenir de la société Volkswagen une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et un complément de financement immédiat sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si la faute de la société Prevent Dev ne résultait pas de ce que cette dernière ne s'était pas assurée de l'existence d'un plan de redressement comprenant des mesures adaptées à l'état de cessation des paiements permettant d'éviter l'ouverture de la procédure collective qui s'est finalement réalisée à peine un mois et trois jours après la cession, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil🏛, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016🏛 ;

3°/ que constitue une faute le fait, pour une société mère, de céder une filiale en état de cessation des paiements sans procéder à une vérification de la viabilité du projet présenté par le repreneur ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la stratégie du repreneur reposait sur l'obtention d'un accord avec la société Volkswagen sur une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et qu'un mois et trois jours après la cession, une procédure collective était ouverte à l'encontre de la société Prevent Glass car le repreneur n'était pas parvenu à obtenir cet accord ; qu'en l'état de ces constatations, et alors que les salariés rappelaient qu'une telle augmentation des prix, qui n'avait jamais pu être obtenue dans le passé, était proprement irréaliste, en écartant tout manquement des sociétés cédantes à leur obligation de vérifier la viabilité du plan sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces sociétés avaient pu obtenir des garanties ou s'étaient à tout le moins assurées des moyens dont disposait le repreneur pour parvenir à un tel accord, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil🏛, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016🏛. »


Réponse de la Cour

10. Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe qu'une société mère a, lorsqu'elle cède les parts qu'elle détient dans le capital social d'une filiale en état de cessation des paiements, l'obligation de s'assurer, avant la cession, que le cessionnaire dispose d'un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de cette filiale.

11. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.


Mais sur le troisième moyen, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile🏛

Enoncé du moyen

12. Les salariés font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il condamnait la société Erlensee à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts, alors « que si un codébiteur in solidum néglige de relever appel du jugement l'ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours recevable formé par son consort, ce jugement a force de chose jugée contre lui, même s'il est réformé sur l'appel du codébiteur ; qu'après avoir constaté que la société Erlensee n'avait pas interjeté appel du jugement et ne s'était pas jointe au recours formé par la société Volkswagen, la cour d'appel infirme le jugement et rejette, sans distinction, l'ensemble des demandes présentées par les salariés ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le jugement du tribunal de grande instance de Fontainebleau avait acquis autorité de chose jugée à l'égard de la société Erlensee, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil🏛, 480 et 562 du code de procédure civile. »


Réponse de la Cour

Vu l'article 1355 du code civil🏛 et les articles 480, alinéa 1er, et 562 du code de procédure civile🏛🏛 :

13. Selon le premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Aux termes du deuxième, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Selon le troisième, l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément ou implicitement et de ceux qui en dépendent.

14. Il en résulte que si un codébiteur solidaire néglige de former appel du jugement l'ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours recevable formé par l'autre codébiteur, ce jugement a force de chose jugée à son égard s'il est réformé sur l'appel du second.

15. L'arrêt, infirmant le jugement ayant condamné in solidum les sociétés Erlensee, Prevent Dev, Prevent TWB et Volkswagen à payer certaines sommes à titre de dommages et intérêts aux salariés, rejette l'ensemble des demandes formées par ceux-ci.

16. En statuant ainsi, alors que seules les sociétés Volkswagen, Prevent Dev et Prevent TWB avaient formé appel et que la société Erlensee ne s'était pas jointe à l'instance, ce dont il résulte que le jugement était devenu irrévocable dans les rapports entre celle-ci et les salariés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

17. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile🏛, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire🏛 et 627 du code de procédure civile.

18. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond concernant la responsabilité de la société Erlensee des préjudices causés aux anciens salariés de la société Prevent Glass, du fait de la cession d'actions intervenue le 18 octobre 2011, et sa condamnation à les indemniser.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la demande de mise hors de cause de la société Volkswagen AG sur le premier moyen et sur le premier moyen, en tant qu'il est dirigé contre la société Erlensee 2 VV GmbH, la Cour :

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, mais seulement en ce qu'il infirme le jugement ayant déclaré la société Erlensee 2 VV GmbH responsable des préjudices causés aux anciens salariés de la société Prevent Glass, du fait de la cession d'actions intervenue le 18 octobre 2011 et ayant condamné la société Erlensee 2 VV GmbH à payer à M. [Ae] [V] la somme de 132 527,96 euros, à M. [P] [Y] la somme de 180 677,12 euros, à M. [AI] [D] la somme de 125 747,32 euros, à M. [A] [E] la somme de 110 112,60 euros, à M. [W] [Z] la somme de 120 433,68 euros, à M. [R] [F] la somme de 106 694,49 euros, à M. [Af] [A] la somme de 148 982,60 euros, à M. [T] [M] la somme de 105 091,96 euros, à Mme [HA] [U] la somme de 77 609,55 euros, à M. [N] [B] la somme de 93 369,24 euros, à M. [IA] [X] la somme de 109 205,61 euros, à M. [PE] [X] la somme de 39 036,69 euros, à M. [B] [C] la somme de 110 029,98 euros, à M. [AJ] [I] la somme de 138 637,12 euros, à M. [Ag] [OO] la somme de 134 068,60 euros, à M. [C] [VD] la somme de 89 235,93 euros, à M. [Aa] [HP] la somme de 88 524,78 euros, à M. [Ab] [OE] la somme de 134 499,64 euros, M. [AK] [VN] la somme de 114 917,52 euros, à Mme [Ah] [VY] la somme de 93 926,88 euros, à M. [S] [IF] la somme de 111 021,63 euros, à M. [X] [HF] la somme de 94 411,68 euros, à M. [AL] [HK] la somme de 104 889,72 euros, à M. [B] [IP] la somme de 47 997,85 euros, à M. [Y] [AV] la somme de 112 444,92 euros, à M. [Z] [IK] la somme de 129 212,84 euros, à M. [UN] [CL] la somme de 123 316,76 euros, à M. [AG] [GV] la somme de 113 783,48 euros, à M. [AM] [UN] la somme de 99 033,54 euros, à M. [AN] [WT], la somme de 94 430,25 euros, ainsi qu'à chacun de ceux-ci la somme de 150 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile🏛 et à supporter les dépens, l'arrêt rendu le 4 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne MM. [V], [Y], [D], [E], [Z], [F], [A], [M], Mme [U], MM. [B], [IA] [X], [PE] [X], [C], [I], [OO], [VD], [HP], [OE], [VN], [IF], Mme [AO], MM. [HF], [HK], [IP], [AV], [IK], [CL], [GV], [UN] et [WT] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par MM. [V], [Y], [D], [E], [Z], [F], [A], [M], Mme [U], MM. [B], [IA] [X], [PE] [X], [C], [I], [OO], [VD], [HP], [OE], [VN], [IF], Mme [AO], MM. [HF], [HK], [IP], [AV], [IK], [CL], [GV], [UN] et [WT], et les condamne à payer aux sociétés Prevent Dev GmbH et Prevent TWB GmbH & Co. KG la somme globale de 1 500 euros, et à la société Volkswagen Aktiengesellschaft la somme globale de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille vingt-trois.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour MM. [V], [Y], [D], [E], [Z], [F], [A], [M], Mme [U], MM. [B], [IA] [X], [PE] [X], [C], [I], [OO], [VD], [HP], [OE], [VN], [IF], Mme [AO], MM. [HF], [HK], [IP], [AV], [IK], [CL], [GV], [UN] et [WT].

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Les salariés font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté leurs demandes tendant à la condamnation in solidum des sociétés Prevent Dev GmbH, Prevent TWB GmbH & CO.KG, Volkswagen AG et Erlensee 2 VV GmbH à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts ;

1) Alors que, pour écarter la fraude alléguée par les salariés, consistant pour les sociétés Prevent Dev et Prevent TWB à externaliser la charge des licenciements économiques en cédant, au prix d'un euro symbolique, la société Prevent Glass, qui employait près de 2000 salariés, à une société en formation au capital de 25 000 euros seulement, sans présentation par ce repreneur d'un plan d'affaires et moins encore d'un plan de redressement alors que la société Prevent Glass se trouvait en état de cessation des paiements, avec pour seule stratégie de reprise d'obtenir de la société Volkswagen AG une augmentation des prix de 30 % qui n'avait jamais été obtenue jusque-là, la cour d'appel relève que ce repreneur était en mesure de financer les investissements nécessaires au développement de nouveaux outils industriels grâce à des ressources qu'il avait présentées comme provenant de fonds de PME industrielles allemandes, que sa stratégie consistait obtenir de la société Volkswagen AG une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et un complément de financement immédiat, qu'aucune faute ne pouvait être imputée à la société Prevent Dev à raison de l'absence de mise en oeuvre des mesures présentées par le repreneur, qu'aucune faute ne pouvait également être retenue à raison de l'état de cessation des paiements dans lequel se trouvait la société Prevent Glass lors de la cession dès lors qu'il n'a jamais été dissimulé que cette société ne générait pas de profits, que les salariés n'apportent pas la preuve que la société Prevent Dev savait que le cessionnaire ne mettrait pas en oeuvre la stratégie présentée lors de la cession, que le prix de cession d'un euro symbolique n'est pas en mesure d'établir une telle fraude et que la société Prevent Dev avait toujours soutenu financièrement sa filiale dans sa période d'appartenance au groupe ; qu'en se prononçant par de tels motifs sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé (conclusions d'appel des salariés, p. 14 et 15, et 32 et suivantes), s'il ne résultait pas de la dissimulation aux tiers, et précisément aux salariés, par les sociétés cédantes et cessionnaire, de l'état de cessation des paiements dans lequel se trouvait la société Prevent Glass et de la circonstance que la cession avait été ainsi acceptée sans présentation d'un plan d'affaires tenant compte de cette situation ni même réalisation par le repreneur d'un audit préalable de la société Prevent Glass, que la société Prevent Dev avait ainsi en toute connaissance de cause, sous couvert d'un plan de cession fictif, cédé sa filiale dans le seul but d'échapper aux obligations légales qu'il lui aurait incombées en cas de licenciements collectifs, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil🏛, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016🏛 ;

2) Alors que constitue une faute le fait, pour une société mère, de céder à un repreneur une filiale en état de cessation des paiements sans s'assurer préalablement que le plan de reprise présenté par ce repreneur comprend des mesures appropriées au regard de la situation économique et financière de cette filiale et de nature à soustraire la filiale à cet état de cessation des paiements pour éviter, au moins à court terme, l'ouverture d'une procédure collective ; qu'en se bornant à constater que le repreneur était en mesure de financer les investissements nécessaires au développement de nouveaux outils industriels grâce à des ressources qu'il avait présentées comme provenant de fonds de PME industrielles allemandes et que la stratégie de ce repreneur consistait à obtenir de la société Volkswagen AG une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et un complément de financement immédiat sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel des salariés, p. 32 et 33), si la faute de la société Prevent Dev ne résultait pas de ce que cette dernière ne s'était pas assurée de l'existence d'un plan de redressement comprenant des mesures adaptées à l'état de cessation des paiements permettant d'éviter l'ouverture de la procédure collective qui s'est finalement réalisée à peine un mois et trois jours après la cession, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil🏛, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016🏛 ;

3) Alors que constitue une faute le fait, pour une société mère, de céder une filiale en état de cessation des paiements sans procéder à une vérification de la viabilité du projet présenté par le repreneur ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la stratégie du repreneur reposait sur l'obtention d'un accord avec la société Volkswagen AG sur une augmentation des prix de l'ordre de 30 % et qu'un mois et trois jours après la cession, une procédure collective était ouverte à l'encontre de la société Prevent Glass car le repreneur n'était pas parvenu à obtenir cet accord ; qu'en l'état de ces constatations, et alors que les salariés rappelaient qu'une telle augmentation des prix, qui n'avait jamais pu être obtenue dans le passé, était proprement irréaliste, en écartant tout manquement des sociétés cédantes à leur obligation de vérifier la viabilité du plan sans rechercher comme elle y était invitée (conclusions d'appel des salariés, p. 13 et 37) si ces sociétés avaient pu obtenir des garanties ou s'étaient à tout le moins assurées des moyens dont disposait le repreneur pour parvenir à un tel accord, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du code civil🏛, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016🏛.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Les salariés font grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de la société Volkswagen AG à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts ;

Alors que si l'interdiction faite à tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels, ne fait pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations, c'est à la condition que cette inexécution revête une certaine gravité qu'il appartient aux juges du fond de constater ; qu'en se bornant à retenir que l'article 9.2 de l'accord prévoyait une faculté de résiliation en cas de non-respect des livraisons par Prevent Glass en termes de délais, de qualité et de quantités et que la société Volkswagen AG avait communiqué un message électronique du 2 avril 2012 et une lettre officielle du 24 avril 2012 qui établissaient que la rupture des relations commerciales avait été motivée par l'arrêt des livraisons par la société Prevent Glass à raison de la grève déclenchée par ses salariés suite à l'annonce du retrait de l'offre de reprise par la société Fuyao sans préciser en quoi cet arrêt des livraisons était de nature à caractériser un manquement suffisamment grave justifiant la rupture sans préavis de la relation commerciale, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles 1382 du code civil🏛, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016🏛, et L. 442-6 I 5° du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010🏛.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Les salariés font grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait condamné la société Erlensee 2 VV GmbH à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts ;

Alors que si un codébiteur in solidum néglige de relever appel du jugement l'ayant condamné en première instance ou de se joindre au recours recevable formé par son consort, ce jugement a force de chose jugée contre lui, même s'il est réformé sur l'appel du codébiteur ; qu'après avoir constaté que la société Erlensee 2 VV GmbH n'avait pas interjeté appel du jugement et ne s'était pas jointe au recours formé par la société Volkswagen Aktiengesellschaft, la cour d'appel infirme le jugement et rejette, sans distinction, l'ensemble des demandes présentées par les salariés ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il résultait de ses propres constatations que le jugement du tribunal de grande instance de Fontainebleau avait acquis autorité de chose jugée à l'égard de la société Erlensee 2 VV GmbH, la cour d'appel a violé les articles 1355 du code civil🏛, 480 et 562 du code de procédure civile.

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